1) Sur les heures supplémentaires :

En l'espèce, Madame X verse aux débats un tableau très détaillé des heures supplémentaires effectuées à hauteur de 165 heures entre le 23 septembre 2013 et le 23 octobre 2015 et des salaires dus en contrepartie (sa pièce n° 25), ainsi que de nombreux courriels corroborant les amplitudes journalières reportées audit tableau (ses pièces n° 26 à 28).

Si ces courriels sont rédigés en anglais, leur production n'avait pas d'autre finalité que de justifier de leurs heures d'émission et de leurs destinataires, ces indications étant parfaitement lisibles et compréhensibles.

La salariée fournit donc des éléments de nature à étayer sa demande, auxquels l'employeur n'oppose strictement aucun argument pertinent ni aucun élément contraire de nature à justifier les horaires effectivement réalisés dès lors que les comptes rendus d'activité dont il fait état ne sont pas produits.

La demande de Madame X apparaît donc bien fondée d'autant que les documents qu'elle communique sont corroborés par le témoignage précité de M. P J qui atteste que l'intéressée « travaillait très dur et effectuait régulièrement beaucoup plus d'heures que ne l'aurait nécessité sa fonction, à plusieurs reprises au-delà de 16 heures par jour ».

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de condamner la société ABC PORTAGE à payer à Madame X la somme de 5 977,39 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 597,73 € au titre des congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ABC PORTAGE de sa convocation initiale devant le conseil de prud'hommes.

La société ABC PORTAGE sera en outre condamnée à remettre à Madame X un bulletin de paie récapitulatif ainsi qu'une attestation Pôle emploi conformes dans les quinze jours de la signification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

2) Sur l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société cliente : la Cour d’appel rejette cette exception

Au cas présent, le litige est relatif à un portage salarial conclu au mois de juin 2013 entre Madame X, salarié porté, la société ABC PORTAGE, entreprise de portage salarial et la société ELEKTRON TECHNOLOGY UK LTD, entreprise cliente.

Les conventions entre les parties étaient alors régies par :

- l'article L 1251-64 du code du travail, qui disposait : « Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. »

- l'accord collectif du 24 juin 2010 relatif au portage salarial, qui a été étendu par arrêté ministériel du 24 mai 2013 sauf en ses dispositions prévoyant le recours au contrat à durée déterminée.

Il doit en effet être rappelé que si le Conseil constitutionnel a invalidé les dispositions de la loi 2008-596 du 25 juin 2008 confiant le soin de réglementer le portage salarial aux partenaires sociaux et si le Conseil d'Etat a par voie de conséquence annulé l'arrêté d'extension du 24 mai 2013, les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité et de cette annulation ont été reportés au 1er janvier 2015.

En premier lieu, Madame X soutenait devant les premiers juges être également salariée de la société ELEKTRON TECHNOLOGY UK LTD en alléguant notamment l'existence d'une situation de coemploi.

Or, il ne résulte ni du dispositif ni des motifs de sa décision que le conseil de prud'hommes pour se déclarer incompétent ait statué sur cette question de fond qui relève de sa compétence exclusive et qui a nécessairement une incidence sur sa compétence matérielle.

En second lieu, si dans le cadre d'un portage salarial l'employeur du salarié porté est la société de portage et non l'entreprise utilisatrice, celle-ci étant exclusivement liée à celle-là par un contrat de prestation de service de portage salarial qui est effectivement de nature commerciale, il n'en reste pas moins que conformément aux dispositions de l'article 4 de l'accord collectif précité, l'entreprise cliente « est responsable des conditions d’exécution du travail des salariés portés et en particulier les questions liées à leur santé et à leur sécurité pendant la durée de leur prestation dans ses locaux ou sur son site de travail. A cet effet, les mesures de protection individuelle ou collective visant à préserver la santé et la sécurité des salariés applicables chez le client s’appliquent, dans les mêmes conditions, aux salariés portés. ».

Or, le conseil de prud'hommes était précisément saisi d'une demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral dirigée contre la société ELEKTRON TECHNOLOGY UK LTD, les agissements allégués survenus dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ayant entraîné selon Madame X une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris sur ce point, de dire que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur les demandes présentées par Madame Xà l'encontre de la société ELEKTRON TECHNOLOGY UK LTD et de rejeter l'exception d'incompétence matérielle soulevée par cette société.

Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)

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