CA COLMAR, 29 juin 2023, RG n° 20/02911 *
Par cet arrêt, dont l'infographie synthétique est téléchargeable, la Cour d'appel de COLMAR revient sur l’application de la présomption d’imputabilité des arrêts et soins des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
En la matière, la durée d’un arrêt de travail en lien avec un AT ou une MP va venir impacter le calcul du taux de cotisations AT/MP des employeurs. Autrement dit, plus un arrêt de travail est long, plus cela aura un impact financier pour les employeurs.
Ce pourquoi, en pratique, il est possible de contester devant les juridictions de sécurité sociale la durée des arrêts de travail prescrits à un salarié au titre de la législation sur les risques professionnels.
Si, hier, il était imposé à la CPAM de rapporter la preuve d’une continuité de soins et de symptômes afin de bénéficier de la présomption d’imputabilité (Cass. civ. 2ème, 15 février 2018, n° 17-11.231), les choses ont nettement évolué ces dernières années sous l’égide de la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
Désormais, par un attendu de principe rappelé à plusieurs reprises, cette chambre énonce que « la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire » (Cass. civ. 2ème, 10 novembre 2022, n° 21-10.955).
Autrement dit, la CPAM n’a pas à rapporter la preuve d’une continuité de soins et de symptômes dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit.
En l’espèce, il était question d’un salarié qui a déclaré auprès de la CPAM une maladie professionnelle au titre d'une tendinopathie chronique. Après instruction, celle-ci a pris en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Ultérieurement, l'employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale sur la question de l'opposabilité des lésions apparues à la suite de cette maladie.
Rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation, la Cour d’appel de COLMAR l’applique à la lettre. Aussi, en l’absence d’un arrêt de travail initial, pour la Cour, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation conditionne le bénéfice de la présomption d'imputabilité à la preuve, par l'organisme de sécurité sociale, de la continuité des symptômes et des soins.
Au cas présent, la CPAM affirmait que le salarié a bénéficié de soins durant toute la période, à savoir du 28 novembre 2018 au 3 avril 2020, et d'arrêts de travail entre le 5 juin 2019 et le 2 octobre 2019.
Or, la Cour d'appel de COLMAR note qu'aucun arrêt de travail initial n'a été prescrit au salarié, le certificat médical initial prescrivant seulement des soins sans arrêt. La charge de la preuve était alors inversée et la présomption d'imputabilité ne s'appliquant pas, il appartenait à la CPAM de rapporter la preuve d'une continuité de soins et de symptômes.
Cependant, là encore, la CPAM était défaillante. Aucun certificat médical de prolongation de soins, ni arrêt de travail, n'était produit aux débats s'agissant de la période du 01er mars 2019 au 09 mai 2019.
Dès lors, la Cour d’appel de COLMAR juge que la CPAM ne pouvait donc se prévaloir de la présomption d'imputabilité au-delà du 28 février 2019.
Elle déclare donc inopposable à l'employeur l'ensemble des arrêts et soins prescrits au salarié au-delà de cette date.
Outre la contestation de la présomption d’imputabilité par l’absence de prescription d’un arrêt de travail initial, il est possible d’invoquer l’existence d’une cause totalement étrangère, à laquelle, à partir d'une certaine date, les lésions, soins et arrêts sont imputables.
Sur ce point, un arrêt récent de la Cour de cassation démontre qu’une cause totalement étrangère peut être rapportée par la production d’une note médicale étayée d’un médecin conseil sans qu’il ne soit nécessairement recouru à une expertise médicale judiciaire (Cass. civ. 2ème, 22 juin 2023, n° 21-21.949).
Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON en droit du travail et droit de la sécurité sociale
https://www.labrugere-avocat-lyon.fr/
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
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