La victime d'un accident n'est pas tenue de modifier son mode de vie, d'accepter des soins, une intervention ou un traitement médical, pour que son handicap coûte moins cher à l'auteur des faits ou à son assureur. La cour de Cassation déjà dans un arrêt de la 2ème Chambre civile du 25 octobre 2012, avait décidé que la victime n'était pas tenue d'aménager son logement en rez-de-chaussée pour éviter la tierce personne.

Il s’agissait ici pour cette victime de conserver sa chambre à l’étage de son logement. La victime ne pouvait plus monter ni descendre un escalier sans aide à la suite d’un accident et réclamait la présence d’une tierce personne durant toute la nuit pour l’aider en cas de danger. L’assureur faisait alors valoir que l’installation de la chambre au rez-de-chaussée était moins coûteux. Pour les juges de la Haute Juridiction la victime ne peut être contrainte à quelque effort que ce soit en vue de réduire le coût de son indemnisation. La demande de l’assureur a donc été rejetée.

La cour de Cassation s’était depuis longtemps déjà prononcée en ce sens à propos d’interventions chirurgicales, que la victime n’est jamais obligée de subir même si celles-ci peuvent lui permettre d’améliorer son état de santé (et donc de diminuer le coût de son indemnisation). Les décisions en ce sens étaient en partie fondées sur le principe de libre disposition du corps humain. On note donc ici une décision en accord avec les jurisprudences antérieurement prononcées. On note également une évolution favorable aux victimes, la règle énoncée n’étant plus liée au principe de libre disposition du corps humain : « l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; ( …) la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ».

Il avait été dit pour droit dans cette affaire en 2012 que :

"Vu l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Attendu que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ;

Attendu que pour limiter à une certaine somme l'indemnisation du besoin d'une tierce personne de Mme Y..., l'arrêt retient que la victime est mal fondée à justifier la nécessité d'une tierce personne la nuit, et non également durant la totalité de la journée, par la situation de la chambre à l'étage, elle a besoin d'être aidée pour monter ou descendre les escaliers, ce qui l'empêche de se sortir seule d'une situation de danger la nuit ; qu'en effet, les difficultés liées à la localisation de la chambre à l'étage s'agissant d'une victime qui demeure dans le Var dans une maison à étage, isolée en campagne, peuvent être résolues par des solutions plus simples, moins contraignantes et plus économiques que la présence d'une tierce personne douze heures par nuit, parmi lesquelles l'aménagement d'une chambre au rez-de-chaussée, l'agrandissement de la maison, voire un déménagement que les époux ont d'ailleurs effectué puisqu'il ressort de la procédure qu'ils étaient successivement domiciliés dans le département du Var pendant la procédure de première instance, dans celui de la Manche pendant la procédure d'appel et qu'interpellé à l'audience quant à leur domicile actuel, le conseil de la victime a indiqué qu'ils vivaient à nouveau dans leur maison du Var ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés"

 

Nous rappelions dans notre récente rubrique une décision de Janvier 2015 ayant rappelé que la victime pouvait refuser des soins :

Cass 1ère Civ, 15 Janvier 2015 - pourvoi n°13-21180 LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :<

Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait subi deux interventions chirurgicales pratiquées à la Clinique Bel Air par M. Y..., urologue, a présenté, à la suite de la seconde, en date du 4 avril 2005, une hyperthermie indiquant un état infectieux, qu'ayant refusé tout traitement à compter du 7 avril, il a quitté l'établissement deux jours plus tard pour réintégrer son domicile, contre avis médical, que, son état s'étant aggravé, il a été admis, au mois de mai suivant, dans un autre établissement, où une septicémie par streptocoque a été diagnostiquée, avec des atteintes secondaires à l'épaule, au foie et au coeur qui ont nécessité plusieurs traitements, que M. X... a assigné en responsabilité la société Clinique chirurgicale Bel Air (la clinique) et M. Y... ; Sur le second moyen, ci-après annexé : que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; Mais sur le premier moyen pris en sa troisième branche : Vu l'article  16-3 du code civil, ensemble les articles L. 1142-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique ; "Attendu que le refus d'une personne, victime d'une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l'intégralité des préjudices résultant de l'infection ; Attendu que pour limiter la responsabilité de la clinique aux conséquences de l'infection nosocomiale contractée par M. X... si elle avait été « normalement traitée », l'arrêt relève d'abord que si, selon l'expert, le patient, dépourvu de médecin traitant, n'avait pas refusé un transfert vers un autre établissement, quitté la clinique contre avis médical et, de retour chez lui, omis de consulter un autre médecin, une antibiothérapie adaptée au germe qui aurait pu être identifié par la poursuite des examens et analyses engagés lors de son séjour à la clinique et interrompus avant d'avoir abouti, aurait permis, dans un délai de quinze à trente jours, de résorber l'infection et d'éviter l'aggravation de son état ; que l'arrêt retient ensuite, distinguant entre réduction du dommage et évitement d'une situation d'aggravation, que les complications de l'infection initiale sont la conséquence du refus par ce patient, pendant plus d'un mois et en raison de ses convictions personnelles, de traitements qui ne revêtaient pas un caractère lourd et pénible ; Qu'en statuant ainsi, en imputant l'aggravation de l'état de M. X... à son refus des traitements proposés, alors que ceux-ci n'avaient été rendus nécessaires que parce qu'il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen : Met M. Y... hors de cause, sur sa demande ; CASSE ET ANNULE Dans un arrêt rendu le 26 Mars 2015, (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, no 14-16011, M. X c/ Sté MAAF assurances et a.,)  la Cour de Cassation va plus loin et indique que la victime n'est pas tenue d'accepter, pour réduire son préjudice professionnel, un emploi en rapport avec ses nouvelles facultés, en retrait nécessairement, de sa situation professionnelle antérieure à l'accident...L'assureur ne peut donc pas lui opposer un refus de reclassement pour réduire son offre d'indemnités pour le préjudice professionnel.

Cette solution favorable à la victime,  est inverse en droit anglo-saxon.