CA GRENOBLE, 04 janvier 2024, RG n° 20/01873 *

Par cet arrêt, la Cour d'appel de GRENOBLE revient sur l’application de la présomption d’imputabilité en présence d’un malaise d'un salarié au temps et au lieu du travail, notamment afin de vérifier le lien de causalité entre ledit malaise et le travail.

En la matière, il convient de rappeler, en premier lieu, les dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Pour démontrer le lien entre un accident et le travail, la jurisprudence a établi l’existence d’une présomption pour tout accident survenu au temps et au lieu de travail. Autrement dit, l’accident est présumé en lien avec le travail dès lors qu’il est survenu pendant le temps de travail et sur le lieu de travail.

A titre d’illustration, tout malaise survenu au temps et au lieu du travail est présumé être en lien avec le travail (Cass. civ. 2ème, 29 mai 2019, n° 18-16.183 Cass. civ. 2ème, 9 septembre 2021, n° 19-25.418).

En application de la présomption d’imputabilité, il appartient alors à l’employeur, ou à la CPAM, de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.

Pour ce faire, une expertise médicale sur pièces peut être sollicitée par l’employeur sur le fondement de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale.

A cet effet, plusieurs juridictions du fond ont ordonné une telle expertise afin de vérifier le lien de causalité entre le maladie mortel et le travail en dépit de l’application de la présomption d’imputabilité (CA CAEN, 13 octobre 2022, RG n° 20/01021).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

En l’espèce, il était question d’un salarié, occupant un poste de conducteur routier, qui a malheureusement été victime d'un malaise mortel, le 26 janvier 2018, sur son lieu de travail.

Après enquête, la CPAM a reconnu l'origine professionnelle de ce décès. Contestant la décision de prise en charge, l'employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale.

Au stade de l'appel, la cour d'appel de Grenoble a, avant dire droit, ordonné une expertise médicale sur pièces.

Après avoir rappelé les textes précités, la Cour d'appel de GRENOBLE relève que le salarié est décédé sur son lieu de travail, pendant ses heures de travail et que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer. C'est donc bien sur l'employeur que pèse la charge de la preuve afin de renverser cette présomption.

Pour ce faire, l'employeur se fonde sur le rapport rendu par l'expert mandaté par la Cour qui écarte tout rôle causal du travail dans la survenue du décès. Or, pour celle-ci, ce rapport est insuffisant dans la mesure où l'expert n'indique pas ce qui lui permet d'écarter toute interaction entre l'accident du travail et les conditions de travail.

Par ailleurs, elle note qu'il indique que l'origine du décès est due à une myocardite, qui peut être d'origine virale. Cette dimension n'est par la suite absolument pas développée par l'expert afin de déterminer si la myocardite dont est décédé le salarié est exclusivement d'origine virale.

Aussi, la Cour d'appel de GRENOBLE estime que l'employeur ne rapporte pas la preuve que le décès du salarié a une cause totalement étrangère au travail et le déboute de son recours.

A la lecture de cet arrêt, on notera deux apports :

  1. D’une part, la nécessité de solliciter une mesure d’instruction dans ce type de dossier tout en mettant en parallèle cette décision avec celle rendue par la Cour de cassation indiquant que cette mise en œuvre est simplement facultative pour le juge (Cass. civ. 2ème, 11 janvier 2024, n° 22-15.939).
     
  2. D’autre part, une fois l’expertise obtenue, l’absolue nécessité de bien participer aux opérations d’expertise et de convaincre le médecin expert d’écrire sans aucun doute de l’existence d’une cause totalement étrangère. A défaut, la juridiction du fond pourra écarter le rapport à l’instar de la Cour d’appel de GRENOBLE.

    Ce deuxième point est, toutefois, difficile à obtenir en pratique, l’employeur ne disposant d’aucun élément médical et la CPAM se contentant d’adresser le strict minimum.

Maître Florent LABRUGERE

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/ 

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.