Excès de vitesse - Dénonciation
2017: Un virage pris trop vite ?
La loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle n°2016-1547 du 18 novembre 2016 a crée une nouvelle obligation pour le représentant légal de la personne morale consistant à dénoncer les salariés ayant commis certaines infractions routières.
L'article L121-6 du code de la route dispose:
« Lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, à l'autorité mentionnée sur cet avis, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe »
Les infractions routières concernées par le texte sont les suivantes:
-le port de la ceinture de sécurité ;
-l’usage du téléphone tenu en main ;
-l’usage des voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules ;
-la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence ;
-le respect des distances de sécurité entre les véhicules ;
-le franchissement et le chevauchement des lignes continues ;
-les signalisations imposant l’arrêt des véhicules ;
-les excès de vitesse;
-les différents dépassements non autorisés;
-l‘engagement dans l'espace compris entre les deux lignes d’arrêt;
-l'obligation du port d'un casque homologué
QUESTIONS- REPONSES SUR LA THEMATIQUE
Qui reçoit l’avis de contravention ?
Le destinataire n’est autre que le titulaire de la carte grise, lequel est présumé responsable de l’infraction commise avec le véhicule flashé.
Quelles réactions à réception de l’avis de contravention? Avant / Après
*Jusqu’au 1er janvier 2017, les destinataires d’avis de contravention avaient comme option:
1- Payer
2- Contester
En respectant scrupuleusement les formes prescrites pour la contestation, mentionnées sur l’avis de contravention.
3- Ne pas payer
(si vous ne contestez pas, le montant de l’amende risque alors de gonfler)
*Au 1er janvier 2017, les options sont les mêmes, sauf à préciser que lorsque le destinataire de avis de contravention se trouve être l’employeur, une nouvelle amende serait encourue si ce dernier ne dénonce pas le véritable conducteur.
Aux termes de l’article A121-1 du code de la route:
« Les informations que le représentant légal d'une personne morale propriétaire ou détentrice d'un véhicule, pour lequel une infraction a été constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9, est tenu d'adresser, en application de l'article L. 121-6, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, doivent préciser :
1° Soit l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule ;
2° Soit les éléments permettant d'établir l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre évènement de force majeure. »
Quelles explications pour justifier la création d’une obligation de dénoncer?
1- Sécuriser nos routes (pour que les véritables auteurs d’excès de vitesse paient et lèvent le pied)
2 -Mettre un terme à une pratique qui consistait pour l’employeur à payer une contravention en lieu et place de son salarié lorsqu’une infraction routière était commise avec un véhicule de l’entreprise.
3- Accessoirement, la création d’une amende créée des ressources supplémentaires.
NB: Il a pu être rapporter courant juin 2017 au travers d’une note d’analyse de la Cour des comptes que si les recettes encaissés en la matière augmentées, l’argent n’était pas toujours affecté à l’objectif stratégique de diminution de la mortalité sur les routes. Cela concernerait plus de 50% des recettes des amendes (soit 837 millions d’euros).
Quelle méthode pour dénoncer?
Concrètement, la personne morale titulaire du certificat d’immatriculation est rendue destinataire d’un avis de contravention et son représentant légal dispose de 45 jours pour: dénoncer le salarié qui conduisait le véhicule au moment où l’infraction a été commise, ou, établir l’existence d’un vol, d’une usurpation d’identité ou d’un évènement de force majeure.
Sauf que, pour dénoncer, encore faut-il connaître l’identité du conducteur du véhicule flashé,
Cette dénonciation nouvellement prévue par les textes implique ainsi pour les sociétés qui ont une flotte automobile d’être en capacité de déterminer quel salarié empruntait quel véhicule et à quel moment.(pas toujours si simple…)
La chose ne sera pas aisée, en particulier si l’usage du véhicule est réparti entre plusieurs salariés.
La dénonciation implique donc la mise en place de processus permettant l’identification des conducteurs. Type : mise en place de carnets de bord attachés aux véhicules remplis par les conducteurs, voir, régularisation d’une annexe au contrat de travail portant attribution d’un véhicule au salarié.
Une fois le conducteur désigné, il est demandé à l’employeur de remplir un formulaire et d’y faire figurer l’identité et l’adresse du salarié qui conduisait le véhicule au moment des faits ainsi que la référence de son permis de conduire.
Attention: Une fausse information expose à des poursuites pénales.
Quelles conséquences en cas de refus de dénonciation?
Prenons le cas d’un représentant légal qui décide de payer, sans contester l’amende.
Alors, 1/ le paiement de l’amende implique en principe une reconnaissance de culpabilité.
Et 2/ dès lors que la culpabilité est avérée, elle autorise une perte de points correspondante à l’excès de vitesse visé.
S’agissant de la perte de points, il sera ici rappelé que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans des cas prévus par la loi, à savoir: par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive.
3/ Il sera rappelé que dans le cas où le représentant légal ne souhaite pas dénoncer son salarié, il serait redevable sur ses deniers du montant de l’amende.
4/ La contravention concernée de 4ème classe est d’un montant maximum de 750 euros et ne pourrait être prise en charge par la société.
Quels recours contre cette dénonciation pour le salarié dénoncé ?
Le salarié dénoncé conserve la possibilité de contester en prouvant notamment, soit qu’il n’était pas au volant au moment des faits, soit que la matérialité des faits reprochés n’est pas établie.
Plus encore, le salarié qui a fait l’objet d’une dénonciation mensongère de la part de son employeur peut agir sur le terrain pénal à l’encontre de ce dernier.
Enfin, le salarié pourrait tenter dans certains cas d’établir que les conditions de travail sont à l’origine de la contravention en cause (cadences imposées).
Quel bilan?
Applicable au 1er janvier 2017, Il est évidemment encore tôt pour dresser un bilan, mais, à l’évidence, certains constats peuvent être faits et notamment:
*Une fois dénoncé, le salarié peut perdre, sauf contestation fructueuse, des points sur son permis de conduire, avec, a fortiori, un risque d’annulation de permis pour solde de points nul, voir un aléa sur le terrain professionnel si le permis de conduire est une condition à l’exécution de son travail.
*L’entreprise qui a dénoncé sans précaution son salarié peut se trouver quant à elle privée de ses services et donc désorganisée.
*Le salarié dénoncé doit être particulièrement rigoureux dans le cadre de la contestation envisagée de l’avis de contravention en cause, car, à défaut de respecter scrupuleusement le formalisme imposé, l’irrecevabilité peut lui être opposée, avec les conséquences sus évoquées.
*L’entreprise doit réfléchir en amont à une stratégie de contrôle et d’information pour limiter les risques en matière de droit de la route, tant en interne pour conserver ses salariés que pour les salariés eux-mêmes face aux dangers de la route.
Textes visés dans cet article:
Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle
Décret n° 2016-1955 du 28 décembre 2016
Article L.121-6 du Code de la route
Articles R 121-6 et R 130-11 du Code de la route
Si vous êtes confronté à ces problématiques, il est utile de consulter un avocat lequel pourra vous apporter son expertise pour vous conseiller au mieux.
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