L’autorité relative de la chose jugée comme obstacle à la caducité d’un contrat
A priori, les notions de caducité et d’autorité de la chose jugée n’ont rien en commun, mais le contrat instrument de liberté transcendant les divisions traditionnelles du droit rend des cloisons transparentes ou mieux poreuses. Le cas de la caducité d’un contrat appartenant à un ensemble contractuel en est la parfaite illustration.
La caducité est la sanction de la disparition des éléments essentiels à la validité d’un contrat, qu’il s’agisse d’un contrat isolé ou faisant partie d’un ensemble de contrat dépendants les uns des autres comme c’est souvent le cas dans le contrat de location financière.
L’autorité de la chose jugée est le principe juridique qui crée une présomption de vérité légale au profit d’un jugement. Au nom de cette présomption, il est interdit de le remettre en cause en dehors des voies de recours légalement ouvertes. Les parties ne peuvent plus porter une affaire déjà jugée sous réserve qu’il s’agisse de la même demande, entre les mêmes parties, agissant en les mêmes qualités, portant sur le même objet et soutenue par la même cause. Une telle demande se heurterait à une fin de non-recevoir. Il est ainsi exigé une identité de parties, de cause et d’objet pour faire obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance. C’est à juste titre que cette autorité peut être relative.
1-L’AUTORITÉ RELATIVE DE LA CHOSE JUGÉE
Un jugement ayant autorité de la chose jugé ne peut être ignoré par les tiers, même s’il pas autorité de la chose jugée à leur égard, puisqu’ils n’ont pas été parties à la procédure. Ainsi, il a été il a été jugé que si le jugement n’a pas autorité de la chose jugée à l’égard des tiers, il leur est cependant opposable : Cass. com. 11 septembre 2019, 18-11.401, P. C’est l’autorité relative de la chose jugée. Cette relativité découle du fait qu’au moins une des trois exigences d’identité n’est pas remplie, généralement l’identité des parties. Le jugement ne peut donc pas avoir autorité de la chose jugée à l’égard d’un tiers qui n’a pas été partie à l’instance et à l’encontre de laquelle une des parties tenterait de faire exécuter la décision notamment pour bénéficier des droits qui en résultent.
Même si elle est opposable aux tiers, une décision n’a autorité de la chose jugée qu’à l’égard des parties.
2-L’EXIGENCE DE LA MISE EN CAUSE : CONDITION DE LA CADUCITÉ
La loi a prévu plusieurs formes de résolution d’un contrat dont la résolution judiciaire.
On se souvient que la Cour de cassation a considéré que l’ouverture d’une procédure collective du contractant fournisseur n’est pas suffisante pour entrainer la résolution du contrat initial et partant la caducité du contrat de location financière Com. ; 4 novembre 2014 , n°13-24.270 P. et Com. 09 décembre 2014,n° 13-24.807.
Elle a exigé que la résolution du contrat initial soit judiciairement prononcée pour emporter la caducité du contrat de location financière.
S’il est exigé une résolution constatée par le juge à la suite de l’ouverture d’une procédure collective, il n’est donc pas surprenant que l’on s’interroge sur la capacité de cet anéantissement judiciaire à entrainer la caducité d’un autre contrat auquel est partie un tiers qui n’a pas été attrait devant le juge.
Dans une espèce où il y a eu un protocole d’accord signé entre deux parties dont l’une a, dans la foulée, sur la base de ce protocole, procédé à une cession de titres sociaux à une autre partie, la cour de cassation a estimé que l’annulation judiciaire du protocole d’accord ne peut entrainer la caducité du contrat de cession des titres sociaux dès lors que le tiers cessionnaire desdits titres n’a pas été mis en cause à l’instance d’annulation du protocole d’accord. La cour s’est prononcée en des termes qui suivent : « Il résulte de l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, qu'un jugement ne peut créer de droits ni d'obligations en faveur ou à l'encontre de ceux qui n'ont été ni parties ni représentées dans la cause. Il s'ensuit que lorsque des contrats sont interdépendants, l'annulation, par une décision de justice, de l'un de ces contrats n'entraîne la caducité par voie de conséquence des autres que si toutes les parties au contrat annulé ont été attraites à l'instance en annulation » : Cass. Com., 7 mai 2025, , n° 24-14.277 P.
Cette solution est le contraire de celle retenue dans le cadre de l’anéantissement du contrat par la résolution unilatérale du contrat. En effet le 05 février 2025 ( Com., 5 février 2025, n° 23-14.318)/( Com., 5 février 2025 , n° 23-23.358), se prononçant sur deux espèces, la cour de cassation a jugé que la résolution unilatérale notifiée, à ses risques et périls, par une partie à un contrat faisant partie d’une opération incluant une location financière est opposable à celui contre lequel la caducité par voie de conséquence de cet anéantissement préalable est invoquée, sans qu’il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.
3-QUE FAUT-IL RETENIR ?
De ces épisodes sur la caducité, il faut retenir que si la résolution unilatérale d’un contrat faisant partie d’un ensemble contractuel est de nature à rendre caduc les autres contrats qui en dépendent, il en va autrement lorsque l’anéantissement du contrat initial est judiciaire. Dans cette hypothèse, il faut une mise en cause de celui à qui l’on entend opposer la caducité subséquente pour que l’annulation judiciaire puisse emporter la caducité du contrat.
L’effet relatif de l’autorité de la chose jugé oblige ainsi la cour a instaurer un double régime de caducité :
- En cas de résolution unilatéral, il n’est pas nécessaire de mettre en cause la partie au contrat initial résolu pour que la résolution provoque la caducité des contrats dépendants de celui résolu.
- En cas de résolution judicaire, il est indispensable de mettre en cause la partie au contrat dépendant du contrat initial dont l’anéantissement est recherché pour entrainer sa caducité.
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