Plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont celui du 27 novembre 2019 n°18-22.525 qui mérite d’être cité tellement il est clair et limpide, me permettent de revenir rapidement sur la définition d’un non-professionnel (I).

Question ô combien intéressante lorsque l’on sait que de la réponse dépend l’application de régimes aussi protecteurs que celui des clauses abusives, des pratiques commerciales trompeuses, de la reconduction tacite d’un contrat. (II)

 

PLAN

I – La définition du non-professionnel

II – Les règles protectrices applicables aux non-professionnels

  • II.1 Les pratiques commerciales trompeuses
  • II.2 La présentation des contrats et l'information précontractuelle
  • II.3 Les clauses abusives
  • II.4 La reconduction des contrats de prestations de services
  • II.5 Les contrats conclus à distance et hors établissement
  • II.6 Les contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié
  • II.7 Les contrats de service de communication électronique
  • II.8 Les numéros spéciaux (services accessibles par l'intermédiaire des opérateurs de communication électronique)

 

I - LA DEFINITION DU PROFESSIONNEL

 

          1. La nécessité de créer une nouvelle catégorie

 

Le droit de la consommation né de l’idée qu’il faut protéger le plus faible (le consommateur) face aux professionnels, qui en raison de leur expérience et de la connaissance du produit, sont en position de force dans le rapport contractuel.

 

A l’origine, le droit de la consommation connaît seulement deux catégories de protagonistes :

  • les consommateurs qui sont des particuliers c’est-à-dire des personnes physiques qui agissent à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité professionnelle.
  • les professionnels qui sont des personnes morales ou des personnes physiques qui agissent à des fins entrant dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

 

Autrement dit, une personne morale (sociétés, associations, GIE etc.) ne peut pas être un consommateur.

 

La distinction est fort simple mais fort injuste dans la mesure où elle exclut de la protection du droit de la consommation le professionnel qui agit en dehors de son activité économique principale, dans un domaine pour lequel il n’a pas nécessairement des connaissances étendues.

 

Illustration : un chauffagiste, qui est un fin connaisseur des chaudières, n’en sait pas forcément beaucoup plus qu’un consommateur en matière de ventes aux enchères ou, comme dans l’arrêt précité, un marchand de bois peut être totalement ignorant dans le domaine de l’insertion d’annonces publicitaires dans un annuaire.

Or, dans le cadre de son activité économique, le chauffagiste ou le marchand de bois peut être amené à acheter des meubles aux enchères ou à passer des annonces publicitaires et, dans ce cas, se retrouver dans la même situation que le consommateur.

Si donc l’objectif du droit de la consommation est de protéger le néophyte, il fallait distinguer le professionnel qui agit en dehors de sa sphère d’activité (et qui mérite d’être protégé) du professionnel qui agit dans le cadre de son activité professionnelle et qui est donc sensé avoir des connaissances approfondies dans ce domaine d’activité.

 

Ainsi est né le non-professionnel définit à l’article liminaire du code de la consommation comme :

« Toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ».

 

          2. Comment reconnaître un non-professionnel ?

 

Dans l’arrêt cité plus haut, la Cour de Cassation précise que doit être considéré comme non-professionnel, celui qui agit à des fins qui n’entre pas dans l’exercice de son activité principale.

 

Dans un autre arrêt du 25 mai 2023, la Cour indique qu’en raison du « rapport direct » entre le contrat et l’activité de l’intéressé, ce dernier ne pouvait pas être considéré comme un non-professionnel : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047635848?init=true&page=1&query=21-20643&searchField=ALL&tab_selection=all

 

La question devient donc : le contrat en cause entre-t-il dans le champ de l’activité principale de l’intéressé ? Si la réponse est oui, l’intéressé est un professionnel ; si la réponse est négative, l’intéressé est un non-professionnel.

 

La Cour de justice de l'Union européenne prône une conception plus restrictive « seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel, dans l'unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d'un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible » (CJUE, 14 février 2019, C-630/17, point 89).

