La révocation d’un dirigeant est complexe et pose de nombreuses difficultés juridiques.

Les règles sont différentes suivant la qualité du dirigeant, la forme juridique de la société et les dispositions contractuelles liant la société à son mandataire social qui peuvent prévoir des clauses contractuelles régissant les conditions et les effets en cas de révocation du mandat.

Le contentieux dans ce domaine est dense et est souvent lié d’une part à la notion de « justes motifs » qui doit être caractérisée pour les révocations de certains mandataires sociaux comme les gérants de SARL ou encore les directeurs généraux des SA.

En tout état de cause, que la révocation nécessite ou non d’être motivée, elle ne doit jamais intervenir dans des conditions injurieuses ou vexatoires portant atteinte à l’honorabilité du dirigeant révoqué.

Sinon, elle est considérée comme abusive et ouvre le droit à des dommages et intérêts.

Les conditions de révocation suivant la forme sociale de la société

 

La révocation du gérant de SARL

 

Le gérant d’une SARL est révocable par décision des associés prise aux conditions de la majorité prévues par l’article L. 223-29 du Code de Commerce soit sur première convocation à la majorité de plus de la moitié des parts sociales et sur deuxième convocation à la majorité des votants quel que soit le nombre de parts sociales détenues.

L’ordre du jour doit mentionner la question portant sur la révocation du gérant.

En l’absence de dispositions contraires, le gérant participe au vote.

Si le gérant est associé majoritaire, ce dernier peut être révoqué pour une cause légitime devant le tribunal de commerce, à la demande de tout associé.

La cause légitime peut être caractérisée par un abandon de ses fonctions, la mise en péril de la société, le désintéressement de l’entreprise, la paralysie de la société à cause d’une opposition entre co-gérants.

La révocation doit par ailleurs reposer sur un juste motif.

De mauvais résultats de la société, des dissensions avec les cadres, une productivité insuffisante, des désaccords graves sur l’organisation et la politique générale de la société, la perte de confiance des associés sont des motifs pouvant justifier la révocation du gérant.

Ainsi, il sera conseillé pour la société de bien expliciter les motifs justifiant la révocation du gérant lors de l’Assemblée générale afin d’éviter que ce dernier puisse contester utilement les causes ayant entraîné sa révocation.

C’est en effet à la société qu’il appartient de démontrer l’existence d’un juste motif de révocation.

A défaut de justes motifs, le gérant aura le droit au versement de dommages et intérêts à condition qu’il démontre l’existence d’un préjudice personnel.

Ainsi, la contrainte de se retirer en cédant ses parts dans des conditions défavorables, la recherche infructueuse pendant deux années d’un emploi à la suite de la révocation, l’acceptation d’un poste constituant un déclassement qui l’avait empêché de mener à bien un diplôme universitaire ont été considérés par les Tribunaux comme des chefs dommageables pouvant justifier une indemnisation.

 

La révocation des mandataires sociaux au sein d’une société anonyme (SA)

 

S’agissant des sociétés anonymes, le président du conseil d’administration, les administrateurs, et les membres du conseil de surveillance sont révocables ad nutum (expression latine signifiant sur un signe de tête) c’est-à-dire à tout moment et sans avoir besoin de justifier d’un motif de révocation.

Ils peuvent ainsi être révoqués sans motif, sans préavis et sans percevoir aucune indemnité. Il s’agit d’une règle d’ordre public à laquelle aucune clause contractuelle ne peut déroger.

Comme pour les gérants de SARL, la révocation du directeur général, des directeurs généraux délégués et des membres du directoire doit être motivée sauf dans le cas où le directeur général exerce également les fonctions de président du Conseil d’administration.

En l’absence de justes motifs, la révocation reste valable mais donne lieu à des dommages et intérêts.

 

 

La révocation des dirigeants de SAS

Dans les sociétés par actions simplifiées, la révocation du dirigeant est souvent prévue contractuellement dans les statuts. Elle peut être libre ou nécessiter un juste motif.

Les statuts peuvent également prévoir des indemnités de révocation.

Les conditions vexatoires ou brutales ouvrant droit à l’allocation de dommages et intérêts.

 

Que la révocation soit avec ou sans juste motif, le mandataire social aura le droit à des dommages et intérêts si elle intervient dans des conditions brutales ou vexatoires.

