Le constat est clair et unanime : les plaintes pour harcèlement sexuel et outrages sexistes se multiplient.
Les raisons sont plurifactorielles : si on dénombre une augmentation des dérapages pendant les événements festifs organisés par l’employeur depuis la fin du COVID, ces plaintes sont surtout liées à la libération de la parole des femmes en entreprise, en témoigne l’explosion du nombre de pages Instagram « balance » qui fleurissent sur la toile (« balance ta start-up », « balance ton agency »…. et même « balance ton cabinet d’avocats »).
Cette tendance n’est pas près de s’infléchir avec la protection du lanceur d’alerte en entreprise, sanctuarisée par la Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, et dont le contenu doit être impérativement inséré dans le règlement intérieur.
Pour y remédier, le législateur s’appuie un arsenal de sanctions toujours plus sévères, comme en attestent les dispositions de la Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023, dite d’orientation et de programmation du Ministère de l’Intérieur.
Jusque-là réprimé par une simple contravention, l’outrage sexiste deviendra un délit à partir du 1er avril 2023. L’outrage sexiste est une infraction pénale récente (issue d’une loi du 3 août 2018) qui se définit comme le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité, en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Pour en illustrer les contours, le Ministre de la Justice avait rédigé une circulaire le 3 septembre 2018, qui avait qualifié d’outrages sexistes les situations suivantes :
- des propositions sexuelles, mais également certaines attitudes non verbales telles que des gestes imitant ou suggérant un acte sexuel, des sifflements ou des bruitages obscènes ou ayant pour finalité d’interpeler la victime de manière dégradante ;
- des commentaires dégradants sur l’attitude vestimentaire ou l’apparence physique de la victime ;
- une poursuite insistante de la victime dans la rue.
L’employeur ne peut qu’être inquiet face à un dispositif légal et règlementaire toujours plus répressif, lui qui doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2), sous peine d’engager sa responsabilité.
Cette obligation légale de sécurité, jusque-là très abstraite, devient chaque fois plus concrète à travers des exemples donnés récemment par la jurisprudence, notamment en matière de harcèlement sexuel. La Cour de cassation vient de nous en donner une parfaite illustration en ce début d’année (Cass. soc. 18-1-2023 n° 21-23.796 F-B).
L’affaire concernait une ambulancière licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, qui avait saisi la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement avec toutes les conséquences financières lourdes qui en découlaient. Elle estimait que son inaptitude était la conséquence de faits de harcèlement sexuel de la part de l'un de ses collègues, et de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.
La Cour de cassation n’a pas suivi la salariée sur ce dernier point, estimant qu’au contraire, l'employeur avait bien respecté son obligation de sécurité, après avoir constaté que celui-ci
- avait non seulement fait cesser de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue (présumé « harceleur ») dès qu’il avait été informé de la situation de harcèlement sexuel alléguée ;
- mais aussi avait alerté l'inspection du travail.
Rappelons que, dès lors que le dirigeant est informé de faits de harcèlement sexuel, il se doit de diligenter une enquête interne, exercice complexe qui doit répondre à une exigence d’impartialité, de transparence et de confidentialité.
La décision de la Cour de cassation, en apparence favorable aux intérêts de l’employeur, masque néanmoins l’extrême sévérité des juges en matière harcèlement qu’il soit sexuel ou moral.
Dans un autre arrêt rendu le même jour (Cass. soc. 18-1-2023 n° 21-10.233 F-D), la Cour de cassation a jugé en effet que des faits de harcèlement moral pouvaient être caractérisés en droit du travail par de simples méthodes de management inappropriées, peu important, comme en l’espèce que le Tribunal Correctionnel avait, au préalable, relaxé l’employeur après avoir relevé l’absence d’élément intentionnel de sa part… Bref, la Haute Cour n’hésite pas à sanctionner sévèrement la mauvaise gestion du personnel, ou du moins ce qu’elle considère comme telle… pas très rassurants pour les DRH, de plus en plus en proie au blues selon les dernières statistiques !
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