Ce mois-ci, beaucoup de décisions intéressantes de la Cour de cassation et de cours d’appel.

Bonne lecture.

Jurisprudence 

Bail d’habitation : surendettement du locataire et demande en paiement d’une provision sur loyer

Par arrêt du 25 octobre 2018 (CA Versailles, JurisData n°2018-019341), la cour d’appel de Versailles a estimé que la demande du bailleur, faite en référé, afin de condamnation en paiement de sommes provisionnelles au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés se heurte à une contestation sérieuse tirée de la décision de recevabilité de la commission de surendettement.

A noter que, depuis la loi ELAN, l’article L.722-5 du code de la consommation autorise le locataire, à compter du 1er mars 2019, à régler ses dettes locatives, en dérogation à l’interdiction générale de payer toute dette autre qu’alimentaire, lorsqu’une décision judiciaire a accordé des délais de paiement audit locataire.

Bail d’habitation : incidence de l’annulation d’un arrêté d’encadrement sur le complément de loyer

Par arrêt du 27 novembre 2018 (CA Paris, 4ème ch., RG n°16/25873, JurisData n°2018-021720), la cour d’appel de Paris a jugé que l’annulation d’un arrêté d’encadrement des loyers a un effet rétroactif, de sorte qu’il n’existait pas de loyer réglementé pour apprécier le caractère justifié ou non du complément de loyer stipulé dans un bail conclu le 2 novembre 2015. En l’absence d’arrêté fixant le prix du loyer de référence, c’est la convention des parties qui doit trouver application et le complément de loyer est dû par le preneur.

Bail d’habitation : nullité d’un congé pour vendre pour prix excessif

Par arrêt du 30 octobre 2018 (CA Paris, 4ème ch., RG n°16/18236, JurisData n°2018-019322), la cour d’appel de Paris a annulé un congé pour vendre car le prix fixé était excessif. En effet, si l’intention spéculative n’est pas en elle-même critiquable, le prix offert ne doit pas atteindre une proportion telle qu’il ne peut que traduire la volonté du bailleur d’empêcher le locataire d’exercer un droit légal de préemption.

En l’espèce, le prix mentionné dans le congé était de 1.153.600 euros alors que le locataire produisait deux estimations faites par des agents immobiliers évaluant l’appartement en cause entre 750.000 et 870.000 euros.

Convention d’occupation précaire : domaine d’application

Par arrêt du 25 octobre 2018 (CA Aix-en-Provence, 11ème ch., JurisData n°2018-018676), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu qu’une convention d’occupation précaire était caractérisée, au moment de sa signature, par l’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties, à savoir l’obtention ou non d’un prêt bancaire au profit des futurs acquéreurs.

Bail commercial : dégradations/vandalisation d’une boutique et charge des travaux réparatoires

Par arrêt du 22 janvier 2019 (CA Nancy, 1re ch., RG n°17/03004), la cour d’appel de Nancy a jugé que, lorsque le bail commercial prévoit que le locataire aura entièrement à sa charge, sans aucun recours contre le bailleur, l’entretien complet de la devanture et des fermetures de la boutique, y compris toutes les réparations, grosses et menues et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture de la boutique, l’assureur du locataire doit prendre en charge les travaux de réparation des dégradations faites au rideau métallique et à la porte automatique du magasin ensuite d’un vol, sans recours contre le bailleur ou son assureur.

Bail commercial : prescription de l’action en requalification d’une convention de sous-location

Par arrêt du 17 janvier 2019 (CA Caen, 2ème ch., RG n°16/04399), la cour d’appel de Caen a confirmé que l’action tendant à l’application du statut des baux commerciaux à une convention de sous-location conclue entre les parties est une action en requalification qui se prescrit par deux ans à compter de la signature de l’acte.

Bail commercial : inopposabilité au bailleur de la cession du fonds de commerce

Par arrêt du 16 janvier 2019 (CA Paris, pôle 5, chambre 3, RG n°17/08946), la cour d’appel de Paris a retenu que, à défaut de respecter les conditions précisées au bail commercial concernant la cession du fonds de commerce, à savoir appeler le bailleur à l’acte de cession et être à jour du paiement de ses loyers, la cession du fonds de commerce et du droit au bail est inopposable aux bailleurs et seul le cédant demeure locataire.

