La situation sanitaire a engendré pour de nombreux locataires des difficultés pour régler les loyers commerciaux.

Quels sont les moyens d’action du bailleur et du locataire ?

 

Moyens d’action du bailleur :

Deux ordonnances du 25 mars 2020 (n° 2020-306 et 2020-316) aménagent la protection du preneur à bail commercial quant au risque d’acquisition de la clause résolutoire en cas de non-paiement du loyer durant la crise sanitaire.

Le bailleur ne peut pas engager une action tendant à l’acquisition de la clause résolutoire du bail en cas de non-paiement des loyers pendant la crise.

Les clauses résolutoires sont privées d’effet pendant une période protégée du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 (ordonnance n° 2020-306) et du 12 mars 2020 au 11 septembre 2020 (si le locataire entre dans le champ d’application de l’ordonnance n° 2020-316).

Ces dispositions ne remettent cependant pas en cause l’exigibilité des loyers dus de sorte que le bailleur conserve la faculté d’agir en paiement.

En clair, la crise sanitaire ne dispense pas le locataire commercial de payer son loyer.

 

Moyens de défense pouvant être évoqués par le locataire : 

Le droit commun des contrats a été évoqué pour contrer l’obligation au paiement des loyers, notamment :

  • la force majeure,
  • l’imprévision,
  • l’exception d’inexécution,
  • ou encore la destruction de la chose louée à laquelle serait assimilée la privation de jouissance résultant de la fermeture des commerces.

De nombreuses décisions ont déjà été rendues en référé, dans un sens ou l’autre, jugeant que l’un de ces moyens constituait ou non une contestation sérieuse à la demande de paiement du bailleur.

La Cour d’appel de GRENOBLE, aux termes d’un arrêt rendu le 5 novembre 2020, a quant à elle jugé que ni la force majeure, ni le fait du prince, ni l’exception d’inexécution ne peuvent être invoqués par le locataire commerçant pour se soustraire au paiement du loyer en période de Covid-19.

La Cour d’appel de PARIS, le 9 décembre, 2020 a elle considéré que « la fermeture des commerces est susceptible de constituer un cas de force majeure ».

De nombreuses décisions rendues en 2021 sont favorables au preneur.

Quasiment toute ces décisions font référence à la notion de bonne foi.

 

La bonne foi en juge de paix :

Les contrats doivent être exécutés de bonne foi (ancien article 1134 du code civil devenu 1104).

Les 10 juillet, 18 septembre et 27 novembre 2020, le tribunal judiciaire de PARIS avait déjà considéré :

« Les parties sont tenues de vérifier si les circonstances exceptionnelles ne rendent pas nécessaires une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives. »

Dans la première affaire, le tribunal a constaté que le bailleur avait fait des propositions d’aménagement du paiement du loyer échu pendant la période dite juridiquement protégée et que le locataire n’avait pour sa part fait aucune proposition ne retour ; il a ainsi retenu que le bailleur avait exécuté de bonne foi ses obligations et a fait droit à sa demande en paiement intégral du  loyer du 2ème trimestre 2020.Une formulation quasi-identique a été reprise par le juge des référés d’AIX-EN-PROVENCE (22 septembre 2020).

Le 26 octobre 2020, le juge des référés parisien a indiqué : « l’exception d’inexécution doit être étudiée à la lumière de l’obligation pour toutes les parties de négocier de bonne foi les modalités d’exécution de leur contrat en présence des circonstances précitées » (contexte sanitaire).

En l’espèce, le locataire justifiait par des échanges de courriers s’être rapproché de son bailleur pour essayer de trouver une solution amiable. Le juge des référés a estimé que la demande en paiement du bailleur était dès lors sérieusement contestable.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de PARIS a rendu deux décisions le 21 janvier 2021, favorables au preneur.

Il s’agissait pour l’une des décisions de loyers dus au titre des 3ème et 4ème trimestre 2020, période au cours de laquelle un restaurant était ouvert mais affecté par des mesures de police administrative.

Le locataire a évoqué l’exception d’inexécution pour refuser de payer l’intégralité des loyers dus.

Le juge des référés a notamment retenu :

  • que l’exception d’inexécution doit être étudiée à la lumière de l’obligation pour les parties de négocier de bonne foi,
  • le preneur peut sans contestation possible se prévaloir de la survenance de circonstances imprévisibles,
  • l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 (qui répute non-écrite notamment toute clause résolutoire en raison du non-paiement de loyers) justifie à lui seul l’existence d’une contestation sérieuse.

 

La tendance semble donc à une protection des locataires commerciaux, sévèrement touchés par la crise sanitaire.

Encore faudra-t-il pour le locataire justifier avoir tenté de négocier de bonne foi avec son bailleur.

Il en est de même pour le bailleur qui ne devra pas se contenter d’assigner en paiement, sous peine de risquer de se voir opposer avec succès les différents moyens du droit des contrats évoqués ci-dessus.

La bonne foi, fondement essentiel du contrôle de la loyauté des comportements dans les relations contractuelles, sera quoi qu’il en soit un critère étudié de près par le juge saisi d’un contentieux relatif au paiement des loyers commerciaux pendant la crise sanitaire.