 

Je finirai cette introduction en soulignant que l’entrée du non-professionnel en droit de la consommation s’est faite progressivement et ses droits ont évolué dans le temps.

 

Ne perdez donc pas de vue que selon l’époque à laquelle vous vous situez, le non-professionnel n’aura pas les mêmes droits. Il est donc important de vérifier, à chaque fois, le droit applicable à votre cas.

 

II – LES REGLES PROTECTRICES APPLICABLES AUX NON-PROFESSIONNELS

 

L’intérêt principal est le suivant : le non-professionnel pourra revendiquer, à l’instar du consommateur, les dispositions protectrices du code de la consommation. Oui ; mais pas toutes.

 

Au jour de la publication du présent article, en décembre 2023, j’ai dénombré 8 thématiques applicables au non-professionnel :

1.Les pratiques commerciales trompeuses

2.La présentation des contrats et l’information précontractuelle

3.Les clauses abusives

4.La reconduction des contrats de prestations de services

5.Les contrats conclus hors établissement

6.Les contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié

7.Les contrats de service de communication électronique

8.Les services accessibles par l’intermédiaire des opérateurs de communication électronique (les numéros spéciaux)

 

Je ne souhaite pas entrer dans le détail de chacune de ces notions mais les définir pour que vous puissiez avoir un aperçu de leur utilité.

Pour chaque notion, je cite l’article du code de la consommation qui étend la protection au non-professionnel mais compte tenu des modifications législatives constantes, il est très probable que l’article cité se trouve modifié par la suite. Je vous invite donc à vérifier avant de citer l’article.

 

2.1 Les pratiques commerciales trompeuses


 

L’article L.121-5 code de la consommation étend au non-professionnel le régime des pratiques commerciales trompeuses.

 

  • Qu’est-ce qu’une pratique commerciale trompeuse ?

Ce serait rébarbatif de vous citer le code de la consommation que vous pouvez facilement consulter sur internet ; ayez donc à l’esprit qu’une pratique commerciale trompeuse est une pratique déloyale, fondée sur la mauvaise foi, qui est contraire à la diligence professionnelle.

Pour notre grand bonheur de simplification, l’article L. 121-4 liste toutes les pratiques qui sont réputées trompeuses ; je n’en cite que quelques-unes :

  • se prétendre signataire d'un code de conduite ou d’un certificat alors que cela n’est pas vrai ;
  • déclarer faussement que le bien sera disponible que pendant une certaine période ;
  • diffuser des faux avis ou de fausses recommandations de consommateurs.

Si une pratique n’est pas énumérée à l’article précité, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas trompeuse. Elle pourra l’être mais il faudra alors démontrer, prouver son caractère trompeur

 

  • Quelle est la sanction ?

Il s’agit d’un délit puni de 2 ans d’emprisonnement et d'une amende et dans certains cas, la pratique trompeuse permettra d’obtenir l’annulation du contrat lorsque par exemple votre consentement a été vicié.

 

2.2 La présentation des contrats


 

L’article L. 211-4 du code de la consommation affirme que le chapitre relatif à la présentation des contrats est applicable aux non-professionnels.

 

Ce chapitre porte sur la forme des contrats proposés par les professionnels qui sont généralement des contrats-type appelés aussi « contrats d’adhésion » et pour lesquels vous ne négociez pas les clauses mais vous adhérer à un contrat déjà préparé qui est le même pour tous.

 

Le code de la consommation pose le principe suivant : les contrats proposés par les professionnels doivent être clairs. S’ils ne le sont pas, s’il existe un doute dans l’interprétation alors le contrat doit s’interpréter dans le sens le plus favorable aux consommateurs ou non-professionnels.

 

Les contrats doivent donc être suffisamment clairs et précis ; encore heureux.

 

2.3 Les clauses abusives de l’article L 212-1 du code de la consommation


 

L’article L.212-2 étend aux non-professionnels la législation sur les clauses abusives.

 

  • Qu’est-ce qu’une clause abusive ?

 

Est abusive la clause qui déséquilibre le contrat.

