FICHE PRATIQUE :

QUAND faire jouer la garantie légale de conformité ? ATTENTION AU DELAI DE 2 ANS !

 

Très souvent vous venez me consulter en dernier espoir quand vous avez déjà tenté un règlement amiable qui n’a pas abouti. Et souvent quand je vous reçois, le délai de deux ans de l’action en garantie légale de conformité est passé …. Vous êtes prescrit !

 

J’ai alors décidé de vous mettre en garde par la présente fiche pratique qui a pour objet de vulgariser le droit et qui ne vaut pas une consultation juridique sur votre situation personnelle.

 

Plan :

I – Les contrats et défauts couverts par la garantie légale de conformité

II – Le contenu de la garantie

III – Les preuves à fournir

IV – Le délai de prescription de deux ans

V – Que faire si la prescription est acquise ?

VI – Pour aller plus loin

 

I – LES CONTRATS ET LES DEFAUTS COUVERTS PAR LA GARANTIE LEGALE DE CONFORMITE

 

  • Les défauts couverts par la garantie légale

 

En droit de la consommation, la garantie légale de conformité a une portée très large. Elle s’applique à chaque fois que le bien acheté ne correspond pas à son usage habituel ou qu’il ne correspond pas à ce que le vendeur vous a décrit ou à ce qui est stipulé au contrat de vente ; le bien présente des défauts.

 

Il s’agit de tout type de défauts : la couleur n’est pas la bonne, une option est manquante, la bouilloire électrique ne chauffe pas ou pas assez bien, le cuir d’une veste se dégrade de manière anormale etc.

Il a même été jugé que la maladie d’un animal (qui était censé être vacciné) est une non-conformité.

 

En résumé, les défauts peuvent provenir :

  • du bien lui-même, de sa composition, sa couleur, son utilité etc.,
  • de son emballage,
  • des instructions de montage,
  • de l'installation réalisée par le vendeur ou sous sa responsabilité.

 

Peu importe que le bien ait été acheté ou moyen d’un crédit à la consommation, qu’il soit d’occasion ou en pièces détachées.

 

Attention toutefois pour les meubles à monter soi-même ou meubles en kit, la garantie s’applique à chaque élément du meuble, pris indépendamment ; elle ne s’applique pas au meuble une fois monté sauf si le défaut provient des instructions de montage.

 

  • Les défauts et les contrats non couverts par la garantie légale

 

Certains biens échappent à la garantie légale de conformité.

 

Sur internet, vous trouverez aisément la maigre liste de ces exceptions (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11094) ; pour simplifier souvenez-vous que les immeubles et la plupart des biens « immatériels » du genre : argent, électricité, droits d’auteur, ne bénéficient pas de la garantie).

 

Je rappelle également que le droit de la consommation ne s’applique qu’entre professionnels et consommateurs et que dès lors, la vente conclue entre deux consommateurs ou deux professionnels est exclue !

 

Attention ! Vous n’avez le droit à la garantie légale si vous connaissiez le défaut lors de l’achat (ce sera toutefois au professionnel de prouver cette connaissance) ou si le défaut provient des matériaux que vous avez-vous-même fournis (comme par exemple une vis défectueuse).

 

II – LE CONTENU DE LA GARANTIE LEGALE DE CONFORMITE

 

En vertu de l’article L.217-9 du code de la consommation, le consommateur a le choix entre la réparation et le remplacement du bien.

 

En pratique, le consommateur devra informer le professionnel du défaut qu’il a constaté et lui demander de le réparer ou de le remplacer.

 

Conseil pratique : vous adresserez votre réclamation en recommandé avec accusé de réception ou tout au moins par un écrit dont vous pourrez prouver qu’il a été expédié au professionnel.

 

Attention ! Il n’y a pas à ce stade de droit à obtenir le remboursement. Il est donc inutile de le demander ; vous risquez d’essuyer un refus qui serait justifié.

 

Le remboursement total ou partiel ne sera en effet possible que si :

  • la réparation ou le remplacement est impossible,
  • la réparation ou le remplacement ne peut pas être réalisé par le professionnel dans le délai d’un mois suivant la date de votre réclamation,
  • la réparation ou le remplacement engendrerait un inconvénient majeur pour le consommateur.

 

Le code de la consommation vous permet d’opter entre :

- la conservation du bien et le remboursement partiel,

- la restitution du bien et le remboursement intégral.

 

Et dans tous les cas, s’il a résulté un préjudice particulier, vous pouvez solliciter, en sus, des dommages et intérêts.

 

III – LES PREUVES A FOURNIR POUR BENEFICIER DE LA GARANTIE LEGALE DE CONFORMITE

 

Le code de la consommation dispose que lorsque le défaut se révèle dans un délai de deux ans à compter de la livraison du bien, ce défaut est présumé avoir existé « lors de la livraison » c’est-à-dire que le défaut est antérieur à la livraison.

