CA DIJON, 13 avril 2023, RG n° 21/00494 *

Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de DIJON est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement pour faute grave en raison de l’utilisation des nouvelles technologies par une salariée au temps et au lieu du travail.

Plus généralement, une telle situation consiste à devoir répondre à la question suivante :

Tout salarié a-t-il un devoir de se consacrer exclusivement à ses missions durant ses heures travail, hormis durant les temps de pause, ou si une certaine souplesse peut-elle être tolérée ?


D’un point de vue pratique, il apparait difficilement concevable de sanctionner, en toute circonstance, le simple fait d’avoir répondu à un unique appel privé durant son temps de travail.

D’un point de vue juridique, il convient de se reporter, avant tout, à l’article L. 1121-1 du code du travail qui dispose : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

A titre d’illustration, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942).

Comme le rappelle fort justement la Cour d’appel de DIJON, l'utilisation par un salarié de l'outil informatique de l'entreprise à des fins personnelles n'est pas en soi fautive, en l'absence d'abus de sa part (durée excessive ou volume important des documents stockés au détriment du temps de travail).

Ainsi, à l’instar de tout droit et liberté que chacun dispose, tout abus sera sanctionné.

Tel est le cas, par exemple, d’un salarié qui avait usé de la connexion Internet de l'entreprise, à des fins non professionnelles, pour une durée totale d'environ quarante et une heures durant un mois, ce qui justifie un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44.247 ; pour des faits similaires : Cass. soc., 26 février 2013, n° 11-27.372).

A cette fin, les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que ce dernier peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800).

Il en ira, de même, d’une clé USB connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur (Cass. soc., 12 février 2013, n° 11-28.649).

Au cas d’espèce, le 03 août 2015, une salariée a été engagée en qualité d'assistante polyvalente. Le 06 août 2019, elle a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave pour le motif précité.

Sur l’usage de l'outil informatique de l'entreprise à des fins personnelles, l’employeur avait procédé à une étude du disque dur de l'ordinateur mis à la disposition de sa salariée qui a fait apparaître la présence d'une trentaine de fichiers personnels sur une période de 8 mois.

Il en ressort, pour la Cour d’appel, l'équivalent de près de 1,2 fichiers personnels hebdomadaires, ce qui ne saurait constituer un usage abusif et l'employeur ne justifiait pas que cette utilisation à des fins personnelles de l'ordinateur a impacté le travail de la salariée qui ne s'est jamais vue formuler de reproches sur la qualité de son travail.

Sur l’usage du téléphone personnel au temps et au lieu du travail, la Cour d’appel de DIJON rappelle que l'employeur ne peut interdire d'une manière générale l'utilisation du téléphone personnel sur le lieu et pendant les horaires de travail, sauf abus.

Or, là encore, la Cour d’appel fait le même constat, l’employeur ne rapportant pas la preuve d’un abus de la part de sa salariée

Dès lors, elle juge le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
 

Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale

https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/


N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.