CA RENNES, 03 mai 2023, RG n° 22/01923 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de RENNES est amenée à apprécier la réparation du déficit fonctionnel permanent suite à la dernière jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation en matière de faute inexcusable.
Pour rappel, par un spectaculaire revirement de jurisprudence, celle-ci juge désormais que l’éventuelle rente attribuée au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cass. ass. plén., 20 janvier 2023, n° 21-23.947).
Compte tenu de ce revirement de jurisprudence, se pose maintenant la question devant les juridictions du fond de savoir comment indemniser ce nouveau préjudice dans le contentieux de la faute inexcusable ?
Telle était la question posée à la Cour d’appel de RENNES.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui avait été victime d’un accident du travail, le 25 juin 2014. Après plusieurs rebondissements judiciaires, la faute inexcusable de l’employeur avait été reconnue dans la survenance de l’accident.
A cet effet, une expertise médicale avait été ordonnée en vue de déterminer l’ensemble des préjudices de la salariée.
Or, sur ce point et compte tenu de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, la salariée sollicitait un complément d’expertise en vue de voir évaluer son déficit fonctionnel permanent.
En premier lieu, la Cour d’appel rappelle la définition du déficit fonctionnel permanent au sens de la nomenclature DINTILHAC.
Pour la Cour, ce poste de préjudice permet, pour la période postérieure à la consolidation, d'indemniser l'atteinte objective à l'intégrité physique et psychique, qui est représentée par un taux d'IPP fixé par la caisse mais également les douleurs physiques et psychologiques, ainsi que la perte de qualité de vie et les troubles ressentis dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Ainsi, pour la Cour, l'indemnisation de ce poste de préjudice suppose une consolidation, c'est-à-dire la persistance de séquelles non-susceptibles d'évolution en dépit des traitements et des soins et la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle.
Or, au cas d’espèce, elle relève que la salariée a été déclarée consolidée par la CPAM sans séquelle indemnisable.
Dès lors, pour la Cour, elle ne peut aujourd'hui formuler une demande d'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, de sorte que la juridiction rejette sa demande de complément d’expertise.
Cette position de la Cour d’appel de RENNES n’est pas partagée par toutes les juridictions du fond dans la mesure où les modalités de fixation du taux d’incapacité ouvrant droit à une rente peuvent diverger que celles fixées pour le DFP.
Ainsi, l’absence de taux d’IPP fixé par la CPAM ne peut pas nécessairement empêcher l’existence d’un DFP. Autrement dit, le taux attribué au titre du DFP peut différer du taux IPP attribué par la CPAM, à la hausse ou à la baisse.
Il conviendra d’attendre, sur ce point, des éclaircissements de la Cour de cassation quant à l’évaluation du DFP dans le contentieux faute inexcusable.
Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
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