 

Concrètement, cela signifie que pour bénéficier de la garantie, vous avez seulement à apporter la preuve de l’existence d’un défaut, preuve qui peut être fournie par tout moyen (photographies, échanges de mails, procès-verbal d’huissier de justice etc.)

 

Si le défaut se révèle après un délai de 2 ans à compter de la livraison, la présomption n’existe plus et vous aurez à prouver non seulement la réalité du défaut mais également le fait que ce défaut existait avant la livraison, ce qui peut être beaucoup plus difficile à prouver.

 

Conseil pratique : dès l’apparition du défaut, pensez à vous constituer une preuve de la date à laquelle il est apparu !

 

[Je ferai prochainement une fiche pratique sur les moyens de preuve.]

 

Dans votre réclamation (en lettre recommandée avec AR), vous y joindrez une preuve de l’achat (facture, bon de commande) ainsi que la preuve de l’existence du défaut et, si possible, de la date de son apparition.

 

IV – Le délai de prescription de deux ans

 

Nous en arrivons au point le plus important.

 

L’action en garantie légale de conformité se prescrit par deux ans à compter de la date de livraison du bien c’est-à-dire à compter de la date où vous avez pris possession du bien.

 

Si vous avez lu ma fiche pratique sur la prescription de l’exécution des décisions de justice, vous savez maintenant que ce délai peut être interrompu ou suspendu.

 

Reste que le délai de deux ans peut être extrêmement bref si le défaut se révèle au bout de plusieurs mois.

 

Ainsi par exemple, si vous avez acheté une cuisine qui a été installée à votre domicile en juillet 2015 mais qu’un défaut ne s’est révélé qu’en février 2017 … il ne vous reste plus que 5 mois avant la fin de la prescription.

 

Concrètement, il ne vous reste plus que 5 mois pour engager une action judiciaire ou suspendre la prescription par une tentative de médiation par exemple.

 

Et malheureusement dans la plupart des affaires que je reçois, le règlement amiable que vous avez tenté est un règlement en lien direct avec le professionnel, ce qui n’interrompt pas la prescription…

 

Conseil pratique : lorsqu’une non-conformité est révélée, vous adressez votre réclamation au vendeur comme il a été dit ci-dessus.

 

Et tant que vous n’avez pas reçu, par un écrit émanant du vendeur, une réponse favorable, je vous conseille de surveiller de près le délai de prescription et au besoin de saisir le médiateur ou les tribunaux pour en arrêter le court.

 

Attention ! Il existe souvent une confusion entre le délai de prescription et la présomption de l’antériorité du défaut.

 

La livraison est le point de départ de deux délais de même durée : le délai de la prescription et le délai de la présomption d’antériorité du défaut.

 

La prescription peut être interrompue ou suspendue ce qui revient au final à allonger le délai de la garantie légale de conformité.

 

La présomption, elle, ne peut être ni interrompue ni suspendue.

 

Il est donc possible que vous vous retrouviez dans une situation où le délai de deux ans est dépassé que vous ne bénéficiez donc plus de la présomption d’antériorité mais que pour autant vous n’êtes pas prescrit car la prescription a été suspendue ou interrompue. Dans cette hypothèse, ce sera à vous de prouver que le défaut existait lors de la livraison pour pouvoir bénéficier de la garantie.

 

V– QUE FAIRE SI LA PRESCRIPTION EST ACQUISE ?

 

Si la prescription est acquise, vous pouvez peut-être encore prétendre à la garantie des vices cachés ou à une garantie commerciale.

 

En effet, outre la garantie légale de conformité du droit de la consommation, le droit civil prévoit une autre garantie : celle des vices cachés.

 

Attention ! Le code civil oblige le vendeur à livrer un bien conforme (article 1604 du code civil) mais cette obligation (dite « obligation de délivrance ») n’est pas applicable aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs.

En tant que consommateur, vous ne dépendez que de la garantie légale de conformité du code de la consommation et vous ne pouvez pas invoquer l’obligation de délivrance du code civil qui de toute façon est moins protectrice pour l’acheteur.

 

Si donc le défaut est un vice caché vous pourrez éventuellement bénéficier de la garantie des vices cachés issu de l’article 1641du droit civil. Je vous renvoie à ma fiche pratique sur les vices cachés.

 

Il également possible que vous ayez adhéré à une garantie commerciale qui a le même objet que la garantie de conformité.

 

Dans ce cas, vous vous conformerez à ce que prévoient les stipulations de cette garantie commerciale tant en ce qui concerne la forme de la réclamation que les délais et les défauts pris en charge.

 

VI – POUR ALLER PLUS LOIN

 

  • La directive 2019/771 du Parlement Européen en vigueur au 1er janvier 2022

(https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2019.136.01.0028.01.FRA&toc=OJ:L:2019:136:FULL)

 

Par cette directive, le Parlement Européen poursuit son objectif affiché depuis des années « d’un niveau élevé de protection des consommateurs » mais il se place, cette fois, dans la création d’un véritable marché européen du numérique et d’une plus grande durabilité des biens.

