« Il n'y a qu'une vie, c'est donc qu'elle est parfaite. » (Paul Eluard, Une leçon de morale, 1949).

Pour le juriste, la vie c'est tout et peu de choses.

Tout, parce que les libertés et droits fondamentaux découlent de la vie, que le droit enveloppe la vie de l'individu tout au long de celle-ci et qu'en toute hypothèse, il ne peut être porté atteinte à cette dernière.

Peu de choses, parce que le droit privilégie la personnalité juridique de l'individu qui ne peut que découler de la vie, mais sans pour autant décider, hormis la naissance, à quel moment cette vie doit être protégée d'une façon uniforme.

Le droit à la vie est consacré par l'article 2 Conv. EDH en les termes suivants :

« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ».

Quant à l'article 221-1 du code pénal, il affirme que caractérise un crime le fait pour un individu de priver volontairement un autre individu de sa vie.

Le droit à la vie regroupe les normes relatives à la protection et à l'utilisation du corps humain. Le corps humain, qui est la personne, est traditionnellement dans notre droit protégé par deux principes généraux, celui de l'inviolabilité et celui de l'indisponibilité.

? L'inviolabilité protège l'individu contre les atteintes portées par autrui à son corps. Ce principe rend effectif le respect du corps humain. « Chacun a droit au respect de son corps », principe inscrit dans le Code Civil à l'article 16-1.

Le corps humain est inviolable sauf en cas de nécessité thérapeutique pour la personne. De plus, le consentement préalable de l'intéressé sauf cas d'urgence, est nécessaire.

Ensuite, l'article 16-3 du Code Civil rappelle également le principe de l'inviolabilité du corps humain « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».

Quant à l'intégrité de l'espèce humaine, les débats parlementaires sur le thème de l'eugénisme ont été confus car ce terme n'a pas de définition. Une distinction a cependant été introduite par Monsieur MATTEI entre :

Eugénisme individuel : acceptable ;

Eugénisme tendant à l'organisation de la sélection en fonction des gènes du sexe ou des caractères physiques et psychiques des personnes.

D'ailleurs l'article 16-4 du Code Civil « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée. Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne », interdit toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes mais contredit ce principe général dans son dernier alinéa en prévoyant qu'aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance d'une personne, sans préjudice des recherches qui tendent à la prévention et aux traitements des maladies génétiques. Ce principe est également contredit par la pratique d'IVG autorisée par le Code de la Santé Publique (CSP article L.2212-1 « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l'interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la douzième semaine de grossesse »).

L'article L.2212-1 du CSP dispose : « Comme il est dit à l'article 16 du code civil ci-après reproduit : La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie".

? L'indisponibilité place le corps hors du commerce. Ce principe est également rappelé à l'article 16-1 du Code Civil : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ». Ce principe doit être entendu non comme l'interdiction du disposer librement de son corps mais comme l'interdiction d'en faire un objet de commerce.

Au principe de l'indisponibilité sont liées plusieurs règles générales.

- Article 16-5 du Code Civil : déclare nulles les conventions qui confèrent une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments et à ses produits ;

- Celui qui se prête à l'expérimentation sur sa personne, prélèvements d'éléments de son corps ou à la collecte de produits ne peut recevoir aucune rémunération ;

- le corps humain ses éléments et produits ainsi que la connaissance de la structure d'un gène humain ne peuvent faire l'objet de brevet (611-17 Code de la Propriété intellectuelle).

Ainsi le droit à la vie est réglementé au niveau national par des textes régissant des domaines particuliers comme :

- les prélèvements d'organes (loi cavaillet 76-1182 du 22/12/76) ;

- la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales (loi huriet 88-1138 du 20/12/88) ;

- les lois bioéthiques de juillet 1994 refondues en août 2004 qui ont établi des principes généraux de protection du corps humain, en affirmant la primauté de la personne.

Définir un droit à la vie impose l'étude de son organisation juridique, et de la sanction des dérives.

I – L'ORGANISATION DE LA PROTECTION DE LA VIE

Le droit à la vie implique d'en donner une définition.

