Le premier intérêt de cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 9 janvier 2020 est qu’il statue sur une demande nouvelle de travail dissimulé, en cause d’appel. Est-ce que cette nouvelle demande est recevable au regard des articles 564 et 70 du Code de procédure civile ?

Le second intérêt de cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles est qu’il fait droit à l’intermittent du spectacle à sa demande de repositionnement en Coordinateur d’Antenne au sein de LCI / TF1 (il était déclaré en qualité de Technicien Vidéo).

1) Sur la recevabilité de la demande nouvelle au titre du travail dissimulé : lien suffisant ou non ?

La SA TF1 souligne que Monsieur X présente pour la première fois dans le cadre de la procédure d’appel une demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé.

Elle soutient que cette demande nouvelle est irrecevable.

Monsieur X, pour prétendre sa demande recevable, fait valoir qu’elle découle nécessairement de son emploi comme technicien vidéo au lieu de coordinateur d’antenne, ainsi que du non-respect par TF1 des dispositions relatives à la durée maximale du travail et des temps de pause.

L’article 564 du Code de procédure civile dispose :

« A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

Selon l’alinéa premier de l’article 70 du même code,

« Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».

En l’espèce, la cour constate que Monsieur X a présenté des demandes relatives à son
repositionnement et au non-respect des règles relatives au temps de travail en première instance, reprises en cause d’appel, et qu’il a formulées, pour la première fois en cause d’appel, une demande relative au travail dissimulé.

En ce qu’elle constitue la conséquence possible des demandes de repositionnement et de non-respect des règles relatives au temps de travail, la demande relative au travail dissimulé apparaît avoir un lien suffisant avec les demandes formulées en première instance.

Elle doit donc être déclarée recevable, l’exception d’irrecevabilité soutenue par la SA TF1 étant rejetée.

2) Sur le repositionnement : un emploi réel de coordinateur d’antenne et non de technicien vidéo.

La demande de repositionnement n’est jamais facile à obtenir pour un salarié.

Monsieur X soutient qu’il exerçait un emploi réel de coordinateur d’antenne, statut cadre, et non de technicien vidéo, statut non cadre. Il demande son repositionnement.(…)

Les CDD signés par Monsieur X mentionnent la qualification de technicien vidéo.

Pour autant, le salarié établit, par la production de plusieurs courriels, qu’il coordonnait les opérations visant à faire respecter le bon déroulement du conducteur antenne, qu’il gérait les temps d’antenne, les directs, les remplacements de programmes, les rediffusions, qu’il pilotait la bonne diffusion et les déplacements d’écrans publicitaires en accord avec les autres parties prenantes et échangeait avec la rédaction et les équipes techniques, toutes ces missions relevant des fonctions d’un coordinateur d’antenne.

L’étude des plannings produits démontre que Monsieur X était intégré à l’équipe de coordinateurs d’antenne, qu’aucune distinction entre les permanents et non-permanents n’était opérée dans les tableaux de service.

Ces personnels travaillaient sur les mêmes émissions.

Monsieur X justifie avoir été autorisé à remplacer M. O., coordinateur d’antenne permanent, à plusieurs reprises, comme en attestent les pièces 20, 20 bis, 21 et 21 bis du salarié.

Les informations relatives à la coordination d’antenne étaient indifféremment adressées aux salariés permanents et aux salariés non permanents. Il en est ainsi d’une information adressée par courriel du 23 septembre 2016 « pour les coordinateurs d’antenne qui vont assurer la nuit » ou encore d’une autre information adressée par courriel du 21 octobre 2016 :

« Bonjour à tous, Pour information, tous les changements de grille doivent être validés par Thierry T. ou Eric M.. Un présentateur qui demande un changement (ex : prise d’heure d’antenne différente de celle prévue et arrêt du programme en cours…) doit avoir l’accord de T. T. ou ne pas modifier le programme prévu. Ce mode opératoire est une aide pour nous. Fini l’esprit de boutique et de la négociation individuelle. La grille de programme de LCI suit des évolutions qui sont des choix et ont fait l’objet d’une décision. Le coordinateur antenne se doit d’en être le garant (...) »

Par ailleurs, Monsieur X a bénéficié de trois formations de coordinateur d’antenne financées par TF1 le 24 novembre 2011, le 1er février 2012 et le 27 juin 2013.

Enfin, Monsieur X justifie avoir revendiqué le poste de coordinateur d’antenne. Il justifie également avoir toujours été considéré comme tel par la direction, ses supérieurs hiérarchiques ou ses collaborateurs.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments concordants que les fonctions réellement exercées par Monsieur X étaient celles de coordinateur d’antenne, qu’il y a donc lieu à repositionnement.

Le jugement sera infirmé de ce chef de demande.

Au demeurant, la Cour d’appel affirme que l’explication selon laquelle la fausse dénomination du poste de technicien vidéo permettait à la SA TF1 de recourir aux CDD d’usage et donc de contourner les dispositions conventionnelles dès lors que l’accord d’entreprise de TF1 autorisait le recours au CDD d’usage pour l’emploi de technicien vidéo mais ne l’autorisait pas pour celui de coordinateur d’antenne, apparaît expliquer la situation.

Pour lire l’intégralité de l’arrêt, cliquer sur le lien ci-dessous.

https://www.village-justice.com/articles/droit-des-intermittents-requalification-des-cddu-cdi-licenciement-sans-cause,36018.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter&utm_campaign=RSS

 

Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

e-mail: chhum@chhum-avocats.com

www.chhum-avocats.fr

https://www.instagram.com/fredericchhum/?hl=fr

.Paris: 4 rue Bayard 75008 Paris tel: 0142560300

.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644

.Lille: 25, rue Gounod 59000 Lille tel: 0320135083