En dépit du conflit ukrainien et de la campagne électorale, le gouvernement poursuit ses réformes.

En témoignent deux décrets majeurs (D. n°2022-372 et  D. n° 2022-373), publiés au Journal Officiel le 17 mars, en application de la Loi « Santé au Travail » n° 2021-1018 du 2 avril 2021 qui vise à renforcer la prévention en matière de santé au travail.

Ces nouvelles dispositions réglementaires modifient en profondeur les modalités de recours à la visite de préreprise et de reprise pour les arrêts de travail postérieurs au 31 mars 2022.

1. S’agissant de la visite de préreprise, les nouveaux textes rappellent que son objectif est bien de favoriser le maintien dans l'emploi d'un salarié en anticipant son retour d'un arrêt de travail. Celle-ci permet au médecin du travail de recommander la mise en œuvre

  • de mesures d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail,
  • et/ou de mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé du travailleur.

Le médecin peut aussi préconiser un reclassement ou une formation professionnelle (C. trav., art. L. 4624-2-4 créé par la loi du 2 août 2021, L. 4624-3 et R. 4624-30).
C’est dans cet objectif clairement défini de retour à l’emploi, que le législateur a modifié le régime juridique de cette visite de préreprise.

Désormais, pour les arrêts de travail commençant après le 31 mars 2022, le travailleur pourra en bénéficier après seulement 30 jours (et non plus 3 mois) d’arrêt de travail, sous réserve que le retour à son poste soit anticipé (une condition nouvelle qui limite les cas de recours à la visite de préreprise).

Outre le travailleur, le médecin traitant, les services médicaux de l'assurance maladie, le médecin du travail peut, lui aussi, désormais être à l’initiative de cette visite de reprise (article L. 4624-2-4 du code du travail).

Cette visite de préreprise n’est plus obligatoire, elle devient facultative.
En effet, les articles L. 4624-2-4 et R. 4624-29 mentionnent expressément que le salarié  « peut » bénéficier d'une visite de préreprise.

En revanche, pour les arrêts de travail à compter du 1er avril 2022, une nouvelle obligation (une de plus…) incombe à l’employeur, à savoir informer le salarié de sa possibilité de solliciter l'organisation de l'examen de préreprise (art. L. 4624-2-4 du code du travail).

A l’appui de cette nouvelle obligation, notons une autre nouveauté : l’instauration d’un « rendez-vous de liaison » pour le salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel d'une durée supérieure à 30 jours. Il s'agit d'un rendez-vous  entre le salarié et l'employeur, et le service de  santé au travail (dénommé maintenant « services de prévention et de santé au travail », afin d’insister sur leur nouvelle dimension préventive).
Ce rendez-vous a pour objet d'informer le salarié qu'il peut bénéficier non seulement d'actions de prévention de la désinsertion professionnelle et de mesures d'adaptations, mais aussi de la visite  de préreprise. Il est organisé à l'initiative de l'employeur ou du salarié. L'employeur informe celui-ci qu'il peut solliciter l'organisation de ce rendez-vous. 

L'organisation de ce rendez-vous n'exonère pas l’employeur d'informer spécifiquement le salarié de la possibilité de bénéficier de la visite de préreprise, sauf à pouvoir justifier que le rendez-vous de liaison a effectivement permis d'informer le salarié de l'existence de cette faculté.

2. Les modalités de recours à la visite de reprise sont eux aussi bouleversés significativement avec la Loi Santé au Travail.

Pour faire face à des services de santé souvent débordés, le législateur a restreint le champ d'application de l'obligation d'organiser la visite de reprise.
Certes, comme par le passé, la visite de reprise auprès du médecin du travail devra être organisée à l'issue :
• d'un congé de maternité ;
• d'une absence pour cause de maladie professionnelle, quelle que soit la durée de l'arrêt de travail ;
• d'une absence d'au moins 30 jours pour accident du travail.

En revanche, pour les arrêts maladie ou accident non professionnel courant à compter du 1er avril 2022, cette visite ne devra être déclenchée que si l’absence est d’au moins 60 jours (contre 30 jours jusqu’à présent).

Cette mesure va à l’évidence alléger la gestion des arrêts-maladie des entreprises, particulièrement chronophage aujourd’hui avec l’explosion de l’absentéisme… 38 % des salariés se sont vu prescrire un arrêt maladie en 2021 !

Rappelons enfin qu'il appartient toujours à l'employeur de saisir le service de santé au travail dès qu'il a connaissance de la date de fin de l'arrêt de travail, et ce, pour organiser la visite de reprise au plus tard dans les 8 jours qui suivent la reprise du travail (article R. 4624-31 du code du travail).