La question se pose alors de savoir d'une part ce que signifie la vie et à quel moment celle-ci apparaît-elle, et d'autre part si la notion de vie n'appartiendrait pas qu'au seul scientifique puisque celle de personnalité juridique ne relève que du droit.

Pour la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse et la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, ce serait la conception qui marquerait le début de la vie.

Mais si la loi de 1994 garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, la loi de 1975 autorise également à mettre un terme à cette vie, sans le jeu de l'article 221-1 du code pénal, lorsque la femme enceinte affronte un état de détresse.

Dans l'idée parfaitement louable d'éviter (notamment) un eugénisme, le clonage est interdit (3), mais le droit ne s'oppose pas à un diagnostic préimplantatoire permettant le triage de bons et mauvais embryons lors de fécondations in vitro réalisées dans des situations à risques.

La Cour de cassation a eu l'occasion d'admettre un droit à réparation pour avoir perdu une chance de mourir par avortement (Cass. ass. plén. 17 nov. 2000, JCP 2000, II, 10438, rapp. Sargos), mais elle a également refusé de qualifier d'homicide involontaire l'atteinte portée à un foetus ayant entraîné la mort de celui-ci ( Cass. crim. 30 juin 1999, Bull. crim., n° 174 ; D. 1999, Jur. p. 710 , note Vigneau ; Rev. science crim. 1999, p. 813, note Mayaud ; Cass. ass. plén. 29 juin 2001, Bull. ass. plén., n° 8 ; D. 2001, Jur. p. 2917 , note Mayaud).

La Cour de cassation et le Conseil d'Etat n'adoptent pas la même définition de la mort d'un individu (Cass. 1re civ. 19 oct. 1999, Bull. civ. I, n° 283 ; CE 2 juill. 1993, Milhaud, JCP 1993, II, 22133).

Ainsi il existe de nombreuses contradictions. Les raisons en sont évidentes : la notion de vie ne peut rester collée à celle de conception tout comme celle de la mort ne peut rester attachée à celle du seul arrêt cardiaque.

Les nouvelles avancées de la science bouleversent profondément les notions de vie et de fin de celle-ci. A cela s'ajoutent des institutions judiciaires et des principes généraux du droit inadaptés aux progrès scientifiques et, plus simplement, une philosophie du droit ou un esprit juridique encore balbutiants dans l'édification d'un droit en matière de début de la vie et de la fin de celle-ci et qui doit être, par conséquent, différencié d'un droit de l'acquisition de la personnalité juridique ou de la perte de celle-ci.

Quant au droit, il s'agit d'un ensemble de règles de conduite destinées à régir les rapports entre les hommes (il s'agit là du droit objectif).

Quant aux droits, ils sont des prérogatives que le droit accorde à une personne ou à un ensemble de personnes afin de régir ses relations avec d'autres, et dont le respect peut être assuré par les pouvoirs publics. Parmi ceux-ci figurent le droit du travail, le droit de vote, etc. Ce droit ou ces droits dont les individus bénéficient sont mis en place par le législateur et le juge qui doivent veiller à conserver à la norme son caractère objectif, obligatoire, rationnel. Et c'est là que le droit peut être différencié de normes non juridiques comme celles élaborées par la religion, la morale, la justice, l'équité

Dans tous les cas, l'évolution constante de l'outil juridique, qui a imposé une définition plus précise de la norme applicable, n'influe en rien sur une réalité physique. La vie ne peut être discutée lorsqu'un enfant naît et qu'il est viable. Cette évidence impose un rappel de certains droits qui découlent de la naissance, c'est-à-dire découlent d'une vie que chacun reconnaît en tant que réalité.

En effet, lorsque la naissance est là, le droit à la vie est un droit confirmé qui porte sur une personne physique. Il est alors un droit empirique et concret. Lorsqu'un enfant vient au monde, un droit à la vie s'ouvre à la conservation de la personne physique (concrétisé par sa personnalité juridique et l'impossibilité de porter atteinte à celle-ci), et non à la potentialité de la personnalité juridique de celui qui peut naître ou la potentialité de celui qui peut perdre cette personnalité parce que son système nerveux central est irrémédiablement détruit, et qu'il ne pourra jamais plus vivre normalement sans pour autant être mort, c'est-à-dire être privé d'une vie.

