En France, dans les régions frontalières de la Suisse, telles que les environs de Genève et de Bâle, de nombreuses personnes travaillent en Suisse tout en résidant en France.
Cette proximité avec la Suisse leur permet de bénéficier de salaires plus élevés tout en profitant du coût de la vie plus abordable en France.
Parmi ces frontaliers, une grande partie a contracté des prêts immobiliers en francs suisses pour financer l'achat de leur résidence principale ou secondaire en France, dans des villes comme Annecy, Collonges-sous-Salève, Saint-Julien-en-Genevois, Gex, Ferney-Voltaire, Thonon-les-Bains, ou encore Mulhouse, Colmar, Rixheim, Saint-Louis, Wittenheim et Illzach.
Ces prêts, proposés par certaines banques françaises, notamment le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole, étaient initialement attractifs en raison de taux d'intérêt plus faibles que les prêts en euros.
Cependant, ces financements comportaient un risque de change majeur, sous-estimé par les emprunteurs en raison de l'absence d'information claire communiquée par les banques.
Bien que les échéances soient remboursées par les frontaliers en francs suisses au moyen de leurs revenus perçus dans cette devise, une juridiction frontalière a retenu qu'ils étaient bel et bien exposés à un risque de change, et que la banque avait l'obligation de les informer par des clauses rédigées de manière transparente et intelligible.
Lorsque le cours de l'euro s'est déprécié face au franc suisse, à compter de 2008, avec la crise dite des subprimes, puis avec la crise de l'Euro débutée en 2010, de nombreux emprunteurs se sont ainsi retrouvés avec un capital restant dû bien supérieur à la somme initialement empruntée.
Cette situation a mis en difficulté plusieurs ménages qui, malgré des remboursements réguliers, constataient un alourdissement de leur dette en euros en raison des fluctuations monétaires défavorables.
Cette situation a engendré des pertes de change considérables pour les emprunteurs ayant acheté un bien immobilier en France, en euros.
Une dépréciation vertigineuse de l'Euro
Depuis octobre 2007, l'euro s'est ainsi déprécié de manière vertigineuse de 75% par rapport au franc suisses, passant de 1,68 CHF pour 1 EUR à 0,94 CHF environ en février 2025, ce qui signifie que le coût du financement et le coût d'acquisition du bien financé a augmenté proportionnellement.
Une victoire judiciaire majeure
Le cabinet Dana Avocats est récemment devenu le premier cabinet d’avocats en France à obtenir l’annulation d’un prêt en francs suisses souscrit par des frontaliers.
Cette victoire judiciaire marque un tournant pour tous les frontaliers qui se retrouvent dans une situation similaire.
Qu’est-ce qu’un prêt en francs suisses remboursables en devise ?
Un prêt en francs suisses consiste, pour un emprunteur situé généralement en zone frontalière, à souscrire un financement immobilier implicitement indexé sur la devise suisse.
L’idée initiale est de bénéficier d’un taux d’intérêt souvent plus avantageux qu’un prêt en euros. Toutefois, lorsque l'euro se déprécie, la somme due en euros augmente de manière significative, ce qui signifie que le coût d'acquisition du bien en euros, situé en France, augmente, en étant indexé sur le cours EUR/CHF.
Pourquoi une annulation de prêt ?
L’annulation d’un prêt n’est pas un acte anodin : pour obtenir cette décision, il faut démontrer devant le juge que les clauses du prêt ne sont pas transparentes concernant l'ampleur du risque de change et ses potentielles conséquences financières.
Une juridiction frontalière a ainsi retenu que les clauses des prêts commercialisés par le Crédit Mutuel ne sont pas claires et compréhensibles sur le risque de change, de sorte que le prêt doit être annulé.
Dans l’affaire traitée par le cabinet Dana Avocats, il a été établi que l’emprunteur n’avait pas été suffisamment averti des risques inhérents à un prêt en devise étrangère, par des clauses jugées contradictoires et lacunaires sur l'obligation de remboursement en devise.
Le tribunal a donc retenu que le contrat devait être annulé, permettant à l’emprunteur frontalier de retrouver une situation financière plus saine.
Les conséquences pour les emprunteurs
- Réduction de la dette : L’annulation d’un prêt en francs suisses permet à l’emprunteur de n'avoir plus à supporter la perte de change subie du fait de la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse pendant la durée du contrat, mais également d'annuler les intérêts et les primes d'assurance emprunteur,
- Remboursement des sommes trop versées : Selon la décision rendue, la banque est tenue de restituer le trop-perçu entre le capital en euros mis à la disposition de l'emprunteur et les sommes versées par lui pendant la durée du contrat en francs suissess, converties en euros au taux de change en vigueur au jour de chacun des paiements,
- Un précédent encourageant : Cette décision ouvre la voie à d’autres actions en justice pour des emprunteurs frontaliers qui se trouveraient dans des situations similaires.
Quelles démarches entreprendre ?
- Faire analyser son contrat de prêt : Chaque dossier est unique, mais il est crucial de vérifier que la banque a bien respecté et rédigé de manière claire et compréhensible les clauses de remboursement en devise et de change,en fournissant des simulations de dépréciation de l’euro face au franc suisse, accompagnées d’exemples chiffrés,
- S’entourer d’experts : Un avocat habitué à ce type de contentieux pourra évaluer la validité du prêt, puis défendre au mieux les intérêts de l’emprunteur frontalier,
- Évaluer les risques et les chances de succès : il est donc essentiel d’obtenir un conseil juridique éclairé avant de se lancer.
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