Le contentieux des prêts en francs suisses a connu, le 9 juillet 2025, une nouvelle avancée majeure en faveur des consommateurs.
Alors que, sous l’impulsion de la CJUE[1], la Cour de cassation avait jugé que les contrats de prêts libellés en francs suisses proposés aux consommateurs devaient être annulés dès lors qu’ils stipulaient des clauses de remboursement faisant supporter aux consommateurs seuls un risque de change illimité, à la condition que ces clauses ne soient ni claires ni intelligibles pour le consommateur moyen[2], elle avait par la suite exclu de ce régime de protection les consommateurs frontaliers qui percevaient lors de la conclusion du contrat des revenus en francs suisses[3].
Pour ce faire, elle avait approuvé le raisonnement d’une Cour d’appel qui considérait que la perception de revenus en francs suisses par les emprunteurs excluait la possibilité pour eux de subir un risque de change.
Ce raisonnement procédait en réalité d’une confusion entre ce qui relève de l’existence du risque de change, qui est intrinsèque au contrat de prêt puisqu’il est libellé dans une devise différente de celle de l’État dans lequel le bien immobilier financé est situé et dans lequel les emprunteurs résident, et ne tenait pas compte de l’obligation des établissements bancaires d’informer concrètement leurs clients des risques auxquels un tel contrat les expose pendant toute sa durée d’exécution.
La position de la Cour de cassation, adoptée le 1er mars 2023, a été vivement critiquée par les consommateurs frontaliers victimes ce type d’emprunts, mais également par les praticiens et de nombreux auteurs de doctrine[4].
À l’occasion de trois arrêts du 9 juillet 2025[5], dont deux sont publiés ce qui témoigne de leur importance, la Première chambre civile de la Cour de cassation a opéré un revirement de la jurisprudence qu’elle avait amorcée le 1er mars 2023.
Dans ces décisions, la Cour de cassation rappelle d’abord sa jurisprudence générale au sujet des prêts en francs suisses et du droit des clauses abusives qui leur est appliqué, puis la position qu’elle a adoptée le 1er mars 2023 s’agissant des emprunteurs frontaliers, pour immédiatement indiquer que celle-ci doit désormais être amendée.
Faisant droit aux moyens développés par les avocats des consommateurs, la Cour de cassation renouvelle son analyse des prêts concernés pour rappeler qu’ils exposent effectivement le consommateur à risque de change, lequel peut se réaliser à tout moment au cours de son exécution. Elle juge ensuite que cette circonstance justifie que le prêteur ait informé les emprunteurs sur l’existence de ce risque mais également sur les conséquences économiques potentiellement graves de sa réalisation, qui pourraient être particulièrement difficiles à assumer pour eux.
Ce revirement de jurisprudence appelé de nos vœux est une excellente nouvelle pour les emprunteurs frontaliers, qui bénéficient désormais de la même protection que l’ensemble des consommateurs contre les clauses abusives. Elle constitue une victoire judiciaire majeure qui complète les précédentes.
Ils sont parfaitement fondés, ainsi que cela a toujours était soutenu, à solliciter l’annulation de leur prêt en justice, étant rappelé que d’autres jurisprudences obtenues précédemment assurent la recevabilité de leurs recours, qui leur demeure ouvert même si le prêt est ancien et qu’il a déjà été entièrement remboursé.
Il parait donc opportun, pour les consommateurs victimes de ce type de produit bancaire, qu’ils soient frontaliers ou non, de consulter un avocat en vue de solliciter la réparation de leurs préjudices.
Ainsi que cela a toujours été le cas, l’avocat pourra notamment leur indiquer si l’information qui leur a été communiquée par leur banque avant la conclusion du contrat de prêt était suffisante ou si, au contraire, elle est de nature à justifier l’annulation de leur contrat de prêt.
En cas d’annulation de prêt, ces derniers n’auraient alors à payer à leur banque que la contre-valeur en euros du capital emprunté en francs suisses et ne seraient plus tenus ni par les conséquences de la réalisation du risque de change, ni par les intérêts et les frais du crédit.
Pour illustration, un emprunteur ayant souscrit un prêt en francs suisses lui ayant permis de financer un bien immobilier d’une valeur avoisinant les 100.000 euros a récemment obtenu son annulation alors qu’il avait été entièrement exécuté. La banque a alors été condamnée à lui restituer la somme de 118.000 euros.
[1] CJUE, 20 septembre 2017, C-186/16 ; CJUE, 20 septembre 2018, C-51/17 ; CJUE, 10 juin 2021, C-609/19 et C-776/19 à C-782/19
[2] Civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996, FS-B ; Civ. 1ère, 20 avril 2022, n°20-16.316, FS+B
[3] Civ. 1ère, 1er mars 2023, n°21-20.260, F-B
[4] V. par exemple : G. Cattalano, « Prêts en francs suisses aux frontaliers : encore un peu de résistance au droit de l'Union ? », JCP G, 2023, n°17-18, p. 870-872
[5] Civ. 1ère, 9 juillet 2025, pourvoi n°24-19.647, FS-B ; Civ. 1ère, 9 juillet 2025, pourvoi n°24-18.018, FS-B ; Civ. 1ère, 9 juillet 2025, pourvoi n°24-14.352, FS-D
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