La notion de vie est vaste et imprécise, la nature des droits à la vie l'est également. Ce sont la conception puis la mort de l'individu qui peuvent fixer le début et la fin de la vie. Mais comme on l'a précédemment compris, la vie ne permet pas à elle seule l'entrée dans une ligne juridique protégée - cette entrée étant même refusée en cas de clonage. De la même façon, un terme probable de la vie n'entraîne pas à lui seul la perte de la personnalité juridique. Et le début et la fin de la personnalité liés à la vie peuvent entraîner d'importantes difficultés de détermination. La protection doit être envisagée de la conception de l'individu à sa mort en passant par le cours de sa vie.

A - DE LA CONCEPTION DE L'INDIVIDU

Les règles sont organisées pour permettre de donner la vie, d'ôter la vie à un embryon qui n'est pas considéré comme un individu.

1° L'assistance médicale à la procréation (AMP)

En vertu de l'article L.2141-1 du CSP, issu de la loi n°94-654 du 29 juillet 1994, l'AMP « s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle ainsi que de toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ».

La loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique dispose désormais que la liste de ces techniques d'effet équivalent est fixée par arrêté du ministre chargé de la Santé, après avis de l'agence de la biomédecine.

Le législateur a voulu englober tous les moyens médicaux mis en œuvre pour la conception d'un enfant en dehors des relations sexuelles fécondes.

Il convient d'indiquer que l'AMP s'est d'abord développée sans cadre juridique spécifique, si l'on excepte quelques dispositions réglementaires destinées à contrôler l'activité des praticiens. Après de nombreuses péripéties législatives, les deux lois n°94-653 et n°94-654 du 29 juillet 1994 ont donné un cadre juridique à l'AMP. Plusieurs décrets sont intervenus et finalement la loi n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique a introduit des modifications notamment sur l'accès à l'AMP et relatives aux conditions de mise en œuvre de certaines techniques.

Selon l'article L.2141-2 du CSP, toutes les techniques d'assistance médicale à la procréation s'adressent obligatoirement à un couple, marié ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune depuis 2 ans, formé d'un homme et d'une femme en âge de procréer, vivants et consentants au moment de l'insémination ou du transfert.

L'assistance médicale à la procréation répond à trois principes. En premier lieu, elle ne peut revêtir qu'un caractère subsidiaire à la procréation charnelle puisqu'elle ne peut être engagée que pour remédier à l'infertilité pathologique médicalement constatée ou éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité à laquelle la nouvelle loi assimile le risque de transmission au partenaire.

La loi pose des limites puisqu'elle interdit le « droit à l'enfant » et la procréation de convenance.

Ainsi, l'AMP post mortem est interdite et le transfert d'embryons post mortem n'est pas admis par la nouvelle loi.

Concernant l'AMP avec donneur le consentement du couple est nécessaire, ainsi que celui du couple receveur. Une décision judiciaire est nécessaire.

La filiation est établie avec le couple receveur.

Enfin, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a condamné, le 31 mai 1991, le système des mères porteuses à savoir la convention par laquelle « une personne s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance [parce qu'elle] contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ».

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La question s'est également posée de savoir quel est le statut juridique de l'embryon.

L'article 16 du code civil décide que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie.

Et l'article L. 2141-8 du code de la santé publique édicte que la conception in vitro d'embryons humains à des fins d'étude, de recherche ou d'expérimentation est interdite, et que toute expérimentation sur l'embryon est soumise au même régime. Enfin, le code pénal affirme en ses articles 511-15 et suivants que le fait d'obtenir des embryons humains contre un paiement, quelle qu'en soit la forme, est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende, et que celui de procéder à la conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche ou d'expérimentation est puni de la même peine.

Par un arrêt du 9 janvier 1996, la première Chambre civile de la Cour de cassation, saisie à la suite du décès du père d'embryons dont la mère demandait l'implantation, a estimé que l'assistance médicale à la procréation ne pouvait avoir pour but légitime que de donner naissance à un enfant au sein d'une famille constituée, de sorte qu'un recours à un processus de fécondation in vitro, ou sa poursuite lorsque l'un des membres du couple était décédé, était inenvisageable. Pour la cour régulatrice, il était clair qu'un embryon n'était pas titulaire d'une personnalité juridique ou bénéficiaire de la qualité de chose.

