Voici un panorama de décisions rendues en droit immobilier, de l'urbanisme et en droit public sur la période novembre-décembre 2024

(disponible également sur mon site web : https://www.clairegiordanoavocat.fr)

1) CE, 28 novembre 2024, n° 488592

Urbanisme 

L'article R.600-1 du  Code de l’urbanisme impose à l’auteur d’un recours (gracieux et contentieux) contre une autorisation d’urbanisme, à peine d'irrecevabilité, de le notifier à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation.  ​

Cette notification est en principe faite à l’adresse du pétitionnaire mentionnée sur l’autorisation d’urbanisme.  ​

Toutefois, le juge administratif a admis qu'une telle notification était également régulière lorsqu’elle est effectuée à l’adresse apparaissant sur le panneau d'affichage du permis de construire.  

Peu importe que l’adresse indiquée sur ce panneau (ou même sur l'autorisation d'urbanisme - V. en ce sens  CE 15 octobre 2014, n° 366065) soit erronée. Il suffit qu'elle soit indiquée comme étant l’adresse du titulaire de l’autorisation. ​​​​ ​

Pour plus de détails, je vous invite à consulter mon article au sein de la revue L'Essentiel Droit de l'Immobilier et urbanisme - LEXTENSO du mois de Janvier 2024 (à paraitre)

2) CE 18 novembre 2024, n° 476298

Urbanisme 

L'article L.410-1 du code de l'urbanisme fait du certificat d’urbanisme un véritable outil permettant à son titulaire de cristalliser, pendant dix-huit mois, les règles d'urbanisme applicables sur le terrain. ​

La seule condition pour que le titulaire d’un certificat d’urbanisme puisse se prévaloir de cette garantie est le dépôt d'une demande d’autorisation dans un délai de dix-huit mois suivant la délivrance du certificat. ​ N'a donc aucune incidence :   

- l'absence de transmission du certificat au préfet par la Commune pour contrôle de sa légalité,  ​

- le dépôt de pièces complémentaires par le pétitionnaire au-delà du délai de 18 mois, suite à une demande de la Commune, à l'occasion de l'instruction du permis de construire. ​

Pour plus de détails, je vous invite à consulter mon article au sein de la revue L'Essentiel Droit de l'Immobilier et urbanisme - LEXTENSO du mois de Janvier 2024 (à paraitre)​

3) CE 18 novembre 2024, Société Alliade Habitat, n° 489066​

Urbanisme 

Un plan local d'urbanisme peut contenir, en parallèle du règlement d'urbanisme proprement dit, des orientations d'aménagement et de programmation, qui concernent tout ou partie du territoire.  

Rappelons qu’il ne s’agit que d’objectifs à atteindre, ce qui implique que les OAP ne sont opposables aux autorisations d’urbanisme que selon un simple rapport de compatibilité (art. L123-5 du Code de l’urbanisme ; CE 8 juillet 2019, n°418292) et non un rapport de conformité.   

La compatibilité implique qu’il n’y ait pas de contradiction majeure entre l’autorisation d’urbanisme et l’OAP concernée, telle qu'une remise en cause d'une option fondamentale retenue dans une OAP (CAA Bordeaux 10 juillet 2014, Sté Ranchère n°13BX00235).  ​

Si jusqu'alors le Conseil d'Etat n'avait apporté aucune précision quant à la détermination d'une telle compatibilité, c'est désormais chose faite avec cet arrêt du 18 novembre 2024.   Le juge précise, en effet que cette compatibilité​ « s’apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif ou les différents objectifs d’une orientation d’aménagement et de programmation, à l’échelle de la zone à laquelle ils se rapportent ». ​

L'analyse étant "globale", le projet peut donc contrevenir à un des objectifs d'une OAP sans pour autant être déclaré incompatible.

4) CE 20 décembre 2024, n°489830

Urbanisme 

Rappelons qu'en vertu des articles L.600-1-2 et L600-1-3 du code de l’urbanisme, pour que l'auteur d'un recours contre une autorisation d'urbanisme puisse justifier d'un intérêt à agir, celui-ci doit prouver qu'à la date d'affichage en mairie de la demande, il avait la qualité « d'occupant régulier ou de propriétaire d'un bien immobilier, usufruitier ou nu-propriétaire, dont les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance sont de nature à être directement affectées par le projet ».  ​

A noter que cet intérêt à agir ne se transmet pas aux héritiers, qui ne peuvent donc se contenter de se prévaloir de cette qualité.  ​

L’héritier d’une personne qui avait intérêt à agir à la date d'affichage en mairie de la demande d'autorisation devra ainsi prouver qu'il avait lui-même intérêt à agir à cette date, selon les critères énoncés par le Code de l'urbanisme. ​

Pour plus de détails, je vous invite à consulter mon article au sein de la revue L'Essentiel Droit de l'Immobilier et urbanisme - LEXTENSO du mois de Février 2024 (à paraitre)

5) CE 18 décembre 2024, n°490711

Urbanisme 

Toute méconnaissance par une autorisation d'urbanisme des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance peut valablement être régularisée par un permis de construire modificatif.   

