Contrairement à une idée reçue, le placement d'une personne sous curatelle ou tutelle ne lui retire nullement sa liberté de choisir le lieu de sa résidence.

En effet, le principe posé à l’article 459‑2 du code civil est que le majeur choisit librement le lieu de sa résidence. En cas de difficulté, le juge statue.

Le juge statue en arbitrant dans l’intérêt exclusif de la personne protégée.

La jurisprudence est venue confirmer qu’en l’absence de difficulté particulière :

- il n’y a pas lieu à soumettre à autorisation préalable le choix de son lieu de résidence par la personne protégée, ni à autoriser ou non celle-ci à quitter le foyer logement à où elle réside actuellement,

- la personne protégée est, en l’état, libre de choisir son lieu de résidence et d’en changer (Cour d’appel Douai, 8 février 2013 - N° RG : 12/06650).

Les libertés individuelles sont garanties par les juges

La liberté, le droit au respect de sa vie privée et familiale, le droit de choisir sa résidence, l’interdiction de toute discrimination et de traitements cruels sont protégés par la Déclaration des Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC, art. 4), la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, art. 5, 8, 14, Protocole 12 et 4) ainsi que par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH, art. 5 et 13).

Vivre à domicile seul ou entouré de sa famille est une liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire.

Les atteintes portées au droit de vivre à domicile, en bénéficiant des soins appropriés, doivent nécessairement être « adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis » (Conseil Constitutionnel, décision du 26 novembre 2010 n°2010-71 QPC, consid. n°16).

Il a été jugé par la Cour Européenne des droits de l’homme qu’un contrôle sur la personne institutionnalisée, même limité, est suffisant pour prouver une privation de liberté en vertu de l’article 5, dans la mesure où ce contrôle est intrusif (CEDH, Stanov c/ Bulgarie n°25820/07, jugement du 17 juin 2015, § 83).

Les critères d’appréciation qui permettraient de maintenir une personne en manque de capacité en institution doivent prendre en compte objectivement les souhaits et les sentiments de la personne, ses valeurs, ses croyances et le cas échéant, la consultation de ses proches.

En pratique, une liberté difficile à exercer quand on est sous curatelle ou tutelle !

Je citerais le cas de M. X. dont le curateur s’opposait à ce qu’il quitte l’EHPAD où il résidait depuis quelques années pour vivre dans un logement privé. Le curateur se retranchait derrière l’avis de l’équipe soignante de l’EHPAD, sans autre précision.

Avant que M. X. n’obtienne un jugement en janvier 2020 l’autorisant à quitter l’EHPAD, il aura fallu près de deux années de procédure :

  • la désignation de deux experts, le premier ayant émis avis non motivé de « non-retour à domicile », le second avis plus réservé mais aussi favorable au maintien de M. X. en EHPAD,
  • trois auditions - par trois juges tutelles différents - pendant lesquelles le majeur protégé a subi moult interrogatoires intrusifs sur le plan personnel, médical et sentimental… avec une sensation traumatisante d'être jugé pour avoir commis "le délit" de vouloir quitter l'EHPAD dans lequel il se sentait malheureux et prisonnier..
  • deux décisions judiciaires dont une remplaçant le curateur opposé à la sortie d’EHPAD.

C’est à ce prix que M. X. a enfin pu librement choisir son domicile :

"Considérant que le libre choix du lieu de résidence par les majeurs protégés est le principe, que le dispositif envisagé par la curatrice permettrait de faire face à une dégradation de la santé de M. X. et que celui-ci accepte le risque d'une hospitalisation dans ce cas, il convient de privilégier le respect de sa volonté, laquelle n'est pas contraire à ses intérêts à ce jour."

PAR CES MOTIFS

Autorisons M. X. à fixer sa résidence dans le logement locatif privé de son choix, avec l'assistance de sa curatrice".

Nos précédents articles sur le même sujet : 

La personne protégée est-elle libre de choisir son lieu de résidence et d’en changer ?

Tutelle : choix du lieu de résidence, quand l’expression de la volonté du majeur n’est plus possible…


Claudia CANINI

Avocat au Barreau de TOULOUSE -Droit des majeurs protégés

www.canini-avocat.com