Pour ceux qui seraient tentés de quitter prochainement notre chère France, ou au contraire, d’y revenir, un panorama des critères dernièrement retenus par le juge de l’impôt pour attester de la domiciliation fiscale en France d’un contribuable sur le fondement de l’article 4 B du CGI… peut être utile !
Rappelons qu’aux termes de cet article 4 B du CGI, : « Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ».
Les critères de domiciliation en France tels qu’ils ressortent des récents arrêts rendus en 2019 par les juridictions administratives doivent être appréhendés soit négativement (tel ou tel critère ne permet pas de caractériser une résidence fiscale hors France, ou de remettre en cause la domiciliation fiscale française préexistante) ou positivement (tel critère permet au contraire de caractériser une résidence fiscale en France).
Force majeure et gains de jeux indifférents : Si les régions montagneuses vous attirent, notez toutefois que la cour administrative d’appel de Lyon (CAA LYON 2è ch. 7 mai 2019 17Y04271) a considéré que ni l’acquisition d’un chalet à Andorre, ni l’inscription des contribuables de l’espèce sur les registres des services d’immigration andorrans n’ont permis en l’espèce d’établir que les intéressés habitaient normalement à Andorre et qu’ils y avaient les centres de leurs intérêts familiaux. La cour d’appel a ajouté que la présence des contribuables en France pour des raisons indépendantes de leur volonté- soit un cas de force majeure – ne suffisait pas non plus à établir qu’ils habitaient, a contrario, normalement à Andorre. Par défaut, c’est à l’aune du critère du séjour principal que la cour d’appel a établi la domiciliation fiscale des contribuables en France. Subsidiairement, elle a relevé que les contribuables avaient en France l’essentiel de leurs revenus imposables constitués de revenus immobiliers locatifs de source française et d’une pension d’invalidité perçue par l’un d’eux, et en a déduit un centre des intérêts économiques en France, quand bien même, et il s’agit d’une précision notoire, ces revenus étaient « modestes ».
Il convient donc d’être vigilant à ne pas se croire indiscutablement résident fiscal d’un état étranger quand on perçoit, ne serait-ce que modestement, des revenus de source française.
Autre affaire :
La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux (CAA de BORDEAUX, 3ème chambre – formation à 3, 7 mars 2019, 17BX00795, Inédit au recueil Lebon) a indiqué que la circonstance de ce que les gains d’un contribuable provenaient de tournois de poker se déroulant à l’étranger ne suffisait pas à remettre en cause le foyer fiscal préexistant et précédemment établi en France durant les années d’imposition en litige. La Cour en avait profité pour rappeler, en outre, qu’il ne suffisait pas de communiquer à l’administration fiscale une adresse londonienne, d’ailleurs non corroborée par des justificatifs, pour caractériser une résidence fiscale en Grande Bretagne. De la même manière, le fait d’avoir été reconnu résident fiscal de Grande Bretagne est indifférent à l’établissement de la domiciliation fiscale dans ce pays au sens de l’article 4 B du CGI.
Problèmes conjugaux -séparation de corps indifférente : Les juridictions, usant de la théorie du faisceau d’indices, ont rappelé que certains éléments de faits tel que l’acquittement usuel de la taxe d’habitation pour un immeuble français, la réception de courrier à l’adresse de cet immeuble, ou bien encore la consommation d’eau comparativement plus élevée en France (prenez-donc garde à vos compteurs) qu’au lieu de séjour à l’étranger permettent d’établir la domiciliation fiscale en France (CAA LYON 11 Avril 2019 17LY02826). Dans cette espèce, la Cour d’appel de Lyon qui avait à connaître de la résidence fiscale d’un couple, a affirmé que leur séparation de corps, intervenue postérieurement[1] aux années d’imposition en litige, ne pouvait être prise en compte afin d’attester que Monsieur -qui exerçait par ailleurs une profession en Suisse-avait un foyer distinct de Madame. Dans la continuité de cette logique, la Cour relève que Monsieur avait effectué de nombreuses dépenses courantes en France au moyen des comptes joints dont il disposait avec Madame, et précise que la circonstance de ce que ces dépenses avaient été effectuées avec la carte bancaire de son épouse dont il est séparé de corps ne permet pas d’écarter le fait qu’il en profitait et qu’elles corroboraient la domiciliation fiscale en France.
Attention aux mandats sociaux conservés en France et à la prise en charge de son domicile étranger par une société étrangère : La Haute juridiction administrative, pour sa part, avait rappelé en début d’année des principes de hiérarchie des normes et notamment l’obligation pour le juge de se fonder d’abord sur les règles de droit interne avant de se référer à une convention fiscale internationale en vue d’établir la domiciliation fiscale d’un contribuable. Ce rappel effectué, le Conseil d’Etat a donc constaté que c’était sans avoir commis d’erreur de droit que la Cour d’appel a pu « faire application des stipulations de l’article 4 de la convention franco-espagnole après avoir jugé que M.B…, qui tire des revenus de son activité de représentant légal de la société de droit espagnol Reiki Forum International, devait être regardé comme ayant son domicile fiscal en France en application des dispositions de l’article 4 A et du a du 1 de l’article 4 B du CGI, sans avoir à rechercher s’il était également imposable en Espagne en vertu de la législation espagnole. ». (Conseil d’État, 9e chambre, 30 Janvier 2019 – n° 408469). Le Conseil d’Etat a en effet conforté la Cour d’appel d’avoir considéré que le défendeur de l’espèce, « était seul maître de l’affaire de la société Reiki Forum International et qu’il exerçait son activité professionnelle en France, qu’il ne pouvait ignorer qu’il avait sa résidence en France ».
Il s’en déduit que la circonstance de ce que la société était de droit espagnol ne suffisait pas à remettre en cause la domiciliation fiscale française fondée sur une maîtrise d’affaire -soit une activité professionnelle au sens de l’article 4 B- localisée en France. Le contribuable, qui cherchait à établir une domiciliation en Espagne, n’est pas parvenu à convaincre les juges de l’existence d’un foyer d’habitation espagnol. En effet, l’immeuble dont il était propriétaire en Espagne n’était pas à sa disposition personnelle mais à la disposition gratuite de la société dont il était le gérant.
En foi de quoi, la détermination de la domiciliation fiscale doit être mûrement réfléchie par le contribuable qui s’expatrie, les juridictions administratives n’omettant aucun indice, positif ou négatif, qui permettrait, en dépit des apparences, d’établir une résidence fiscale en France.
[1] Quid en cas de concomitance ?
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