Le 29 mai 2019, la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation (N°18-17.377), a rendu une décision très intéressante retenant que l’autorité de la chose jugée attachée à une décision ayant rejeté une demande de modification de la rente viagère ne saurait s’opposer à une seconde demande fondée sur les nouveaux critères ajoutés par la loi du 16 février 2015 (loi n°2015-17), critères de durée du versement et du montant déjà versé.
Dans cette affaire, un individu avait été condamné en 1998 à verser à son ex épouse une prestation compensatoire sous forme de rente viagère.
Il avait sollicité une première fois la révision de cette rente viagère en invoquant un avantage manifestement excessif accordé à son ex épouse et en se fondant sur les critères retenus par l’article 33 de la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 dans sa version initiale qui faisait référence au critère de l’âge et de l’état de santé du créancier.
Sa demande avait été rejetée par un jugement du 06 novembre 2008.
En septembre 2015, cet homme a saisi à nouveau le Juge aux Affaires Familiales compétent d’une demande tendant à obtenir la suppression de la rente viagère versée à son ex épouse sur le même fondement (avantage manifestement excessif accordé à la créancière).
Il convient ici de noter qu’entre temps la législation sur cette question avait évolué.
En effet, la loi a ajouté deux critères supplémentaires tenant à la durée du versement de la rente et au montant déjà versé (loi n°2015-177 du 16 février 2015).
Suite au rejet de sa demande par le Juge aux Affaires Familiales, l’homme fait un recours devant la Cour d’Appel.
La Cour d’Appel déclare sa demande irrecevable en retenant que le jugement du 06 novembre 2008 avait été rendu au visa de l’article 33 de loi du 26 mai 2004 dans sa version antérieure à la loi du 16 février 2015 et que cette nouvelle loi ne permettait pas de remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement.
L’homme forme alors un pourvoi en cassation qui est accueilli par la Cour en application des dispositions des articles 1355 du Code Civil et 276-3 du Code Civil.
La Cour de Cassation retient en effet :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur R… n’invoquait pas des circonstances de faits nouveaux résultant notamment de la durée du versement de la rente depuis le jugement du 06 novembre 2008 et du montant déjà versé, la Cour d’Appel a privé sa décision de base légale. »
La Cour de Cassation retient que la Cour d’Appel, pour rejeter la demande de Monsieur R… ne pouvait invoquer l’autorité de la chose jugée dans la mesure où la cause du litige avait évolué, c’est-à-dire que des éléments de faits et de droits postérieurs étaient venus modifier la situation antérieurement reconnue.
En effet, suite à plusieurs modifications de la loi en ce qui concerne les conditions de la révision d’une prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère, la loi n°2015-17 du 16 février 2015, désireuse d’assouplir le système de révision des rentes accordées avant la loi du 30 juin 2000, a complété les termes de l’article 33 de la loi du 26 mai 2004 en précisant les critères d’appréciation de « l’avantage manifestement excessif ».
Dès lors, désormais, le Juge aux Affaires Familiales qui est saisi d’une demande de révision d’une prestation compensatoire sous forme de rente viagère devra vérifier la durée du versement de la rente et le montant déjà versé au titre de cette rente afin de déterminer l’éventuel excès de l’avantage.
Il devra faire cette vérification même si une précédente décision a été rendue en la matière rejetant la demande du débiteur sous l’empire de la loi antérieure au 16 février 2015.
Une demande de révision d’une rente viagère doit en effet être appréciée par le Juge aux Affaires Familiales en fonction de la législation en vigueur au moment où il est amené à statuer.
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