Voilà un problème que l'on rencontre fréquemment en pratique : "je souhaite faire un procès à une société mais je m'aperçois que cette celle-ci est radiée du registre du Registre du commerce et des sociétés (RCS) suite à une dissolution ; est-il quand même possible de l'assigner en justice ?". Cette question se pose très souvent, mais pas exclusivement, loin de là, aux salariés qui souhaitent faire un procès à leur ancien employeur mais qui s'aperçoivent que la société qui les embauchait est radiée du RCS.

Normalement, une telle situation ne devrait pas se produire car la clôture de la liquidation d'une société ne doit en aucun cas être prononcée s'il subsiste des droits et obligations à caractère social (par exemple, si la société a encore des dettes ou des créances, si un bien social n'a pas été vendu ou si des procès sont en cours). Mais, la réalité révèle que des clôtures prématurées sont décidées alors qu'elles n'auraient pas dû l'être. 
 

Il reste que pour pouvoir être partie à un procès, une société doit avoir la personnalité morale. A défaut, elle ne peut ni introduire une action en justice ni être assignée. Lorsqu'une société est dissoute, elle conserve sa personnalité morale jusqu'à lapublication de la clôture de la liquidation pour les sociétés civiles (article 1844-8, alinéa 3, du Code civil) ou jusqu'à la clôture de la liquidation pour les sociétés commerciales (article L. 237, alinéa 2, du Code de commerce).

La jurisprudence, toutefois, et à juste titre, n'applique pas ces textes. Elle décide en effet de façon constante que la société conserve sa personnalité morale, même après la clôture de la liquidation, tant qu'elle a des créances ou des dettes (Par exemple : Cour de cassation, 3ème chambre civile, 31 mai 2000, Bull. civ., III, n° 120, page 80 ; Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 novembre 2003, N° de pourvoi: 99-21076, consultable sur Légifrance ; Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 avril 2010, N° de pourvoi: 09-14671, consultable sur Légifrance). Ainsi, il est parfaitement possible de faire un procès à une société dissoute, dont la clôture de la liquidation a été publiée et qui a été radiée du RCS. De même, cette société peut, si elle est créancière, faire un procès à son débiteur. Deux cas de figure peuvent donc se présenter : la société radiée du RCS est débitrice (A) ; la société radiée du RCS est créancière (B).

A/ La société radiée du RCS est débitrice

Il est hélas fréquent en pratique que la clôture de la liquidation et par suite la radiation du RCS d'une société intervienne alors que certains créanciers sociaux n'ont pas été payés ou que des procès sont en cours. Le cas se présente souvent dans les litiges entre employeurs et salariés. Lorsque le salarié souhaite intenter un procès à son employeur, il s'aperçoit que la société "n'existe plus" pour avoir fait l'objet d'une dissolution suivie d'une clôture de sa liquidation et d'une radiation du RCS. Le salarié peut-il encore faire un procès à son ancien employeur ? La réponse est oui. La société ayant encore des dettes, la jurisprudence, n'hésitant pas à violer la loi, à juste titre d'ailleurs, en tire cette conséquence que la société conserve sa personnalité morale. Un procès peut donc lui être intenté. La difficulté pratique à laquelle se heurte alors le créancier est la suivante : la société n'a plus aucun représentant légal.

En effet, les dirigeants de la société (gérant de la SARL, Directeur général de la société anonyme, Président de la société par actions simplifiée, etc...) perdent leur pouvoir de représentation à compter de la dissolution (Cour de Cassation, Chambre commerciale, 26 novembre 2013, N° de pourvoi: 12-26316, consultable sur Légifrance) et ils sont remplacés par le liquidateur. Ce dernier perd ses pouvoirs à compter de la clôture de la liquidation (Par exemple : Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 janvier 2000, N° de pourvoi : 97-19021, consultable sur Légifrance ; Cour de cassation, Chambre commerciale, 6 septembre 2011, N° de pourvoi : 10-24601, consultable sur Légifrance). Dès lors, à partir de ce dernier événement, la société n'a plus aucun représentant légal.

Or, il faut bien que l'assignation ou la convocation en justice soit remise à quelqu'un. Qui va donc représenter la société radiée au procès ? La jurisprudence résout cette difficulté en permettant à tout intéressé de demander au président du tribunal compétent la désignation d'un "mandataire ad'hoc" chargé de représenter la société devant les tribunaux (Par exemple : Cour de cassation, 3ème chambre civile, 31 mai 2000, Bull. civ., III, n° 120, page 80).

Ainsi, le créancier doit commencer par présenter une demande au président de ce tribunal (président du tribunal de commerce pour les sociétés commerciales, président du tribunal de grande instance pour les sociétés civiles) aux fins de désignation d'un mandataire ad'hoc chargé de représenter la société au procès et plus généralement d'achever la procédure de liquidation. Une fois ce mandataire désigné, l'assignation ou la convocation en justice lui sera adressée ès-qualité de mandataire ad'hoc de la société.

B/ La société radiée du RCS est créancière

Si la société radiée du RCS est créancière, elle peut toujours faire un procès à son débiteur. En pratique ce sera souvent un ancien associé qui souhaitera agir. Pour cela, il devra suivre la procédure indiquée précédemment : demander la désignation d'un mandataire ad'hoc (il peut demander à se faire désigner lui-même mandataire ad'hoc). Le mandataire, une fois désigné, pourra alors intenter un procès au nom de la société qu'il représente.

N.B. Les développements qui précèdent ne concernent ni le cas d'une société unipersonnelle (EURL ou SASU par exemple) dont l'associé unique est une personne morale ni celui d'une société dissoute par suite de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

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