Aux termes des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le montant retenu pour certains revenus et charges, dans le cadre du calcul de l'impôt, selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25.

Au rang des revenus visés, on trouve notamment deux catégories de revenus de capitaux mobiliers perçus par les personnes physiques, à savoir les rémunérations et avantages occultes distribués par une société passible de l'impôt sur les sociétés (article 111 -c du CGI), et les revenus réputés distribués par une telle société, correspondant soit à des bénéfices ou produits qui n'ont pas été mis en réserve ou incorporés au capital social soit à des sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices, lorsque ces revenus sont réintégrés dans les résultats de la société à la suite d'un contrôle fiscal (article 109 – 1, 1° du CGI)

Dans une affaire devant le Conseil d’Etat, des contribuables soutenaient qu’en prévoyant l'imposition des revenus visés au c de l'article 111 du code général des impôts et, lorsqu'ils résultent d'une rectification des résultats de la société distributrice, au 1° du 1 de l'article 109 du même code à l'impôt sur le revenu sur une base de 125 % de leur montant, les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts sont susceptibles, compte tenu du cumul de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des autres prélèvements assis sur les mêmes revenus, de faire peser sur eux une imposition revêtant un caractère confiscatoire, portant ainsi atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil d’Etat avait considéré que la question soulevée revêtait un caractère sérieux et l’avait renvoyée au Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution (CE 16 avril 2019, n°428401).

Conseil constitutionnel vient de répondre à cette QPC dans sa décision 2019-793 du 28 juin 2019. Les requérants soutiennent que cette majoration de 25% devrait être considérée comme une sanction ayant le caractère d'une punition, compte tenu de la finalité répressive qu'elle aurait acquise du fait des augmentations successives du barème de l'impôt sur le revenu. Ils estiment qu’en l'absence de toute modulation, l'application systématique de ce coefficient de majoration contreviendrait au principe de légalité des peines. Ils font valoir également que cette majoration d'assiette constituerait, par son application automatique, une présomption irréfragable de culpabilité, au mépris de l'article 9 de la Déclaration des droits et de l'homme et du citoyen de 1789. Ils invoquent enfin le principe d'égalité devant les charges publiques, qui serait doublement méconnu, en ce sens qu’ une distinction injustifiée serait établie entre les titulaires de revenus de capitaux mobiliers soumis à cette majoration d'assiette et les autres titulaires de revenus de capitaux mobiliers, d’une part ; et que le cumul de l'impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des contributions sociales ferait peser sur les revenus soumis à cette assiette majorée une imposition revêtant un caractère confiscatoire, d’autre part.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 13 de la Déclaration de 1789 selon lesquelles l’impôt doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés, ainsi que celles de l’article 34 de la Constitution, selon lesquelles il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

Selon le Conseil constitutionnel, en opérant une distinction selon que les revenus sont distribués à la suite d'une décision régulière des organes compétents de la société ou que les revenus distribués résultent de décisions occultes ou irrégulières et en soumettant seulement ces derniers à la majoration d'assiette contestée, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi. Il n'en résulte donc aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques entre les bénéficiaires de revenus de capitaux mobiliers soumis à cette majoration et les autres bénéficiaires de revenus de capitaux mobiliers. La majoration est donc jugée conforme à la Constitution.

Il faut noter que le Conseil constitutionnel avait jugé pourtant, en ce qui concerne l’application de majoration aux contributions sociales que si les dispositions de l'article L 136-6, I-c du Code de la sécurité sociale sont conformes à la Constitution, elles ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, permettre l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 pour l'établissement des contributions sociales assises sur les bénéfices ou revenus mentionnés à l’article 158, 7-2° du CGI (Cons. const. 7-7-2017 n° 2017-643/650 QPC).

En effet, pour calculer les prélèvements sociaux, les sommes réputées distribuées aux associés, non prélevées sur les bénéfices sont majorées de 25 %, car pour l’impôt sur le revenu, les revenus réputés distribués de l’article 109 du CGI font l’objet d’une majoration de 25 % de leur montant, d’autant que pour leur assujettissement aux prélèvements sociaux, les revenus de capitaux mobiliers sont déterminés comme en matière d’impôt sur le revenu (CSS art. L 136-6, I-c).

