Le 29 novembre 2019, le Conseil d’Etat a organisé un colloque sobrement intitulé le référé.

La table ronde n°2 spécifiquement dédiée à l’urgence a plus particulièrement retenu notre attention.

Et pour cause, si les juridictions administratives s’assurent du respect des droits et obligations de l’administration, le justiciable est confronté à une triste réalité : l’encombrement des tribunaux administratifs.

Les délais de jugements apparaissent longs, voire très longs. Par exemple, à Nantes, les justiciables patientent régulièrement plus de 24 mois avant que leur dossier soit jugé.

Ainsi, lorsqu’un administré décide de contester un acte administratif, il est souvent envisagé une procédure en urgence (référé suspension, référé liberté, référé mesures utiles).

La recherche de l’efficacité milite en faveur d’une telle stratégie.

Par exemple, si vous sollicitez l’annulation du permis de construire délivré par une commune pour l’édification d’un immeuble, il peut être opportun d’obtenir une décision avant que la construction soit réalisée. Ou encore, si vous attaquez un refus de visa alors que vous avez obtenu le regroupement familial et que vos enfants se trouvent bloqués dans un autre pays, il est nécessaire d’avoir une décision dans les meilleurs délais.

Dès lors, il sera nécessaire de démontrer l’existence d’une situation d’urgence.

La difficulté tient à ce que la notion d’urgence en droit administratif diffère quelque peu de celle du langage commun.

Par exemple, en droit administratif routier, il ne suffit pas de démontrer que la détention du permis de conduire est indispensable à la poursuite de l’activité professionnelle puisque le juge peut arguer des exigences de protection et sécurité routière pour refuser d’examiner en urgence le recours.

Il est ainsi régulièrement jugé « qu’eu égard à la gravité d’une telle infraction, l’exécution de la décision litigieuse répond aux exigences primordiales de protection et de sécurité routière. Dans ces circonstances, la condition d’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, ne saurait être regardée comme remplie ». Cela peut paraître choquant lorsque la décision de l’administration est manifestement illégale.

Pis encore, si à la lecture de l’argumentaire écrit déposé par le justiciable le juge estime qu’il n’existe pas d’urgence, il peut refuser de faire droit à la demande sans entendre préalablement les parties à l’audience.

Très concrètement, le juge se fonde alors sur l’article L. 522-3 du code de justice administrative pour prendre une ordonnance de tri et rejeter la requête immédiatement.

«Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L.522-1».

Il convient donc de développer longuement l’argumentaire écrit et plus l’argumentation la partie dédiée à l’urgence, puis d’y joindre de nombreuses pièces justificatives. 

Lors du colloque du 29 novembre 2019, Jean-Denis COMBREXELLE, président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, a estimé que « la capacité du juge à traiter de l’urgence n’est plus simplement une question de procédure mais devient un élement de fond qui caractèrise la capacité ou l’incapacité d’un système de droit national à garantir la sécurité juridique ».

Précisément, si le défaut d’urgence est invoqué systématiquement pour rejeter un recours, cela pourrait laisser perplexe quant à la capacité du juge à garantir le respect des règles de droit par l’administration.

Ce propos semble plus en adéquation avec le sens premier de la notion d’urgence et rassure quant l’effectivité du contrôle des actes administratifs par le juge.

Pour aller plus loin : 

https://www.conseil-etat.fr/actualites/colloques-seminaires-et-conferences/le-refere-les-20-ans-de-la-justice-administrative-de-l-urgence