 

L’idée est que le professionnel, en raison de sa position de force dans le rapport contractuel, a fait signer au non-professionnel un contrat qui contient des clauses qui font peser sur le non-professionnel des obligations disproportionnées au regard de celles du professionnel.

 

Le code de la consommation liste les clauses qui sont présumées abusives c’est-à-dire les clauses pour lesquelles, il revient au professionnel de prouver qu’elles ne sont pas abusives s’il veut éviter toute condamnation.

Par exemple, la clause qui reconnaît au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

 

Le code créée une catégorie de clauses qui sont IRREFRAGABLEMENT abusives c’est-à-dire des clauses dont il n’est pas possible de prouver qu’elles sont régulières. Ces clauses sont donc nécessairement illicites et entraînent nécessairement la condamnation du professionnel.

Par exemple la clause qui restreint l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses propres préposés ou mandataires.

 

Une clause peut être abusive même si elle n’est pas mentionnée au code de la consommation mais dans ce cas, il vous reviendra de faire la preuve de son caractère abusif.

Pour aller plus loin, je vous invite à visiter le site de la commission des clauses abusives. http://www.clauses-abusives.fr/

 

  • Quelle est La sanction ?

Les clauses abusives sont illicites et peuvent être déclarées nulles.

 

2.4 La reconduction des contrats de prestations de services


 

L’article L.215-3 du code de la consommation étend aux non-professionnels la législation sur la reconduction tacite des contrats.

 

  • De quoi s’agit-il ?

Dans le cadre des contrats conclu pour une durée déterminée, il existe généralement une clause prévoyant la reconduction tacite du contrat à l’échéance de celui-ci.

Afin de permettre au consommateur ou non-professionnel de se libérer du contrat et de ne pas subir une reconduction automatique, il est prévu une procédure particulière à la charge du professionnel :

Le professionnel doit adresser, avant la reconduction tacite, un courrier informant que le contrat va être reconduit et qu’il est possible de s’opposer à la reconduction.

 

  • Quelle est la sanction ?

Dans le cas où le professionnel n’adresserait pas ce courrier, le consommateur ou non-professionnel pourra résilier le contrat à tout moment après la reconduction tacite.

 

2.5 Les contrats conclus hors établissement


 

Les contrats conclus hors établissement bénéficient de mesures protectrices dont certaines sont reconnues au non-professionnel. L’article L. 221-3 précise toutefois que seuls sont concernés les non-professionnels employant au plus 5 salariés.

 

  • Qu’est-ce qu’un contrat conclu hors établissement ?

Le contrat conclu hors établissement est celui qui est conclu dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce habituellement ses activités.

Ce contrat ne doit pas être confondu avec les contrats conclus à distance. Retenez que la plupart des contrats conclus par le biais de sites Internet sont des contrats conclus à distance qui échappent à ce qui va être développé plus bas.

 

  • L’obligation précontractuelle d’informations

Le professionnel doit fournir un exemplaire écrit du contrat conclu hors établissement. Cet exemplaire doit contenir toutes les informations précontractuelles prévues au code de la consommation.

Une information précontractuelle est une information qui doit être donnée aux consommateurs ou non-professionnels avant la signature de tout contrat définitif.

Voici les principales informations précontractuelles :

  • les caractéristiques essentielles du bien ou du service,
  • le prix et le délai de livraison ou d’exécution,
  • l’existence du droit de rétractation ainsi que les conditions et les modalités d’exercice de ce droit.

 

  • Le droit de rétractation

Le non-professionnel bénéficie du droit de rétractation dans les mêmes conditions que le consommateur. Le délai de rétractation est de 14 jours.

Attention ! Certains contrats (listés à l’article L.221-28 du code de la consommation) sont exclus du droit de rétractation.

Je rappelle également que le droit de rétractation n’existe que pour certains contrats dont les contrats conclus hors établissement applicables aux non-professionnels.

 

  • Quelle est la sanction ?

Le code prévoit la nullité du contrat si aucun écrit, mentionnant les informations précontractuelles, n’a été remis au consommateur ou non-professionnel.