S'il n'est pas un sujet de droit ou un objet de droit, qu'est-il alors ?

Deux arrêts importants de cours d'appel se sont succédés pour consacrer une « personnalité conditionnelle » acquise à compter de la conception de l'enfant et confirmée, non pas par la naissance de celui-ci, mais par sa viabilité potentielle.

? Le premier est un arrêt du 13 mars 1997 de la Cour d'appel de Lyon dans lequel les juges du fond ont décidé que le fait pour un médecin d'extraire un stérilet sans avoir pratiqué un examen clinique préalable pouvait être qualifié d'homicide involontaire par imprudence ou négligence dès lors qu'un tel acte avait entraîné la mort d'un foetus âgé de 20 à 24 semaines en parfaite santé.

? Le second émane de la Cour d'appel de Reims qui a posé, le 3 février 2000, qu'un enfant après huit mois de grossesse avait franchi le seuil de viabilité, et qu'il était une personne humaine même s'il n'était pas séparé du sein de sa mère lors de son décès, de sorte qu'il devait bénéficier d'une protection pénale. A l'inverse, la Cour d'appel de Metz a considéré, le 3 septembre 1998, qu'un enfant mort-né n'était pas pénalement protégé au titre des infractions contre les personnes.

? Pour sa part, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé, le 30 juin 1999, que l'atteinte portée à un foetus en bonne santé n'entrait pas dans les prévisions des articles 319 ancien et 221-6 du code pénal. Et l'Assemblée plénière de la cour régulatrice a considéré, le 29 juin 2001, que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'opposait à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relevait de textes particuliers sur l'embryon et le foetus.

? L'Assemblée plénière a donc estimé que la personne humaine et autrui sont entendus comme une personne née, vivante et viable.

Quant au diagnostic préimplantatoire, il consiste à procéder à une fécondation in vitro chez un couple risquant de transmettre une anomalie génétique. Lorsque les embryons obtenus ont atteinte la taille de 4 à 8 cellules, on prélève par biopsie une ou deux cellules et on examine le génome. Seuls les embryons exempts de l'anomalie recherchée sont transférés in utero en vue d'une grossesse. Ce diagnostic peut susciter la problématique de l'eugénisme puisqu'il consiste en un tri des embryons sur des critères génétiques. Une autorisation de l'agence de biomédecine est nécessaire.

2°) L'IVG

L'IVG qui constitue l'interruption volontaire de grossesse a posé la question de savoir s'il ne s'agissait pas là d'une atteinte au droit à la vie prévu par la CEDH.

En 1975, le Conseil Constitutionnel avait refusé de contrôler la conformité de la loi à l'article 2 de la CEDH. Mais le Conseil d'Etat en 1991 à l'occasion de la mise sur le marché du RU 486 ainsi que la Cour de Cassation lors des poursuites pénales engagées contre les mitilants anti-IVG, ont estimé que le droit à la vie n'est pas méconnu par la loi de 1975 qui le reconnaît et ne lui apporte exception que dans des cas limitativement énumérés.

Dans une affaire jugée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 30 juin 1999, un médecin avait confondu deux patientes homonymes, l'une enceinte et l'autre qui venait se faire retirer un stérilet. Son intervention avait provoqué la rupture de la poche des eaux et l'interruption accidentelle de la grossesse de la patiente enceinte. Cette dernière a exercé un recours devant la CEDH sur le fondement du droit à la vie garanti par l'article 2 de la convention. La cour a rejeté la requête : à supposer que le droit à la vie s'applique à l'être humain avant sa naissance, le point de départ du droit à la vie relève de la marge d'appréciation des Etats. En outre, l'absence de recours de nature pénale en droit français ne constitue pas une atteinte à ce droit, dans la mesure où il existe un recours de nature civil ( CEDH 8/07/2004 VO c/ France C-53924/00).

Le projet de loi Aubry a été adopté par l'AN le 5 décembre 2000 portant notamment le délai de l'IVG de 10 à 12 semaines. Le texte a été adopté par les deux chambres en mai 2001 après le refus du sénat.