Bail commercial : conditions d’exercice du droit de repentir du bailleur

Par arrêt du 7 novembre 2018 (CA Paris, pôle 3, chambre 3, RG n°17/03627, JurisData n°2018-019968), la cour d’appel de Paris a indiqué que le simple fait pour les preneurs de manifester leur souhait de quitter les locaux et d’indiquer qu’ils avaient amorcé un processus irréversible de départ ne suffisait pas à établir qu’il en était ainsi à la date d’exercice du droit de repentir du bailleur, puisqu’à part la résiliation d’un contrat, toutes les autres démarches étaient postérieures à l’exercice de ce droit de repentir.

Bail commercial : absence de pouvoir du juge des référés pour ordonner la résiliation du bail

Par arrêt du 20 décembre 2018 (3ème Civ., n°17-16.783, F-D, JurisData n°2018-), la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence selon laquelle il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’ordonner la résiliation d’un bail.

Vente : annulation du contrat et restitution du prix

Par arrêt du 6 février 2019 (1re Civ., n°17-25.859, FS-P+B), la Cour de cassation a jugé que, après annulation d’un contrat de vente, la remise des parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la vente est de plein droit mais que, en revanche, la restitution du prix n’est pas de plein droit et doit, par conséquent, faire l’objet d’une demande expresse des demandeurs à l’annulation, de même que la reprise de la chose vendue.

Vente : prescription de la garantie des vices cachés et prescription de droit commun

Par arrêt du 16 janvier 2019 (Com., n°17-21.477, F-P+B), la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence, contestée, selon laquelle la prescription spéciale afférente à la garantie des vices cachés ne supplante pas celle de droit commun.

Ainsi, la prescription de cinq ans du droit commun de l’article L.110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente, peut faire obstacle à l’action en garantie des vices cachés, qui se prescrit au terme d’un délai de deux ans à compter de la découverte du vice caché.

Rappelons que la prescription de cinq ans du droit commun civil (article 2224 du code civil) court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les fait lui permettant de l’exercer ».

Trouble anormal de voisinage : responsabilité de l’entreprise de travaux publics

Par arrêts du 8 novembre 2018 (3ème Civ., n°17-24.333 et 17-26.120, F-P+B), la Cour de cassation a jugé qu’en application du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, l’entreprise, y compris de travaux publics, est responsable de plein droit pour avoir exercé une activité en relation directe avec le trouble causé, nonobstant le fait que l’origine du dommage causé par un véhicule soit située sur le domaine public.

Ce faisant, la Cour suprême confirme sa jurisprudence de 2011 sur le voisin occasionnel et l’étend à l’entrepreneur de travaux publics.

Construction : assurance et activité déclarée

Par arrêt du 8 novembre 2018 (3ème Civ., n°17-24.488, F-P+B), la Cour de cassation a approuvé la décision d’une cour d’appel qui a déduit de la déclaration par l’assuré d’une activité d’«étanchéité sur supports horizontaux ou inclinés exclusivement par procédé Paralon », que l’assuré ne pouvait se prévaloir de la garantie de l’assureur pour avoir mis en œuvre un procédé d’étanchéité différent, peu important que les deux procédés eussent trait à l’étanchéité.

Construction : contrat d’architecte et clause d’exclusion de solidarité

Par arrêt du 14 février 2019, largement diffusé (3ème Civ., n°17-26.403, FS-P+B+I), la Cour de cassation a estimé que l’imprécision d’une clause d’un contrat d’architecte excluant la solidarité en cas de pluralité de responsables rendait nécessaire que cette clause s’applique également à la responsabilité in solidum.

Copropriété : travaux sur les parties communes effectués par des copropriétaires et responsabilité du syndicat

Par arrêt du 13 décembre 2018 (3ème Civ., n°16-16.065, F-D), la Cour de cassation a jugé que le syndicat des copropriétaires est responsable in solidum des dommages occasionnés à des tiers par des travaux réalisés par des copropriétaires sur des parties communes en violation des autorisations qui leur ont été accordées, l’origine des dommages étant un vice de construction des parties communes.