Dans le cas particulier du droit de rétractation, la nullité n’est pas prévue. Si le professionnel n’a pas informé le consommateur ou le non-professionnel de l’existence de ce droit alors le droit est prorogé de 12 mois.

 

2.6 Les contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié


 

L’article L.224-24 du code de la consommation dispose que la réglementation des contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié est applicable aux non-professionnels.

 

  • Qu’est-ce qu’un contrat de gaz de pétrole liquéfié ?

Ce sont des contrats qui ont « pour objet la fourniture de gaz de pétrole liquéfié en vrac, la mise à disposition ou la vente de matériels de stockage de gaz de pétrole liquéfié en vrac d'un poids supérieur à 50 kilogrammes ou l'entretien de tels matériels. »

Le gaz de pétrole liquéfié vendu en vrac à usage domestique est principalement livré dans de petites citernes dont la taille varie entre 0,5 et 1,7 tonne.

 

  • Quelles sont les règles applicables ?

Pour ces contrats, le code de la consommation prévoit notamment que :

  • le contrat doit être écrit,
  • il doit comporter un certain nombre d’informations obligatoires dont : la quantité livrée, le prix, les conditions de reconduction, les conditions de la responsabilité,
  • le contrat ne peut excéder une durée de 5 ans.

Pour approfondir, je vous invite à lire la recommandation n°14-01 sur les contrats de fourniture de gaz et d’électricité de la commission des clauses abusives. http://www.clauses-abusives.fr/recommandation/contrats-de-fourniture-de-gaz-et-delectricite/

 

2.7 Les contrats de service de communication électronique


 

Cette section a été remaniée après une modification législative qui a introduit des définitions issues du droit européen. Dorénavant, l’article 224-26-2 étend aux micros entreprises, aux petites entreprises et aux organismes sans but lucratif certaines dispositions applicables aux consommateurs.

[Antérieurement, c’était l’article L.224-42 du code de la consommation qui élargissait aux non-professionnels les dispositions applicables aux consommateurs].

 

  • Qu’est-ce qu’un service de communication électronique ?

Il s’agit de prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques c’est-à-dire des services fournis via des réseaux de communications électroniques.

Constituent par exemple des services de communications électroniques :

  • Les services d’accès à internet, à la téléphonie fixe ou mobile,
  • Les services de communications interpersonnelles tels que Skype, WhatsApp.

 

  • Quelles sont les obligations à la charge du professionnel ?

Il existe des obligations applicables à tout cocontractant qu’il soit consommateur, non-professionnel, grande ou petite entreprise, avec ou sans but lucratif comme par exemple :

tout projet de modification du contrat doit être assorti de l’information selon laquelle le cocontractant peut résilier le contrat jusqu’à 4 mois après l’entrée en vigueur de la modification.

 

Il existe également des obligations uniquement à l’égard des consommateurs, des petites entreprises et des organismes à but non lucratif intervenant comme utilisateur final.

 

  • Quelles est la sanction ?

En cas de violation, des dommages et intérêts peuvent demandés ; le code de la consommation prévoit, lui, aussi des amendes.

 

2.8Les services à valeur ajoutée (numéros spéciaux)


 

L’article L 224-55 du code de la consommation prévoit que le régime des services à valeur ajoutée est applicable au non-professionnel.

 

  • De quoi s’agit-il ?

Des professionnels peuvent exploiter, par l’intermédiaire des opérateurs de communication électronique, des numéros à valeur ajoutée dit encore « numéros spéciaux » qui permettent aux consommateurs d’accéder à un service d’une activité d’un professionnel.

Pour ce service, le législateur a prévu un certain nombre d’obligations dont la mise à disposition d’un outil gratuit permettant d’identifier le nom du produit et du fournisseur ainsi qu’un dispositif permettant de signaler les anomalies.

 

  • Quelles est la sanction ?

En cas de violation, des dommages et intérêts peuvent demandés ; le code de la consommation prévoit, lui, des amendes.

 


 

La présente fiche pratique a pour vocation de vulgariser le droit ; elle est rédigée en des termes généraux qui ne constituent pas une consultation personnelle.

 

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