Les plus-values réalisées par les particuliers à l'occasion de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières et droits sociaux relèvent du régime prévu par les articles 150-0 A et suivants du CGI.

Aux termes de l'article 150-0 A, I.-1 du CGI, dans sa version applicable au litige, sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu.

La date à laquelle la cession à titre onéreux de parts sociales d'une société générant une plus-value imposable doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère le transfert de propriété, indépendamment des modalités de paiement et des événements postérieurs à ce fait générateur. Le transfert de propriété a lieu donc, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date de la vente, c'est-à-dire à la date où un accord intervient sur la chose et le prix.

Or, le crédit-vendeur est une pratique contractuelle qui consiste à échelonner le paiement du prix selon une chronologie convenue entre les parties. Sauf que, fiscalement, l’article 150-0 A, I du CGI conduit à imposer le vendeur l’année de la cession sur la totalité de la plus-value, même si, au titre de cette année, il ne perçoit qu’une partie du prix de la vente.

En l’espèce, les contribuables estiment que ces dispositions portent atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, faute pour ces dispositions de permettre aux particuliers ayant cédé des titres au moyen d’un crédit-vendeur d’obtenir une réduction de l’imposition relative à la plus-value des parts cédées en fonction des sommes réellement reçues du cessionnaire.

Le Conseil d’Etat a été attentif à cet argument et a estimé que le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et en particulier au principe d'égalité devant les charges publiques dont résulte l'exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables, soulève une question présentant un caractère sérieux.

Par une décision CE QPC 13-10-2021 n° 452773, la question de la conformité à la Constitution du I de l'article 150-0 A du code général des impôts a donc été renvoyée par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel.

Par sa décision Cons. const. 14-1-2022 n° 2021-962 QPC, le Conseil constitutionnel a jugé que cette imposition du crédit-vendeur sur la totalité de la plus-value est conforme à la constitution.

Les Sages valident ainsi les dispositions conduisant, l’année du transfert de la propriété de valeurs mobilières, à imposer le crédit-vendeur sur l’intégralité du prix de cession même si une partie ne sera perçue qu’ultérieurement.

La date à laquelle la cession à titre onéreux de parts sociales d’une société générant une plus-value imposable sur le fondement de l’article 150-0 A, I du CGI doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s’opère le transfert de propriété, indépendamment des modalités de paiement et des événements postérieurs à ce fait générateur.

Pour le Conseil constitutionnel, le fait qu’une partie du prix de cession doive être versée de manière différée par le cessionnaire au contribuable, le cas échéant par le biais d’un crédit-vendeur, relève de la forme contractuelle qu’ils ont librement choisie. La circonstance que des événements postérieurs affectent le montant du prix effectivement versé au contribuable est sans incidence sur l’appréciation de ses capacités contributives au titre de l’année d’imposition.

Après avoir rappelé qu’en application de l'article 1583 du code civil, la vente "est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé", les Sages en concluent qu’à la date de la vente, le contribuable a acquis une créance certaine dont il peut disposer librement.

Cons. const. 14-1-2022 n° 2021-962 QPC

Arnaud Soton

Avocat Fiscaliste

Professeur de droit fiscal