Constatant une multiplication importante des arrêts maladie au sein des forces de police nationale fin juillet 2023, différents niveaux hiérarchiques du ministère de l’Intérieur ont annoncé, notamment par voie de presse, que les arrêts maladies qui pourraient être injustifiés seraient refusés, avec pour conséquence des retenues sur salaires pour service non fait. Ils ont également évoqué de possibles sanctions pour les agents concernés. A quelles conditions est-ce possible ?

 

I. Les critères de refus des arrêts maladie sans contrôle posés par la jurisprudence

Dans une jurisprudence du 21 avril 2023, le Conseil d’État a posé les critères permettant à un employeur public de procéder à un tel refus et d’en tirer des conséquences pécuniaires (Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 21/04/2023, n°450533, publié aux tables du recueil Lebon).

Le principe reste que l'administration ne peut interrompre le versement de la rémunération d'un agent lui demandant le bénéfice d'un congé de maladie en produisant un avis médical d'interruption de travail qu'en faisant procéder à une contre-visite par un médecin agréé (article L822-1 et suivants du code général de la fonction publique).

Mais cette jurisprudence y admet une exception, lorsque plusieurs critères cumulatifs sont réunis :

1/ des circonstances particulières, marquées par un mouvement social de grande ampleur ;

2/ une administration où la cessation concertée du service est interdite : c’est le cas notamment pour les fonctionnaires du corps des techniciens et du corps des agents des systèmes d'information et de communication du ministère de l'intérieur, les fonctionnaires actifs de la police nationale et les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire et les militaires ;

3/ la réception d'un nombre important et inhabituel d'arrêts de travail sur une courte période ;

4/ l'impossibilité pratique de faire procéder de manière utile aux contre-visites médicales (prévues par l'article 25 du décret du 14 mars 1986).

Le Conseil d’État considère que « l'administration est fondée, dès lors qu'elle établit que ces conditions sont remplies, à refuser d'accorder des congés de maladie aux agents du même service, établissement ou administration lui ayant adressé un arrêt de travail au cours de cette période. Ces agents peuvent, afin de contester la décision rejetant leur demande de congé de maladie, établir par tout moyen la réalité du motif médical ayant justifié leur absence pendant la période considérée. Ils peuvent également, malgré l'absence de contre-visite, saisir le conseil médical, qui rendra un avis motivé dans le respect du secret médical. »

Hormis le critère d’interdiction du droit de grève pour les agents concernés qui est clairement posé, ces conditions sont extrêmement floues et sujettes à interprétation. Un avocat saura étudier votre situation personnelle et vous accompagner pour faire valoir vos droits dans ce cadre complexe.

 

II. Le risque de sanctions

En plus de ces retraits sur traitements, les services du Ministère de l’Intérieur ont rappelé que toute "cessation concertée du service ou tout acte collectif d'indiscipline caractérisé peut être sanctionné".

C’est bien ce que prévoit le deuxième alinéa de l’article L114-3 du code général de la fonction publique, dès lors que les fonctionnaires actifs de la police nationale et les fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ne jouissent pas du droit de grève. De telles sanctions peuvent être prises sans consultation préalable de l'organisme siégeant en conseil de discipline. Toutefois, les personnes mises en cause doivent être mises à même de présenter leurs observations sur les faits qui leur sont reprochés.

L’assistance d’un avocat vous permet d’être conseillé précisément sur les enjeux et les risques liés à votre contexte personnel, afin de préparer vos observations avec pertinence, dans un temps limité.