Il peut advenir qu’un permis de construire soit délivré par l’administration, mais qu’il soit ensuite annulé alors que la construction autorisée par ce permis est achevée.

Le voisin qui subit un préjudice du fait de l’existence de cette construction illégale peut songer à demander une indemnisation, dès lors que les conditions de la responsabilité administrative sont réunies.

Dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’État du 24 juillet 2019, numéro 417915, les faits de l’espèce correspondaient à une telle hypothèse : des voisins d’une construction réalisée par l’Office public d’aménagement et de construction du Loiret se plaignaient du fait que cette construction avait été autorisée par deux permis de construire édictés l’un par le préfet du Loiret et l’autre par le maire de Fleury-les-Aubrais, permis qui avaient été annulés par la juridiction administrative.

Cependant les travaux avaient été réalisés, et les voisins, propriétaires d’un appartement à proximité du projet ont demandé au tribunal administratif d’Orléans à être indemnisés du préjudice résultant de la délivrance de ces autorisations de construire illégales.

Le Conseil d’État pose pour principe que les tiers à un permis de construire illégal peuvent rechercher la responsabilité de la personne publique au nom de laquelle a été délivré, si le projet de construction est réalisé.

Il ajoute que ces tiers ont droit, sous réserve du cas dans lequel le permis a été régularisé, à obtenir réparation de tous les préjudices qui trouvent directement leur cause dans les illégalités entachant la décision. En particulier en ce qui concerne la perte de valeur vénale des biens des demandeurs, en l’espèce, peut constituer un préjudice actuel susceptible d’être indemnisé.

Ainsi, cette perte de valeur du bien des voisins de la construction illégale qui trouve sa cause dans l’existence de la construction et de son utilisation par les habitants de cette construction illégale peut faire l’objet d’une indemnisation.

Le Conseil d’État ajoute que les voisins n’ont pas à faire état ni à justifier d’un projet de vente de leur bien : la perte de valeur vénale est caractérisée même en l’absence de tout projet de vente de la part de ces voisins. Les magistrats qui avaient rendu la décision frappée de pourvoi devant le Conseil d’État avaient eu une appréciation différente sur ce point précis.

Plus précisément, le préjudice subi par les voisins résultait des nuisances sonores causées par les allées et venues de véhicules sous le porche et dans l’étroite voie d’accès des constructions édifiées en vertu des permis illégaux, constructions dotées chacune d’un garage et d’une place de stationnement et desservies également par un parking collectif de huit places. Ce porche constituait l’unique voie d’accès aux constructions illégalement édifiées.

On notera que la Cour Administrative d’appel de Nantes avait considéré que les nuisances en question étaient causées par l’utilisation des lieux c’est-à-dire de la voie d’accès par les personnes habitant la construction illégalement autorisée, et elle en avait déduit que ce n’était pas l’illégalité même des permis de construire qui était à l’origine de ces nuisances et de ce préjudice. Cette analyse est considérée comme ne pouvant être retenue par le Conseil d’État.

On relèvera également, cependant, que les juges d’appel voient leur analyse confirmée en ce qui concerne le rejet de la demande indemnisation qui avait été faite par les voisins, tenant au préjudice subi par eux du fait des conditions d’exécution des travaux de construction, pendant la période du chantier. Ce préjudice est considéré comme étant sans rapport avec l’autorisation d’urbanisme elle-même et son illégalité, et il est relevé que cela concernait les conditions matérielles d’exécution des travaux, « lesquelles étaient laissées à la discrétion du constructeur ».

Ainsi et en synthèse, le Conseil d’État rappelle que l’illégalité d’un permis de construire engage la responsabilité de l’administration, en particulier à l’égard des voisins qui subissent des conséquences de la construction ainsi illégalement édifiée, et retient, ce qui est de pur bon sens, que l’appréciation de ce préjudice peut consister en particulier dans la perte de valeur du bien, qui doit être appréciée par rapport en particulier aux nuisances créées par cette construction illégale.

Cet arrêt peut être consulté ici : Arrêt du 24 juillet 2019 du Conseil d’État, numéro 417915.

L’arrêt de la Cour administrative d’appel peut être consulté ici : Cour Administrative d’appel de Nantes, 5ème chambre, 04 décembre 2017, 16NT04158.

Christophe BUFFET Avocat spécialiste en droit immobilier et en droit public.
SCP Avocats Conseils Réunis.
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