En matière de prise en charge des soins de santé pour une personne relevant du régime de droit commun, un principe prévaut en droit français : lorsque les soins sont dispensés hors de France aux assurés, aucune prise en charge n’intervient selon L. 160-7 du code de la sécurité sociale.

Toutefois, il est prévu certaines exceptions selon le pays où les soins sont prodigués et selon le type de soins.

Plus particulièrement, on évoquera ici les soins programmés en milieu hospitalier, autrement dit les personnes qui se déplacent dans un autre État dans le but d'y recevoir un traitement médical.

Il ne sera alors pas question des soins inopinés rendus nécessaire lors d’un accident survenu durant un séjour à l’étranger, par exemple lors de vacances. 

Dans l’hypothèse étudiée ici, deux situations doivent être envisagées :

  • Les soins sont prodigués dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou en Suisse ().
  • Les soins sont prodigués dans un autre Etat ().

1°/ Sur les soins programmés dans un Etat de l’UE, de l’EEE ou en Suisse

Le système mis en place au niveau européen est celui de l’autorisation préalable. Ainsi, si un assuré français veut subir une hospitalisation dans un Etat de l’UE, de l’EEE ou en Suisse, il doit, au préalable, obtenir l’autorisation de la CPAM.

Ce système d’autorisation est fixée à l’article R. 160-1 du code de la sécurité sociale. L’autorisation est ainsi obligatoire lorsque les soins :

  • Impliquent le séjour du patient concerné dans un établissement de soins pour au moins une nuit;

Ou

  •  Nécessitent le recours aux infrastructures ou aux équipements médicaux hautement spécialisés et coûteux, qui figurent sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé.

Ce système d’autorisation préalable est obligatoire. A titre d’illustration, n'ont pas à être remboursés par la CPAM les frais liés à une fécondation in vitro réalisée dans une clinique grecque au motif que les soins avaient été dispensés préalablement à la décision de refus de l'autorisation préalable, l’assurée n’ayant pas attendu la réponse de l’organisme de sécurité sociale (Cass. civ. 2ème, 16 novembre 2004, n° 03-17.089).


De même, la procédure nécessaire pour la prise en charge d'une affection de longue durée se distingue de la demande d'entente préalable telle que définie à l'article R. 160-2 en ce que la demande de protocole de soins ne permet pas de faire valoir des droits à des remboursements de soins programmés à l'étranger (CA BORDEAUX, 29 septembre 2022, RG n° 19/04207).

Il est donc indispensable de procéder à cette demande, à défaut de quoi, toute demande de remboursement ultérieure auprès de la CPAM sera nécessairement rejetée.

Pour ce faire, l’autorisation ne peut être refusée lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • La prise en charge des soins envisagés est prévue par la réglementation française ;
     
  • Ces soins sont appropriés à l'état de santé du patient ;
     
  • Un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité ne peut pas être obtenu en France dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de l'état de santé actuel du patient et de l'évolution probable de son affection.

    Tel est le cas, par exemple, d’une intervention chirurgicale réalisée en Belgique en vue de traiter une adénocarcinome de la prostate. Ainsi, après expertise, il a été constaté qu'un traitement identique ou présentant le même degré d'efficacité ne pouvait être obtenu en temps opportun en France, de sorte que l’assuré était bien-fondé à solliciter la prise en charge par la caisse de l'intervention chirurgicale réalisée en Belgique (CA NANCY, 15 mars 2022, RG n° 21/01162).

    En revanche, est justifié le refus de prise en charge d’une prostatectomie rétropubienne avec hospitalisation réalisée en Belgique dès lors qu’un traitement identique ou de même degré d'efficacité était disponible en France dans un délai opportun (CA AMIENS, 10 novembre 2022, RG n° 21/02377).

    Ces quelques exemples, non exhaustifs, sont des cas d’espèce et chaque demande de remboursement nécessite une analyse in concreto des pratiques médicales existantes au moment de ladite demande.

L'assuré adresse la demande d'autorisation à sa caisse de rattachement. La décision est prise par le contrôle médical. Celui-ci a deux semaines après la réception de la demande pour rendre sa décision. En l'absence de réponse à l'expiration de ce dernier délai, l'autorisation est réputée accordée.

A titre d’illustration, l’accord implicite prévaut lorsqu’une demande d’autorisation préalable a été reçue par la CPAM, le 01er avril 2014, et que son refus express est intervenu au-delà du délai de 15 jours précité. Sur ce point, la Cour d’appel de METZ a précisé que « le point de départ du délai de deux semaines dont dispose la caisse pour rendre sa décision se situant à la date de réception de cette demande par la caisse et non pas à la date à laquelle le service médical l'a reçue » (CA METZ, 21 juin 2018, RG n° 17/00307).

En revanche, dès lors que l'une des conditions de prise en charge de l'acte litigieux prévues par la réglementation française n'est pas remplie, aucune prise en charge implicite ne peut être invoquée (Cass. civ. 2ème, 18 février 2021, n° 19-15.367 : pour une fécondation in vitro avec don d'ovocytes qui est prise en charge par la CPAM que si l’assurée est âgée de moins de 43 ans).

Récemment, la Cour de cassation a précisé que cet accord implicite n’a lieu de s’appliquer qu'en cas de demande d'autorisation préalable de soins dits programmés et non inopinés (Cass. civ. 2ème, 22 septembre 2022, n° 21-11.320).

En cas de refus, une contestation peut être faite devant le Tribunal judiciaire et, le cas échéant, le recours à une expertise médicale.


2°/ Sur les soins programmés dans un autre Etat

Selon l’article R. 160-4 du code de la sécurité sociale, des conventions peuvent être conclues entre les organismes de sécurité sociale et certains établissements de soins à l'étranger. Celles-ci prévoient alors les conditions de séjour des intéressés dans lesdits établissements ainsi que les modalités de remboursement des soins dispensés.

En l’absence de convention, les CPAM peuvent, à titre exceptionnel, et après avis favorable du contrôle médical, procéder au remboursement forfaitaire des soins dispensés hors d'un Etat membre de l'UE ou partie à l'accord sur l'EEE ou la Suisse.

Dans ce dernier cas, l’assuré doit établir qu’il ne pouvait recevoir sur le territoire français les soins appropriés à son état.

Selon la jurisprudence, la prise en charge des soins dispensés à l'étranger ne constitue pour les organismes sociaux qu'une simple faculté et non une obligation. Ainsi, en cas de recours face à un refus, les juridictions contentieuses ne peuvent substituer leur appréciation à celle de la caisse (Cass. civ. 2ème, 23 janvier 2014, n° 12-25.986).

La Cour d’appel de VERSAILLES l’a rappelé concernant une demande de prise en charge d'une opération de vaginoplastie devant être pratiquée par un chirurgien de Bangkok (CA VERSAILLES, 24 juillet 2014, RG n° 13/01148).

Dans ce type de demande, il convient donc de démontrer l’impossibilité de recevoir en France des soins appropriés à son état au sens du texte précité.

Le Cabinet reste à votre disposition pour traiter toute difficulté en lien avec le présent sujet.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/


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