Le Conseil Constitutionnel a validé la loi. Il avait été soutenu que la prolongation rompait l'équilibre entre les principes à valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la DDHC.

Le Conseil Constitutionnel rejette l'argument. Il écarte toute dénaturation des principes qu'il (le législateur) a posés, principes au nombre desquels figure, à l'article L.2211-1 du CSP le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

Désormais, l'IVG peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine en cas d'état de détresse, mais également pour motif médical (péril grave pour la santé de la femme, probabilité d'une atteinte du fœtus).

La question de la réparation du préjudice des parents et de celui de l'enfant né atteint d'un handicap grave incurable à la suite d'une absence ou erreur de diagnostic qui n'a pas permis d'interrompre la grossesse s'est posée (arrêt perruche).

La naissance d'un enfant atteint d'une affection d'une particulière gravité non détectée par le diagnostic prénatal a donné lieu à un important contentieux en responsabilité. Le CE le 14 février 1997 (Quarez req. n°133.238) et la Cour de Cassation le 26 mars 1996 (arrêt perruche 1ère chambre civile n°94-13-145) ont tous deux retenu la responsabilité de l'hôpital du praticien ou du laboratoire à l'égard des parents d'un enfant handicapé lorsque une faute dans un diagnostic prénatal ne leur avait pas permis d'exercer leur choix de recourir à l'IVG.

Cependant, une divergence subsistait. Le CE avait retenu l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice subi par l'enfant lui-même tandis que la Cour de Cassation avait approuvé la condamnation du médecin à réparer le préjudice subi par le jeune Nicolas Perruche.

La cour d'appel sur renvoi avait exclu le lien de causalité, d'où un nouvel examen par l'assemblée Plénière qui avait retenu que l'enfant peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues (Cour de Cassation plénière 17/11/2000 n°99-13701).

Ensuite, malgré trois arrêts rendus quelques temps plus tard par la même formation de la Cour de Cassation (assemblée plénière 13 juillet 2001), qui, bien que reprenant les mêmes motifs que l'arrêt Perruche, approuvaient les juges du fond d'avoir écarté la responsabilité des médecins pourtant fautifs, la polémique devait provoquer une intervention législative, il s'agit de la loi du 4 mars 2002.

La loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à l'amélioration du système de santé a limité la responsabilité à la réparation du préjudice personnel subi par les parents et exclu l'indemnisation des charges matérielles particulières liées à la compensation du handicap, puisqu'elle prévoit que « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du fait de sa naissance ».

Loin de s'en tenir au commencement de la vie, le droit à la vie est également organisé tout au long de la vie d'un individu, et il est possible de dire qu'il s'étend jusqu'à la fin de vie.

B – À LA FIN DE VIE

Les différents textes votés ont attrait aux expérimentations sur l'homme, aux transfusions sanguines et aux dons d'organes.

Récemment a été discutée une proposition de loi sur la fin de vie.

1°) la réglementation applicable en cours de vie

La loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, a donné un statut législatif aux recherches biomédicales sur l'homme. Ces recherches sont nécessaires lorsqu'elles sont appliquées sur le malade. Il en est de même lorsqu'elles sont faite sur l'homme sain, notamment pour mettre au point de nouveaux médicaments.

La loi s'applique aux « essais ou expérimentations organisés et pratiqués sur l'être humain en vue de son développement des connaissances biologiques et médicales. Les recherches visées sont celles portant sur l'homme vivant. Il ne s'agit pas de celle pratiquées sur un cadavre.

La question s'est posée d savoir si la loi s'appliquait aux malades en état de coma de brève durée ou au coma prolongé qui sont des êtres vivants.

Une réponse affirmative est donnée.

- quand la recherche a un intérêt thérapeutique direct sur le sujet ;

- quand il n'y a pas de bénéfice individuel direct sur les personnes séjournant dans un établissement sanitaire ou social et les malades en état d'urgence lorsque cela ne présente aucun risque sérieux prévisible pour leur santé, cela est utile à d'autres personnes présentant les mêmes symptômes âge hadicap, et lorsque cela ne peut être réalisé autrement.