Une exception à ce principe a toutefois été posée par le juge : lorsque l'autorisation d'urbanisme a été obtenue par fraude, l'illégalité ne pourra jamais être régularisée par le dépôt d'un permis de construire modificatif. ​

6) CE 29 novembre 2024, n° 498358

Urbanisme 

Toute infraction en matière d'urbanisme doit nécessairement être constatée par un agent public habilité au sens de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. 

Cette constatation donnera lieu à une visite, suivie de l'établissement d'un procès-verbal. ​

A l'occasion de cette visite, l'agent public peut entendre la personne susceptible de faire l'objet de poursuites. Toutefois, aucune disposition du Code n'impose que celle-ci soit informée du droit qu'elle a de se taire.

7) CE 30 décembre 2024, n° 491818

Contrats publics

Lorsqu'il entend obtenir réparation des conséquences dommageables de vices imputables à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage, le maitre d'ouvrage dispose de deux actions :  ​

1) Une action sur le terrain contractuel à l'encontre du ou des constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d'ouvrage.  ​

2) Une action sur le terrain quasi-délictuel contre les participants à une opération de construction avec lesquels il n'a pas conclu de contrat de louage d'ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d'un contrat conclu avec l'un des constructeurs (CE, 7 déc. 2015, n° 380419).  ​

Le maître d'ouvrage devra toutefois veiller aux délais de prescription de ces actions. ​ Le juge est venu ainsi préciser qu'à l'expiration du délai de 5 ans pour agir sur le terrain contractuel, le maitre d'ouvrage ne pourra plus rechercher la responsabilité des participants sur le terrain quasi-délictuel.   

En d'autres termes, l'action sur le terrain quasi-délictuel ne saurait être exercée pour pallier la prescription de l'action contractuelle, et ainsi l'impossibilité de rechercher la responsabilité du cocontractant.​

8) Cass. 3e civ., 7 Novembre 2024, n° 23-14.464

Copropriété

L'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis donne pouvoir au syndicat des copropriétaires d'agir en justice en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.  

Il est ainsi admis depuis de nombreuses années que le syndicat des copropriétaires peut agir "en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots (Cass., 3e Civ., 23 juin 2004, pourvoi n° 03-10.475, Bull. 2004, III, n° 128)". ​

Dans l'arrêt commenté, le juge apporte toutefois une précision importante quant à la recevabilité d'une telle action. ​

Il précise, en effet, qu'"il n'est pas nécessaire, en ce cas, que le préjudice, qu'il soit matériel ou immatériel, soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires".

9) Cass. 3e. civ, 28 Novembre 2024, n° 21-21.303

Droit Immobilier - Servitude

Lorsqu'une servitude de passage pour une canalisation de distribution de gaz doit être établie sur une propriété privée voisine, deux solutions s'offrent à la personne désirant le raccordement :  ​

- Soit l'établissement d'une servitude de passage conventionnelle. Celle-ci nécessite alors l'accord du propriétaire voisin. ​

- Soit, en cas d'absence d'accord dudit propriétaire, la constitution d'une servitude par déclaration préalable d'utilité publique des travaux, délivrée par l'autorité préfectorale et affiché en mairie. Les modalités d'une telle servitude devront simplement être notifiées au propriétaire du fond concerné par les ouvrages, avant institution.​

10) CE 20 décembre 2024, n° 475416

Contrats publics

Le maitre d'ouvrage dispose : ​

- d'un délai de 2 ans pour mettre en oeuvre la garantie de parfait achèvement ​

- d'un délai de 10 ans pour mettre en jeu la responsabilité des constructeurs.

​​Ces délais commencent à courir à compter de la  la date d'effet de la réception, que les travaux aient été réceptionnés avec ou sans réserve.

Peu importe d'ailleurs que les réserves aient été levées ou non.