En l’espèce, des contribuables contestaient leur imposition aux prélèvements sociaux sur cette base majorée à raison de sommes mises à disposition des associés et non prélevées sur les bénéfices de la société distributrice (CGI art. 109, I-2°), au motif que ces dispositions méconnaissent les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garantis par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

Rappelons qu’au rang des distributions irrégulières, on a les revenus réputés distribués de l’article 109-1 du CGI, les distributions occultes de l’article 111-c du CGI, la fraction des rémunérations qui n’est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l’article 39 (siège de l’article 111-d du CGI), ainsi que les revenus de l’article 111-a du CGI.

L’article 109-1 du CGI prévoit que sont considérés comme revenus distribués :

1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;

2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevés sur les bénéfices.

Cet article distingue donc les cas dans lesquels les revenus distribués ont été prélevés sur les bénéfices (article 109-1-1°) et les cas dans lesquels les revenus distribués n’ont pas été prélevés sur les bénéfices (article 109-1-2°).

L’article 109-1-1° concerne les cas dans lesquels la société constate un bénéfice qui ne se retrouve pas au bilan, mais qui n’a pas été régulièrement distribué. Ils correspondent à un désinvestissement de la société, c’est-à-dire, une distribution portant sur des bénéfices sociaux.

En effet l’article 47 de l’annexe II au CGI dispose que toute rectification du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés, au titre d’une période, sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées.

Ainsi, lorsque l’administration fiscale procède à un rehaussement du bénéfice imposable de l’exercice, ce rehaussement correspond à des sommes qui n’ont pas été mises en réserve ou incorporées au capital, et qui peuvent donc être considérées comme des revenus distribués au sens de l’article 109-1-1° du CGI.

L’article 109-1-1° du CGI pose une présomption de distribution des revenus de tous les bénéfices ou produits qui n’ont pas été mis en réserve ou incorporés au capital. Ainsi, dès lors que l’administration procède à une correction conduisant à une augmentation du bénéfice imposable, les sommes correspondant à cette augmentation doivent être considérées comme des revenus distribués imposables entre les mains des bénéficiaires.

Cependant, le Conseil d’Etat avait précisé dans un arrêt du 8 décembre 1965 que l’article 109-1-1° du CGI n’est applicable que si la rectification opérée par l’administration a pour effet d’augmenter le bénéfice imposable et non de diminuer le déficit. Dans l’hypothèse où le résultat de la société deviendrait bénéficiaire en raison de la rectification, l’article 109-1-1° ne s’appliquerait qu’à hauteur de la fraction bénéficiaire. De plus, l’article 109-1-1° ne s’applique que lorsque le désinvestissement est réel, c’est-à-dire lorsque la rectification opérée par l’administration porte sur des sommes dépensées par la société sans contrepartie réelle.

En ce qui concerne à l’article 111-c du CGI, il prévoit que sont notamment considérés comme revenus distribués les rémunérations et avantages occultes. Il peut s’agir de rémunérations occultes, de distributions occultes ou de libéralités.

L’arrêt Thérond du Conseil d’Etat du 28 février 2001 avait dégagé une règle en matière de libéralités consenties à l’occasion d’achats et de ventes. Elle prévoit que lorsqu’un avantage est imparti par une société par majoration d’un prix d’achat que ne justifie aucune contrepartie effectuée par le cédant et que cette majoration a été délibérément conçue par les parties, la part de libéralité contenue dans la transaction est bien imposable sur le fondement de l’article 111-c et ce, alors même que l’opération est portée en comptabilité, assortie de la désignation du cédant.

Quant à l’article 111-d du CGI, il permet à l’administration d’imposer entre les mains du dirigeant salarié qui reçoit un avantage non occulte, la fraction excessive de cet avantage, car il prévoit que sont notamment considérés comme revenus distribués, la fraction des rémunérations qui n’est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l’article 39.

Les règles sur cette majoration de 25% sont de plus en plus précises.

C. constit., décision 2019-793 QPC du 28 juin 2019.

Arnaud SOTON

Avocat Fiscaliste

Professeur de droit fiscal

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