Succession et abattement fiscal pour invalidité : quand la preuve devient un défi

 
 

L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen le 7 mars 2024 a apporté des précisions importantes sur les conditions d'octroi de l'abattement fiscal lors de donations ou de successions pour des personnes en situation de handicap. Cet arrêt met en lumière les défis auxquels sont confrontés les héritiers pour prouver leur droit à cet avantage fiscal.

Les prérequis pour bénéficier de l'abattement fiscal

L'abattement spécifique de 159 325 € prévu par l'article 779-II du Code général des impôts (CGI) s'applique aux droits de succession et de donation pour les personnes en situation de handicap. Pour en bénéficier, l'infirmité doit exister au jour de la donation ou de l'ouverture de la succession. La loi ne fixe pas de taux minimum d'invalidité, mais exige que l'infirmité soit effective au moment du fait générateur de l'impôt. La personne doit être incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité en raison de son infirmité, qu'elle soit congénitale ou acquise.

La décision du 7 mars 2024 : le cas de Mme B

Dans l'affaire examinée par la Cour d'appel de Rouen, Mme B, qui avait arrêté sa carrière professionnelle en 2003, a subi une rupture d'anévrisme en 2015. Quatre ans plus tard, elle a hérité d'une succession et a bénéficié de l'abattement fiscal. Cependant, l'administration fiscale a contesté cet avantage, jugeant les documents médicaux insuffisamment probants. La cour a estimé que Mme B devait démontrer que son handicap avait eu une conséquence sur son déroulement de carrière. Étant donné qu'elle n'avait pas travaillé depuis 2003, la cour a conclu que son handicap n'avait pas interféré avec sa carrière ou sa pension de retraite.

Les implications de cette décision

Cette décision souligne une interprétation stricte des conditions d'octroi de l'abattement fiscal pour invalidité. Autrefois, un certificat médical ou une carte d'invalidité suffisait, mais désormais, des preuves détaillées supplémentaires sont nécessaires. La cour a refusé l'application de l’abattement à une personne ayant cessé de travailler depuis 15 ans avant l'accident, jugeant qu’il ne pouvait exister de lien de causalité entre son handicap et l’entrave au déroulement de sa carrière. Cette évolution juridique soulève des préoccupations sur l'accès équitable à ce dispositif pour les personnes en situation de handicap, particulièrement celles dont l'invalidité survient après une période d'inactivité prolongée.

L'arrêt de la Cour d'appel de Rouen du 7 mars 2024 met en évidence les défis croissants pour prouver le droit à l'abattement fiscal pour invalidité. Les héritiers doivent désormais fournir des preuves détaillées de l'impact de leur handicap sur leur carrière. Cette décision appelle à une réflexion sur l'équité et l'accessibilité de ce dispositif fiscal pour toutes les personnes en situation de handicap.

Source : CA Rouen, ch. civ et com, 7 mars 2024, n° 21/04185, D