La jurisprudence a précisé les cas dans lesquels une révocation pouvait être considérée comme abusive ou vexatoire.

Ainsi, la révocation du dirigeant est abusive lorsqu’elle est accompagnée de circonstances portant atteinte à la réputation ou à l’honneur du dirigeant ou lorsqu’elle a été décidée brutalement sans respecter l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation.

(Cass. com. 14 mai 2013, n° 11-22.845, publié au Bulletin ; CA Lyon, ch. 3, section A, 31 oct. 2007, Jurisdata n° 2007-348316)

Il appartient donc au Tribunal de vérifier si les circonstances entourant la révocation ont porté une atteinte injustifiée à la réputation et à l’honneur du dirigeant social du fait de leur caractère brutal ou vexatoire.

Il est par exemple établi en jurisprudence que le dirigeant, même révocable ad nutum, a droit au respect des droits de la défense.

Le principe du contradictoire doit être respecté à défaut de quoi la révocation sera considérée comme brutale et donc abusive.

Le dirigeant doit être informé de la décision envisagée et avoir la possibilité de présenter ses observations devant l’organe compétent pour le révoquer avant que la décision de révocation ne soit prise.

(CA Lyon, chambre 3, section A, n° 09/02705, 10 sept. 2009)

Une révocation intervenue alors que le dirigeant n’a pas été en mesure de présenter ses observations est abusive.

(Cass. Com. 29 mars 2011, n° 10-17667)

De manière générale, la décision de révocation est abusive, car contraire au principe de loyauté, toutes les fois où elle a été prise avant que le dirigeant ne puisse fournir ses explications.

La révocation est également abusive lorsque le dirigeant n’a pas été informé au préalable du fait que la question de sa révocation allait être discutée.

Cette solution a été réaffirmée par un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris en date du 29 septembre 2016 au terme duquel la Cour a condamné une société à indemniser son dirigeant révoqué en raison du manque de loyauté à son égard.

En effet, l’objet de la réunion n’avait pas mentionné la question de sa révocation, ce qui avait été de « nature à l’induire en erreur sur l’enjeu réel de la réunion, en ce qu’en banalisant l’objet de la rencontre, elle n’a pas incité le dirigeant à préparer une réponse spécialement étayée et a de ce fait pu nuire à l’organisation de sa défense. Ce manque de loyauté à l’égard d’un président, membre fondateur, ouvre droit à indemnisation ».

(CA Paris, 5, 8, 29 sept. 2016, n° 15/07864)

Il est donc nécessaire en cas de révocation d’un dirigeant de bien l’informer en amont que la question de sa révocation sera abordée lors de l’assemblée générale afin de lui donner la possibilité de présenter ses observations.

Néanmoins, si des tensions fortes étaient nées entre le dirigeant et les associés préalablement à la convocation de l’Assemblée générale, la jurisprudence a pu considérer que le dirigeant n’a pas été révoqué « par surprise ».

Sur l’indemnité de révocation contractuellement prévue

 

Le dirigeant qui pourra être révoqué sans juste motif aura tout intérêt à négocier avant l’entrée dans ses fonctions une indemnité en cas de révocation.

Une telle clause prévoyant une indemnité en cas de révocation n’est pas interdite à condition qu’elle ne porte pas atteinte au principe de libre révocabilité des dirigeants autrement dit qu’elle ne soit pas dissuasive.

Ainsi, il a été jugé que la décision du conseil d'administration d'allouer au directeur général, en cas de révocation ou de non-renouvellement de ses fonctions, une indemnité égale à douze mois de salaire présentait un caractère dissuasif et que la clause qui la prévoyait était nulle car, à la date de non-renouvellement du mandat de directeur général, le résultat de la société était négatif de plus de 1,5 million d'euros et son endettement s'élevait à 5,6 millions d'euros .

(Cass. com., 14 juin 2005, no 02-17.719).

 

Cependant, le juge doit valider l’indemnité si elle n’a pas d’influence sur la décision de révocation et notamment si elle ne constitue pas une charge excessive pour la société.

Le contrôle a posteriori du caractère dissuasif de l'indemnité qui relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond amène à la plus grande prudence.

Il sera en effet conseillé au dirigeant souhaitant négocier une indemnité de révocation de bien prendre en compte la situation financière et comptable de la société afin que celle-ci ne soit pas postérieurement déclarée nulle.