Succession internationale : régime civil et fiscal

La mobilité des personnes et la dispersion géographique des biens sont deux facteurs de nature à soulever des questions complexes lorsque survient un décès.  La réponse passe d’abord par la détermination de la loi successorale applicable, puis par la recherche du régime de taxation de la succession.

Une succession internationale recouvre la situation d’une personne qui décède dans un Etat alors que ses héritiers et/ou ses biens sont situés dans un ou plusieurs autres Etats.

Dans une telle situation, chacun des Etats peut en théorie se déclarer compétent pour régler et taxer la succession de cette personne : Etat du domicile du défunt ou de sa nationalité, Etat du lieu de situation des biens, Etat du domicile ou de la nationalité des héritiers.

La première question à se poser, avant celle des modalités d’imposition d’une succession internationale, est son traitement civil.

LA DETERMINATION DE LA LOI COMPETENTE POUR REGIR LA SUCCESSION

La recherche de la loi régissant une succession a pour but de répondre aux questions suivantes : qui hérite et de quelle part dans l’héritage ?

En présence d’un défunt marié (ou lié par un partenariat), il faudra au préalable déterminer la loi applicable au régime matrimonial car la liquidation du régime matrimonial précède obligatoirement la liquidation de la succession.

Les réponses sont en principe données par le code civil mais en présence d’une succession internationale, il faudra rechercher de quel pays est la loi civile compétente. C’est là qu’intervient le droit international privé, défini comme l'ensemble des règles applicables aux personnes privées dans les relations internationales.

L’ADOPTION D’UN PRINCIPE D’UNITE DE LA LOI SUCCESSORALE

Il existe deux systèmes de règles pour résoudre les conflits de lois successorales :

  • un système unitaire : va être retenue la loi de la nationalité ou du lieu de la dernière résidence du défunt ;
  • un système dualiste : on retiendra la loi de la dernière résidence pour les meubles et la loi du lieu de situation pour les immeubles ;

Un règlement de l’Union Européenne a modifié et simplifié les règles en retenant le principe d’unité. Il s’agit du « règlement succession », adopté en 2012 mais entré en application en 2015, et qui fixe les principes suivants.

Si le défunt a désigné dans un testament que la loi applicable à sa succession est celle de sa nationalité (professio juris), il faut retenir cette loi comme loi successorale. A défaut, est retenue la loi de la dernière résidence habituelle du défunt. La loi s’appliquera à l’ensemble des biens meubles et immeubles composant sa succession.

LA NOTION DE DERNIERE RESIDENCE HABITUELLE

Il n’y a pas de définition précise de cette notion. La résidence habituelle désigne le pays avec lequel le défunt a eu les liens les plus étroits et stables. Elle se distingue du domicile au sens fiscal. Cette notion repose sur une appréciation des faits et sur la capacité à pouvoir faire la démonstration d’une situation factuelle.

La mise en œuvre de ces règles est donc une première source de conflits entre les héritiers : litige sur le lieu de résidence habituelle du défunt, contestation de la validité d’un testament.

Si le morcellement des lois successorales applicables est aujourd’hui l’exception en matière civile, cela demeure le principe en matière fiscale car chaque Etat veut avoir sa part du gâteau successoral.

LA REPARTITION ENTRE LES PAYS DU DROIT DE TAXER LA SUCCESSION

La fiscalité s’adapte mal aux situations transnationales, ce qui fait peser un risque de double voire de triple imposition sur les contribuables.

Par exemple, comment sera taxée la succession d’un français établi en Suisse qui y décède, laissant pour héritier son fils unique domicilié en France et des biens localisés en France et en Suisse, ainsi qu’une résidence secondaire située en Espagne ?

