Plusieurs Conseil de Prud’hommes ont statué sur la question de la conventionnalité du barème d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 a introduit le barème d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'article L 1235-3 du Code du travail. Selon cet article, nouvellement rédigé, tout salarié licencié depuis le 24 septembre 2017 voit le montant des indemnités qui lui seraient allouées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse encadré par un minima et un maxima, fixés exclusivement en fonction de sa moyenne de salaire et de son ancienneté.

Les avocats de la commission sociale du Syndicat des Avocats de France (SAF), mobilisés contre les atteintes ainsi portées aux droits des salariés, ont partagé l’argumentaire qu’ils ont élaboré collectivement pour demander au juge prud’homal d’écarter les plafonds créés par le nouvel article L 1235-3 du Code du travail en raison de son inconventionnalité.

En effet, les indemnités allouées par le juge prud'homal à ce titre doivent réparer l’ensemble des préjudices des salariés licenciés sans motif réel ni sérieux. Le plafonnement prévu viole des textes internationaux que la France s’est engagée à respecter sur ce sujet.

A cet égard, l’article 55 de la Constitution prévoit que « Les Traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ».

Le contrôle de la conformité de la loi aux conventions internationales, dit contrôle de conventionnalité, appartient aux juridictions ordinaires, sous le contrôle de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat

Dans le cas de l’article L 1235-3 du Code du travail, sont invoqués :

  • l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989
  •  l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999

Ces deux textes internationaux garantissent le droit à une indemnité adéquate au salarié licencié sans motif valable.

Selon le Comité Européen des Droits Sociaux, les mécanismes d’indemnisation mis en place dans les Etats membres sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient, notamment, "des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime".

Or, le plafonnement de l’article L 1235-3 ne permet pas de réparer l’ensemble des préjudices consécutifs à la perte de l’emploi sans motif valable, ni de prévoir des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur de licencier un salarié sans justifier d'une cause réelle et sérieuse.

Le plafonnement ne tient pas compte du préjudice consécutif à la perte injustifiée de l’emploi (âge, situation de famille, handicap, temps resté au chômage, faiblesse de la rémunération du nouvel emploi accpeté pour sortir du chômage, etc).

Par ailleurs, selon ce système, moins le salarié est ancien ou bien rémunéré, plus le montant des dommages et intérêts que l'employeur pourrait être condamnés à lui verser est limité, et plus sa relation de travail s'en trouve fragilisée.

L’office du juge se trouve également drastiquement limité dans son rôle d’indemnisation. Par exemple, pour un salarié ayant deux ans d’ancienneté, l’indemnité allouée doit être comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire.

Plusieurs Conseil de Prud’hommes ont ainsi décidé d’écarter le plafonnement prévu par ce barème d’indemnisation en le jugeant inconventionnel :

  • Le Conseil prud’hommes de Troyes dans 5 jugements du 13 décembre 2018,
  • Le Conseil prud’hommes d’Amiens, le 19 décembre 2018, et le 24 janvier 2019,
  • Le Conseil prud’hommes de Lyon, via 3 sections différentes : Activités Diverses, le 21 décembre 2018, Commerce le 7 janvier 2019, et Industrie le 22 janvier 2019 ;
  • Le Conseil prud’hommes d’Angers le 17 janvier 2019 ;
  • Le Conseil prud’hommes de Grenoble le 18 janvier 2019 ;
  • Le Conseil de prud’hommes d’Agen en départage le 5 février 2019