Le ministère de la Justice a récemment clarifié les nouvelles règles relatives au contrôle des comptes de gestion des personnes sous tutelle ou curatelle. Cette réforme, issue de la loi Justice du 23 mars 2019, vise à simplifier et à moderniser le dispositif. Toutefois, elle est actuellement contestée devant le Conseil d'État, notamment sur l'interprétation de la notion de "complexité" du patrimoine justifiant la désignation d'un contrôleur professionnel.

En attendant la décision du Conseil d'État, voici les principaux points à retenir de la réforme :

1. Etablissement du compte de gestion:

  • Obligation : Toute personne en charge d'une mesure de protection (tuteur, curateur, MJPM) doit établir un compte de gestion annuel, retraçant les opérations financières effectuées pour le compte du majeur protégé.
  • Dispense possible : Le juge peut dispenser de cette obligation les proches du majeur protégé (et non les MJPM) si ses revenus et son patrimoine sont modestes. La circulaire cite comme exemple le cas d'une personne disposant de ressources inférieures à l'AAH, d'un patrimoine financier inférieur à 10 000 € et sans patrimoine immobilier. Attention, la présence d'un conflit familial peut inciter le juge à refuser la dispense.
  • Responsabilité maintenue : Même en cas de dispense, la personne en charge de la mesure reste responsable de sa gestion et peut être tenue responsable en cas de faute.

2. Contrôle du compte de gestion :

  • Objectif : Vérifier la bonne gestion des biens du majeur protégé et l'absence d'erreur ou de détournement.
  • Dispense possible : Le juge peut dispenser de soumettre le compte à approbation si les revenus et le patrimoine du majeur protégé sont modestes (ex : ressources inférieures à 1 500 € par mois, patrimoine financier inférieur à 20 000 € et immobilier inférieur à 100 000 €).
  • Maintien de l'obligation d'établissement : Même dispensé de contrôle, le compte doit être établi et transmis au juge chaque année, avant le 30 juin. Le juge conserve la possibilité de l'examiner et de relever d'éventuelles anomalies.

3. Désignation d'un contrôleur professionnel :

  • Deux cas de figure : Un professionnel qualifié est désigné par le juge lorsque (1) il n'y a pas de subrogé tuteur, co-tuteur, tuteur adjoint ou conseil de famille, ou (2) lorsque l'importance et la complexité du patrimoine le justifient. Ces deux critères sont cumulatifs.
  • Exemples et point de contestation : Un patrimoine important mais simple (ex : assurance-vie de plus de 100 000 €) ou un patrimoine complexe mais peu important (ex : parts sociales de faible valeur) ne nécessitent pas forcément un contrôleur professionnel si un contrôle interne est possible. En revanche, la circulaire cite l'exemple d'un compte courant avec un solde supérieur à 100 000€ comme justifiant potentiellement la désignation d'un professionnel, au motif qu'il serait à la fois important et complexe (car "facilement disponible"). C'est justement ce point qui est contesté par certaines organisations. Elles estiment qu'un compte courant, même bien fourni, ne représente pas un patrimoine complexe à gérer et que la désignation d'un professionnel dans ce cas engendrerait des coûts inutiles. Le débat porte donc sur l'interprétation de la notion de "complexité" et sur le risque de voir des professionnels désignés dans des situations où leur intervention n'est pas réellement nécessaire.

4. Entrée en vigueur et fréquence du contrôle :

  • Application : Les nouvelles règles s'appliquent aux comptes de gestion portant sur une période commencée à partir du 1er janvier 2024.
  • Fréquence : Le contrôle est en principe annuel. Toutefois, le juge peut décider d'espacer la fréquence (ex : tous les deux ou trois ans) si la situation du majeur protégé est simple, notamment pour alléger les coûts.

En conclusion, cette réforme apporte des clarifications importantes sur le contrôle des comptes de gestion des majeurs protégés. Elle vise à simplifier le dispositif tout en garantissant la protection des intérêts des personnes vulnérables. Toutefois, son application définitive, et notamment les conditions de désignation d'un contrôleur professionnel, reste suspendue à la décision du Conseil d'État.


Claudia CANINI

Avocat - Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com

Sources :

Circulaire contrôle des comptes des majeurs protégés

Annexes circulaire

Mots-clés : droit des majeurs protégés, tutelle, curatelle, compte de gestion, contrôle, professionnel qualifié, réforme, ministère de la Justice, circulaire, Conseil d'État, complexité du patrimoine.