LE LARGE SPECTRE DE LA LOI FISCALE FRANCAISE

Pour ce qui concerne la France, trois critères de rattachement d’une succession à la fiscalité française sont posés à l’article 750 ter du Code général des impôts (CGI) :

  • si le défunt avait son domicile fiscal en France au moment du décès, tous ses biens meubles ou immeubles situés en France ou hors de France sont imposables en France, quel que soit le lieu du domicile fiscal des héritiers ;
  • si le défunt n’avait pas son domicile fiscal en France, en principe seuls ses meubles et immeubles situés en France sont imposables en France ;
  • par exception, si le défunt n’avait pas son domicile en France mais que l’un des héritiers est fiscalement domicilié en Franc ou l’a été pendant au moins 6 ans au cours des 10 dernières années, tous les biens attribués à cet héritier sont imposables en France, quel que soit leur lieu de situation.

Il faut souligner que le raisonnement sera identique pour ce qui concerne les donations.

Pour l’analyse fiscale, il faut donc déterminer le lieu du domicile fiscal du défunt et de ses héritiers.

LA NOTION DE DOMICILE FISCAL

Le domicile fiscal est une notion différente de celle de « dernière résidence habituelle du défunt » utilisée en droit civil : la dernière résidence habituelle du défunt peut être en Suisse mais son domicile fiscal demeuré en France.

Les critères du lieu du domicile fiscal, critères alternatifs, sont fixés à l’article 4 B du CGI : lieu du foyer (endroit où le défunt habitait normalement avec sa famille) ou subsidiairement, lieu du séjour principal ; lieu d’exercice de l’activité professionnelle principale ; lieu du centre des intérêts économiques.

LE PARTAGE PAR LES CONVENTIONS FISCALES DU DROIT D’IMPOSER ENTRE LES ETATS

Lorsqu’une succession va présenter un lien de rattachement avec un autre Etat, il va naître un risque de double imposition.

Ainsi dans notre exemple, l’Espagne va aussi vouloir percevoir des droits de succession sur la résidence secondaire du défunt située en Espagne.

Cette situation peut être résolue par le droit interne des Etats, comme c’est le cas en France avec le crédit d’impôt accordé par l’article 784 A du CGI : l’impôt payé en Espagne sur l’immeuble s’imputera sur les droits de succession dus en France.

Elle peut également être réglée par la convention fiscale conclue entre les deux pays lorsqu’elle existe, ces conventions étant plus rares que celles conclues en matière d’impôt sur le revenu ou sur la fortune.

A noter qu’il n’y plus de convention en matière de succession entre la France et la Suisse, celle-ci ayant été dénoncée.

En matière de succession, les conventions internationales répartissent généralement le droit d‘imposer entre :

  • l’Etat du lieu de situation des immeubles qui ne taxe que ces seuls immeubles,
  • l’Etat du domicile du défunt qui impose la totalité des biens de la succession, en contrepartie de l’attribution d’un crédit d’impôt égal à l’impôt payé dans l’Etat de situation des immeubles. Le crédit d’impôt peut être remplacé par une exonération.

On parle alors de morcellement de la loi fiscale.

Il convient de signaler que la convention franco-allemande déroge à ces règles en permettant l’imposition en France d’un héritier domicilié en France sur la succession d’un défunt domicilié en Allemagne dont le patrimoine n’est composé que de biens situés en Allemagne !

Une deuxième source de contentieux peut donc naître entre les héritiers et les Etats concernés en ce qui concerne la détermination du lieu du domicile fiscal du défunt, d’un héritier ou du lieu de situation d’un bien, notamment lorsqu’un bien immobilier est détenu au travers de sociétés françaises ou étrangères à prépondérance immobilière.

En conclusion, le règlement d’une succession internationale est un exercice compliqué qui impose de combiner entre eux les droits internes des Etats concernés, les textes européens et les conventions fiscales.

Une collaboration étroite entre notaires et fiscalistes, établis en France et dans l’autre Etat, est nécessaire dans les dossiers présentant un élément d’extranéité.

De par sa complexité, la matière peut être le terrain de conflits successoraux et contentieux fiscaux.

La mise en place d’une stratégie de planification successorale permet d’anticiper les difficultés à régler une succession.