Copropriété : désignation par anticipation d’un administrateur judiciaire

Par arrêt du 20 décembre 2018, largement diffusé (3ème Civ., n°17-28.611, F-P+B+I), la Cour de cassation a précisé qu’une requête en désignation par anticipation d’un administrateur judiciaire peut être déposée sur le fondement de l’article 47 du décret du 17 mars 1967, dès lors qu’il existe un risque de vacance après expiration du mandat du syndic et que la prise de fonction de l’administrateur intervient bien après l’expiration du mandat du syndic.

Agent immobilier : informations erronées dans une annonce et responsabilité

Par arrêts du 8 novembre 2018 (CA Metz, RG n°15/03813 et 18/00638, JurisData n°2018-020105), la cour d’appel de Metz a retenu que, « en introduisant dans son annonce dont il était d’ailleurs l’exclusif rédacteur, deux informations erronées aussi fondamentales que la superficie et le type du logement, l’agent immobilier a manqué à son obligation de loyauté en sa qualité de professionnel » et a engagé sa responsabilité délictuelle envers le locataire.

Agent immobilier : vérification de la solvabilité du candidat locataire

Par arrêt du 8 novembre 2018 (CA Douai, 1re chambre, RG n°17/04614, JurisData n°2018-019513), la cour d’appel de Douai a jugé qu’en exécution de son mandat, l’agent immobilier est tenu de vérifier de manière sérieuse la solvabilité réelle du candidat locataire. En se limitant à demander la production des trois derniers bulletins de salaires et du dernier avis d’imposition, l’agent n’a pas vérifié cette solvabilité avec suffisamment de sérieux. En effet, il lui appartenait, à minima, d’exiger la communication des quittances de loyer du précédent bailleur, ce qui aurait révélé que le candidat preneur n’acquittait plus son loyer depuis plusieurs mois. La faute commise par l’agent a généré une perte de chance de contracter avec un locataire solvable, laquelle est évaluée à 90 % du montant des impayés.

Agent immobilier : clause pénale en cas de refus de signer du mandant

Par arrêt du 12 décembre 2018 (1re Civ., n°17-10.417, F-D), la Cour de cassation a énoncé que le refus du mandant de réaliser l’opération aux conditions convenues dans le mandat ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts en exécution d’une clause pénale, hormis s’il est établi que le mandant a conclu l’opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitiment prétendre ou si une clause du mandat autorise l’agent immobilier à engager le mandant pour l’opération envisagée.

Agent immobilier : application de la loi Hoguet entre professionnels

Par arrêt du 23 janvier 2019 (1re Civ., n°18-11677, FS-P+B), la Cour de cassation a jugé que la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, « n’établit aucune distinction en fonction de la profession du mandant » et a reproché aux juges d’appel de ne pas l’avoir appliquée aux relations entre deux agents immobiliers.

Agent immobilier : mandat de gestion locative et responsabilité

Par arrêt du 31 janvier 2019 (CA Lyon, 1re ch. A, RG n°17/00219), la cour d’appel de Lyon a estimé qu’un agent immobilier, chargé d’un mandat de gestion locative portant sur un local commercial, doit voir sa responsabilité engagée envers son mandant dès lors que, d’une part, il n’informe pas ce dernier du départ de son locataire, et d’autre part, qu’il reloue le local sans autorisation, lui faisant perdre la possibilité de le louer à un prix plus élevé.

Incendie entre immeubles voisins : non-application de la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage

Par arrêt du 7 février 2019 (2ème Civ., n°18-10.727, F-P+B), la Cour de cassation a rappelé que le régime de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage ne s’applique pas en cas de communication d’un incendie entre immeubles voisins, lequel est régi par les dispositions de l’article 1384 du code civil, devenu article 1242.

AFUL : modification des statuts

Par arrêt du 15 janvier 2019 (CA Paris, pôle 2, ch.1, RG n°18/04584, JurisData n°2019-001145), la cour d’appel de Paris a estimé qu’il ne peut être exigé, lors de la mise à jour des statuts d’une AFUL, la production des déclarations d’adhésion de chaque propriétaire inscrit dans le périmètre de l’AFUL.