Un arrêt important a été rendu par le CE le 2 juillet 1993 a propos d'un médecin qui s'est livré à des expériences sur un sujet maintenu en survie somatique malgré un état de mort cérébrale.

Le CE a estimé que les principes fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine qui s'imposent au médecin dans ses rapports avec ses patients, ne cessent pas de s'appliquer avec la mort de celui-ci. Ainsi les prélèvements d'organes auxquels s'était livré le médecin étaient contraires à ses principes.

Concernant les recherches sur les embryons cela a été abordé précédemment.

Enfin les recherches sans bénéfice individuel direct sont autorisées en France, et soumises à des autorisations particulières.

* * *

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La nouvelle législation applicable à la transplantation d'organes (loi du 29 juillet 1994) se substitue à l'ancienne sur les prélèvements d'organes, loi Cavaillet de 1976.

L'article L.671-3 du CSP énonce un principe général : le prélèvement d'organe sur une personne vivante qui en fait le don, ne peut être effectué que dans l'intérêt thérapeutique direct du receveur.

Il s'agit du père, de la mère, du fils, de la fille, du frère et de la sœur, sauf cas de prélèvement de moelle osseuse. En cas d'urgence le donneur peut être le conjoint.

Il n'existe pas de prélèvement sur un mineur ou un majeur protégé, sauf don de moelle à un frère ou une sœur.

Quant au prélèvement sur une personne décédée, il ne peut être réalisé qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Il est subordonné au constat de mort. À défaut de connaissance de la volonté du défunt, le médecin doit s'efforcer de recueillir le témoignage de la famille.

Enfin, la législation relative aux transfusions sanguines a été envisagée par la loi du 4 mars 2002.

Selon l'article L. 1111-4 CSP « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Aucun acte ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

Ce texte indique clairement que le médecin, certes, doit tout mettre en oeuvre pour convaincre le patient d'accepter un traitement indispensable, précise que le médecin doit informer le patient des conséquences de son refus), mais il indique également de la manière la plus claire possible qu'aucun acte ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé du patient, ce consentement pouvant être retiré à tout moment.

Si les différentes étapes de la vie sont envisagées par la loi dans le respect du droit à la vie, la fin de vie est actuellement un sujet d'étude en raison des débats idéologiques voire moraux sur l'euthanasie.

2°) La fin de vie

Lorsqu'un être humain meurt, il perd sa personnalité juridique et devient une chose. Quand devient-il une chose ? Le médecin s'attache à « un arrêt des fonctions respiratoires et circulatoires avec perte de connaissance. Cet arrêt peut être transitoire, spontanément ou sous l'effet de manoeuvres de réanimation, ou définitif : c'est la mort confirmée ». Mais le juriste s'oriente vers l'article R. 671-7-1 du code de la santé publique (issu du décret n° 96-1041 du 2 déc. 1996 relatif au constat de la mort cérébrale.

Qu'entend-on par mort cérébrale ? Le décret du 2 décembre 1996 procède à une distinction entre différentes phases du coma. Celui-ci pouvant être simple, profond, chronique ou dépassé faisant état de quatre profondeurs de coma, tels le coma vigil, le coma d'intensité moyenne, le coma profond ou carus et le coma dépassé.

Le Comité consultatif national d'éthique estime que des personnes en état de coma sont des êtres humains qui disposent « d'autant plus droit au respect dû à la personne humaine qu'ils se trouvent en état de grande fragilité ».

La Cour de cassation indique que la mort corticale (ou état végétatif) et la mort cérébrale sont différentes dans deux arrêts de la deuxième Chambre civile du 22 février 1995 et du 28 juin 1995.

A cet égard, une décision de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 7 janvier 1997 est également édifiante : un contrat d'assurance sur la vie avait pris fin le 13 avril 1987 à minuit alors que l'assuré avait été victime d'un accident le 11, qu'il était tombé dans le coma le 13 et avait été déclaré décédé le 14 avril à 20 h 15.