 

J’ai dénombré de nouveaux changements à venir en particulier :

 

1 – une extension de la garantie de conformité au contenu et au service numérique d’un bien si ce contenu et ces services sont nécessaires au bon fonctionnement du bien (cf article 2 point 5 b de la directive).

 

Il peut s’agir aussi bien d’un service numérique préinstallé que d’un service numérique à télécharger, il est seulement exigé que le service numérique soit nécessaire pour que le bien puisse remplir toutes ses fonctions comme par exemple les mises à jour d’un ordinateur ou d’une montre connectée.

 

2- un droit de suspension du paiement : le consommateur aura le droit de suspendre le paiement du solde du prix ou d’une partie du prix jusqu’à ce que le vendeur ait satisfait à ses obligations (article 13 point 6 de la Directive). Ce sera une sorte de moyen de pression.

 

3-  la directive rappelle que le vendeur doit prendre en charge les frais d’enlèvement et d’installation du bien défectueux.

Concrètement, l’obligation de réparer ou de remplacer inclut l’enlèvement du bien défectueux ainsi que l’installation du bien de remplacement ou du bien réparé ou encore la prise en charge de tous les frais.

 

4- la directive ajoute : « le consommateur n’est pas tenu de payer pour l’utilisation normale qu’il a faite des biens remplacés pendant la période antérieure à leur remplacement » (article 14 point 4).

Autrement dit, le consommateur n’est pas tenu de payer pour l’utilisation normale d’un bien défectueux.

 

5- La directive précise qu’il revient à la législation de chaque Etat membre de déterminer quelle sera la personne responsable à l’égard du consommateur dans le cadre des chaînes de contrats (article 18).

 

Une chaîne de contrats est composée de contrats successifs portant sur une chose qui se transmet au fur et à mesure de ces contrats.

 

Par exemple, dans le cadre de la vente d’un véhicule : le véhicule est vendu par le fournisseur à un concessionnaire automobile puis dans un autre contrat, le même véhicule est revendu par le concessionnaire à un consommateur qui achète la voiture.

 

Pour ces chaines de contrats, la cour de cassation a rendu, récemment, une décision dont je souhaite vous dire quelques mots.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037077969&fastReqId=372273124&fastPos=1

 

A l’origine de l’affaire, les époux X ont acheté un véhicule de la marque Hyundai chez un concessionnaire membre du réseau de distribution de Hyundai-France.

 

La voiture tombe en panne et les époux X invoquent la garantie légale de conformité pour obtenir le remboursement de frais de remorquage et de réparation. Jusqu’à là, rien de très extravagant.

 

Cependant, les époux décident de compliquer un peu les choses et assignent en justice non pas le concessionnaire (le vendeur) mais l’importateur de la marque (Hyundai-France) qui est le fournisseur du vendeur.

 

Vous remarquez qu’il n’existe aucun contrat entre les époux et l’importateur, le seul lien étant la voiture que l’importateur avait acheté au fabricant coréen et revendu au concessionnaire qui l’a vendu, à son tour, aux époux X.

 

L’action des époux à l’encontre de l’importateur Hyundai-France est appelée une « action directe ».

 

Bien, me direz-vous, mais encore …

 

Le problème est le suivant : la garantie légale de conformité n’existe pas entre professionnels (vous le savez bien sûr puisque vous avez lu cette fiche pratique depuis le début). Aussi, dans le contrat de vente entre Hyundai-France et le concessionnaire, il n’y avait pas de garantie légale de conformité.

 

Dans ce cas, est-il possible d’accorder aux époux une action à l’encontre de l’importateur sur le fondement de cette garantie ?

 

La réponse de la Cour de Cassation est NON !

 

Et cela est tout à fait normal à mon sens : la garantie légale de conformité est une garantie particulière, « dérogatoire » qui n’est accordée que dans les seules ventes conclues entre  consommateurs et professionnels. D’ailleurs, le droit de la consommation ne s’applique qu’aux relations entre professionnels et consommateurs.

 

Si les époux X décidaient aujourd’hui de vendre le véhicule à d’autres consommateurs, ces derniers ne bénéficieraient pas de la garantie légale de conformité à l’encontre des époux X puisque la vente aura été conclue entre consommateurs … mais ils pourraient agir à l’encontre du concessionnaire … car le concessionnaire était tenu d’une garantie légale de conformité à l’égard des époux X.

 

La directive du Parlement Européen arrive donc à point nommé en ce qu’elle devrait obliger les Etats membres à déterminer, dans le cadre d’une chaîne de contrats, les personnes contre lesquelles le consommateur pourra exercer un recours.

 

En attendant, je vous conseille de ne pas faire comme les époux X mais de tenir pour principal débiteur de la garantie légale de conformité votre vendeur (qui doit être un professionnel).