Cet arrêt de rejet est particulièrement intéressant car il énonce deux principes qu’il est nécessaire de rappeler aux dirigeants qui tardent trop à prendre les mesures qui s’imposent face à une situation qui se dégrade.

 

Le premier principe est que l’existence d’une procédure de mandat ad hoc « ne dispense pas [le dirigeant] de ses obligations » en matière de déclaration de cessation des paiements.

 

Le second principe est que l’insuffisance d’actif d’une société holding, qui peut être mise à la charge de son dirigeant, s'apprécie « au regard de son actif et de son passif propres, sans référence aux comptes consolidés du groupe ».

 

En premier lieu, il est fréquent que les dirigeants de sociétés en difficulté estiment à tort que solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc est de nature à les prémunir contre une action en responsabilité pour faute de gestion en cas de liquidation judiciaire ultérieure.

 

Ce n’est pas le cas.

 

Dès lors que la désignation d’un mandataire ad hoc « ne prive pas le dirigeant de la société débitrice de l'exercice de ses pouvoirs », ce dernier demeure responsable de sa gestion.

 

Cette solution peut sembler bien sévère pour le dirigeant qui fait la démarche (souvent difficile) de solliciter du président du tribunal de commerce la désignation d’un mandataire ad hoc.

 

Cependant, si l’on regarde les faits d’espèce qui ont conduit à cette décision, la société en question a vu son chiffre d’affaires divisé par 20 en 4 ans (de 3.607 K€ en 2007 contre 167 K€ en 2010) et les pertes d’exploitation s’accumuler pendant la période (4.600 K€ cumulées de 2007 à 2010).

 

Force est de constater que si pendant toute cette période, la société faisait l’objet d’une procédure de mandat ad hoc, les créanciers n’en n’ont tiré aucun bénéfice !

 

Dès lors, il n’est pas surprenant compte tenu de l’ampleur de la dégradation de l’activité et du montant des pertes que les juges du fonds puis la Cour de cassation n’aient pas retenu la désignation d’un mandataire ad hoc comme une cause exonératoire de responsabilité.  

 

Le second principe est que l’insuffisance d’actif s’apprécie au niveau social. La Cour estime qu’il « résulte de l'article L. 651-2 du code de commerce que l'insuffisance d'actif d'une société holding, qui peut être mise à la charge de son dirigeant, s'apprécie au regard de son actif et de son passif propres, sans référence aux comptes consolidés du groupe ».


En l’espèce le dirigeant faisait valoir que les comptes consolidés du groupe étant excédentaires, l’insuffisance d’actif devait, non s’apprécier au niveau de la seule société holding débitrice, mais au niveau du groupe.

 

Là encore, la Cour rejette le pourvoi, l’insuffisance d’actif s’appréciant au niveau de l’entreprise et non du groupe à laquelle elle appartient.

 

Cette approche est parfaitement conforme au droit des sociétés qui ne reconnait pas de personnalité juridique à un groupe de sociétés.


Pour autant, cette solution peut sembler discutable au regard de la réalité économique quotidienne de fonctionnement des groupes de sociétés. Pour le dirigeant d’un groupe, les pertes d’une filiale se compensent avec les bénéfices d’une autre au niveau des comptes consolidés.

 

Cependant, en l’absence de confusion de patrimoines, les créanciers de la société qui sera finalement liquidée avec insuffisance d’actif n’ont que faire que les autres sociétés du groupe demeurent bénéficiaires.  Ils n’ont aucune voie de recours contre ces dernières et seront les seules victimes d’un dirigeant qui poursuit abusivement une exploitation déficitaire.

 

En l’espèce, la seule interrogation est de savoir pourquoi le mandataire ad hoc désigné depuis 2007 n’a pas alerté le dirigeant sur ses responsabilités face à des pertes qui s’accumulaient sans cesse.  

 

Pour éviter ce genre de déboires, il semble indispensable de solliciter pour des procédures de conciliation et de mandat ad hoc, la désignation d’administrateurs ou de mandataires judiciaires, professionnels expérimentés de ce genre de situation et de ne pas hésiter à s’adjoindre des conseils d’avocats et / ou d’experts comptables ou financiers spécialisés


https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032558518&fastReqId=1993525802&fastPos=1