La cour régulatrice a écarté, pour ne pas faire droit aux prétentions de l'épouse selon lesquelles son époux était décédé le 13 avril car il était alors dans un coma profond, la réalité du décès de l'époux avant la constatation d'un électroencéphalogramme nul pratiqué le 14 avril à 20 h 15, et décidé que le décès officiel était postérieur à la résiliation du contrat d'assurance.

En revanche, le Conseil d'Etat a affirmé qu'une personne dont le coeur battait mais dont le système nerveux central était détruit pouvait être considérée comme morte même si elle n'était pas encore décédée (71). Aussi la Cour de cassation et le Conseil d'Etat présentent-ils des divergences relatives à la définition juridique de la mort d'un individu.

Enfin un débat s'est élevé sur le point de savoir si l'euthanasie pouvait être réalisé en France. Un projet de loi a été adopté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée Nationale le 30 novembre 2004.

Le projet prévoit que chez une personne capable et consciente, donne explicitement le droit au malade en phase terminale de faire respecter leur volonté même si l'abstention thérapeutique ou les traitements utilisés pour soulager leur douleur comportent un risque vital. Elle exonère la responsabilité pénale des médecins.

Chez la personne hors d'état de manifester sa volonté, le projet rend licites des pratiques recommandées par les sociétés savantes. Elle exonère la responsabilité pénale des médecins au travers d'une procédure collégiale.

Ainsi, la personne et le corps humain, et plus particulièrement la vie, sont au cœur des valeurs protégés par les textes.

D'ailleurs, les cas d'atteinte à la réglementation visée ci-dessus ainsi que les sanctions ont été prévus par les textes.

II – LES DÉRIVES DU DROIT À LA VIE

La réglementation relative droit à la vie définit ce qui est compatible et possible de faire avec le corps humain sans porter atteinte aux principes fondamentaux et à la vie même.

Elle définit également ce qui ne constitue qu'une dérive des pratiques autorisées, pour pouvoir la sanctionner. Il s'agit d'une part des atteintes à la dignité et à l'espèce humaine, et d'autre part des atteintes aux principes fondamentaux de l'éthique biomédicale.

A – LES ATTEINTES À LA DIGNITÉ ET À L'ESPÈCE HUMAINE

Il s'agit tout d'abord du clonage reproductif mais également de l'eugénisme et de l'utilisation des embryons à des fins industrielles et commerciales.

1°) le clonage reproductif

Il peut être défini comme suit :

Le clonage reproductif est un clonage en vue de produire des individus génétiquement identiques (par transfert nucléaire de cellules somatiques d'un adulte ou d'un enfant, ou par division artificielle de l'embryon).

Aussi, quelle est la position adoptée par le droit français en matière de clonage ?

L'article 16 du code civil dispose que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie.

L'élan affirmé par ce texte, qui paraît disposer d'une valeur constitutionnelle depuis la décision rendue, le 27 juillet 1994 (49), sur les lois « bioéthique » par le Conseil constitutionnel, est accompagné d'un avis décisif du 22 avril 1997 du Comité consultatif national d'éthique selon lequel « quelle qu'en soit la finalité et quelle que soit la technique employée, toute forme de clonage, dès lors qu'elle consiste à introduire une reproduction asexuée dans l'espèce humaine, constitue une mise en cause radicale de la dignité de la personne».

Il est également accompagné du protocole additionnel de 1998 à la Convention du Conseil de l'Europe sur la biologie et la médecine qui vise l'interdiction du clonage d'êtres humains ainsi que de la Déclaration de l'UNESCO sur le génome humain et les droits de l'homme du 11 novembre 1997 qui pose en son article 11 que « des pratiques qui sont contraires à la dignité humaine, telles que le clonage à des fins de reproduction d'êtres humains, ne doivent pas être permises ».

Enfin, le projet de loi relatif à la bioéthique adopté en première lecture, le 22 janvier 2002, par l'Assemblée nationale prohibe formellement les pratiques rendues possibles par la technique du clonage reproductif.

D'autres textes peuvent être invoqués à l'appui de l'interdiction du clonage reproductif.

- Le Préambule de la Convention sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 puisque celui-ci affirme que l'enfant a besoin « d'une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d'une protection juridique appropriée avant comme après la naissance ».

- la Déclaration universelle des droits de l'homme reprise à l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui consacre l'interdiction de toute torture et de tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant.

- Les Conventions de 1919 et 1926 relatives à l'interdiction de l'esclavage et selon lesquelles un individu ne peut subir les attributs du droit de propriété ou de certains d'entre eux, ou du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui, notamment en son article 12, consacre un droit au meilleur état de santé possible (ce dernier texte comportant, toutefois, quelques ambiguïtés).

2°) l'eugénisme

Il s'agit de toute pratique susceptible d'influencer la transmission des caractères héréditaires afin d'améliorer l'espèce humaine.

Les pratiques incriminées regroupent l'eugénisme négatif, celui qui vise à éliminer les caractères indésirables en évitant leur transmission, mais également l'eugénisme positif, celui qui promeut les caractères désirables.

La loi du 6 août 2004 sanctionne le crime d'eugénisme par 30 ans de réclusion criminelle, avec une amende de 7 500 000 € et la possibilité d'appliquer une période de sûreté en cas de crime aggravée en bade organisée ou par participation à un groupement ou une entente.

3°) l'interdiction de l'utilisation des embryons à des fins industrielles et commerciales

Ne pouvant être créer à de telles fins, les embryons ne peuvent également être utilisés en ce sens, auquel cas ce serait enfreindre le principe de non commercialisation du corps humain et de ses éléments.

Quant aux recherches sur les embryons surnuméraires, la loi n°2004-800 du 6 août 2004 réaffirme le principe de l'interdiction. Cependant et par dérogation à ce principe, la loi prévoit que pour une durée de 5 ans seulement, certaines recherches pourront être entreprises sur les embryons qui n'ont pas fait l'objet d'un projet parental. Le consentement écrit des parents devra être donné ainsi qu'une autorisation de l'agence de la biomédecine, les chercheurs devant démontrer que la recherche peut permettre des progrès thérapeutiques majeurs.

Après avoir abordé la réglementation des différentes phases de la vie d'un individu et le droit applicable en la matière au cours de ces étapes, il convient d'aborder la répression mise en place en cas de dérive de mise en œuvre de pratiques pouvant être assimilées à une atteinte au droit à la vie.

B – LA RÉPRESSION

Cela passe par la protection du consentement et par le contrôle de la finalité des actes. La répression est mise en place par les textes qui prévoient les sanctions pour les différentes infractions relevées.

1°) la protection du consentement

La protection du consentement est rappelée par le code pénal dans l'ensemble des infractions qu'il vise. Il faut entendre, consentement et AMP, consentement et prélèvement d'organes de tissus de cellules, consentement et accueil d'embryons, consentement et diagnostic préimplantatoire.

Le corps humain est devenu à la fois le lieu d'interventions spectaculaires visant à en restaurer les fonctions, voire à les remodeler, mais aussi source de matériaux et d'informations nécessaires aux progrès de la biomédecine.

Il est en premier lieu le moyen donné à l'individu d'assurer le respect de son intégrité. La personne et le corps humain sont au cœur des valeurs protégées par le droit pénal.

Le code pénal de 1994 a renforcé la protection du corps humain comme valeur permanente, mais a traité de manière différente les deux extrêmes de la vie, avant la naissance la protection est allégée, après la mort la protection est renforcée.

Les infractions en matière d'éthique issues des lois du 29 juillet 1994 modifiées par la loi du 6 août 2004 nuancent ce propos.

En effet, si le code pénal supprime le délit d'avortement, les dispositions des lois bioéthiques instituent des infractions relatives à la protection de l'embryon humain. Le code pénal a renforcé la protection du cadavre tandis que la législation bioéthique facilite le prélèvement d'organes ou de tissus sur le corps d'une personne décédée.

2°) la protection de la finalité des actes

La répression passe également par le respect de la finalité des actes. En effet, il a fallu imposer des limites aux nouvelles techniques biomédicales touchant au corps humain puisque la seule intervention d'un médecin ne suffit pas à les faire entrer dans le cadre du privilège thérapeutique. Ainsi les infractions sont fonctions des caractéristiques particulières de chacune des techniques concernées.

(REDACTION PROTEGEE)