De très nombreux salariés, du fait de la crise sanitaire, ont dû totalement modifier leur mode de vie et s’adapter, aussi bien que possible, au télétravail.

Des chambres se sont transformées en bureau ; des ordinateurs personnels sont devenus des outils de travail ; la bande passante de la wifi est au cœur de négociations permanentes entre les générations ; les lignes téléphoniques privées assurent le lien entre collègues voire avec les clients… Bref, le travail s’est délocalisé au domicile ce qui modifie la perception de notre environnement domestique.

Ce changement pourrait également avoir des implications fiscales. En effet, les salariés, contraints d’utiliser leurs équipements personnels pour travailler, peuvent-ils déduire de leurs revenus les charges liées à ces équipements ?

Etrangement, il existe peu de doctrine sur ce sujet. Le Bofip (BOI-RSA-BASE-30-50-30-20, 24.02.2017, § 170) se contente de reprendre une réponse ministérielle de 1998 (RM Paillé, JOAN 29.06.1998 p.3612, n°12648).

Cette réponse ministérielle précise que les frais engagés par les salariés qui exercent leur activité professionnelle selon le mode du télétravail sont déductibles dans les conditions de droit commun applicables à l'ensemble des salariés (article 83 3° du CGI). Elle traite ensuite exclusivement des frais de déplacement entre le domicile et lieu de travail ce qui, compte tenu des contraintes du confinement, ne nous intéresse pas prioritairement.

On retiendra que pour les frais professionnels des salariés confinés et en télétravail, il convient donc de confronter ces dépenses aux règles de droit commun.

Préalablement, rappelons que la déduction des frais professionnels s'opère normalement selon le mode forfaitaire, par la voie de la déduction de 10 %. Les salariés peuvent toutefois, s'ils y ont intérêt, renoncer à cette déduction forfaitaire et demander la déduction des frais réels. Le choix entre le mode forfaitaire et la déduction des frais réels est annuel et individuel. Chaque membre du foyer fiscal peut choisir le mode de déduction des frais professionnels qu’il souhaite.

Bien entendu, si le salarié fait le choix de la déduction forfaitaire de 10 %, la question de la déduction des frais du télétravail n’a pas de portée pratique. En revanche, s’il fait le choix de la déduction des frais réels, le sujet devient plus intéressant.

Précisons que le salarié ne pourra déduire que les frais restants définitivement à sa charge. Si l’employeur rembourse certains d’entre eux, ils ne seront plus déductibles.

Informatique

Si le salarié utilise du matériel informatique personnel (ordinateur de la maison), le calcul d’une charge liée à l’usure de ce matériel apparaît très aléatoire et nous ne semble pas, en l’état des textes, pouvoir être admise.

En revanche, si le salarié fait l’acquisition de matériel informatique en rapport direct avec la profession, cette dépense peut être déduite du revenu imposable à concurrence du montant de la dépréciation constatée au cours de l'année. Par mesure de simplification, les salariés sont autorisés à déduire le prix d'acquisition des matériels dont la valeur n'excède pas 500 € hors taxes. Lorsque cette valeur est supérieure, il est admis de déduire une somme égale à une annuité d'amortissement calculée selon le mode linéaire. La durée d'amortissement du matériel informatique est de trois ans.

En cas d'utilisation professionnelle et personnelle, la déduction est réduite à proportion de l'utilisation privée laquelle est déterminée en fonction des circonstances de l'espèce. Aucune évaluation forfaitaire de cette proportion n’est admise (Rép. Charasse : AN 20 septembre 2016 p.8384 n° 70340).

Ainsi, si le salarié, sorti du confinement et du télétravail, confie le matériel informatique à l’un de ses enfants pour y installer des jeux vidéo, il ne pourra pas continuer à déduire la charge.

Téléphone

En ce qui concerne le téléphone portable

Les dépenses de fonctionnement d'un téléphone portable (frais d'abonnement et de communication) sont déductibles lorsqu'elles sont nécessitées par l'exercice de la profession.

En outre, les dépenses d'acquisition de ce matériel par le salarié sont admises en déduction du salaire imposable à concurrence du montant de la dépréciation effectivement subie au cours de l'année d'imposition. Toutefois, à titre de règle pratique, il est admis que les salariés puissent déduire soit la totalité du prix d'acquisition lorsque leur valeur unitaire hors taxe n'excède pas 500 €, soit une somme égale à une annuité d'amortissement calculée selon le mode linéaire dans les autres cas.

Bien entendu, lorsque le téléphone portable est utilisé à des fins à la fois professionnelles et personnelles, la déduction est réduite en proportion de la part d'utilisation privative, qui est déterminée en fonction des circonstances de l'espèce (BOI-RSA-BASE-30-50-30-40 n° 60, 12 septembre 2012).

En ce qui concerne le téléphone fixe

Une partie des frais d’abonnement (correspondant au pourcentage d’usage à titre professionnel) peut être déduite (BOI-RSA-BASE-30-50-30-40 n° 50, 12 septembre 2012).

Papeterie Imprimante encre

Les frais de fournitures et d’impression à titre professionnel peuvent être déduits (BOI-RSA-BASE-30-50-30-40 n° 50, 12 septembre 2012).

Mise à disposition d’une pièce

La doctrine fiscale précise que le salarié qui utilise une pièce de sa résidence principale comme bureau pour l'exercice de sa profession est fondé à pratiquer une déduction à ce titre si sa profession est de celles qui nécessitent la disposition d'un bureau et s'il ne dispose pas d'un bureau à son lieu de travail (BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 n° 1, 27 novembre 2012).

On peut, me semble-t-il, admettre que dans le cadre du confinement et d’une consigne claire de l’employeur imposant le télétravail, le salarié ne dispose plus d’un bureau sur son lieu de travail.

L'importance de la superficie affectée à l'usage professionnel s'apprécie en fonction de l'activité.

En règle générale, l'affectation d'une pièce de l'habitation principale doit être suffisante pour permettre à l'intéressé d'effectuer les travaux ou d'entreposer le matériel nécessaire à l'exercice de la profession.

Cela dit, à titre de règle pratique, il peut être admis que la partie d'un logement affectée à l'exercice de la profession représente :

-  pour un logement comportant plus d'une pièce d'habitation, une pièce de ce logement ;

-  pour un studio, la moitié au plus de la surface de celui-ci.

Il appartient aux intéressés qui demandent la déduction des charges afférentes à plusieurs pièces de leur habitation de justifier des conditions particulières propres à leur profession (BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 n° 40, 27 novembre 2012).

Les frais se rapportant au local professionnel peuvent comprendre :

-  les dépenses de grosses réparations ;

-  les dépenses d'entretien, de réparation et d'amélioration ;

-  les charges de copropriété ;

-  diverses dépenses à caractère locatif : les frais de nettoyage, de gardiennage, de ramonage, d'éclairage, de chauffage, de primes d'assurance... ;

-  des dépenses d'agencements spécifiques à l'exercice de la profession à concurrence du montant de la dépréciation subie ;

-  les impôts locaux acquittés au titre de l'année d'imposition : taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe d'habitation, taxes facultatives instituées par les collectivités locales (taxes régionales, départementales ou communales, comme la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage...) ;

-  le loyer proprement dit, augmenté des sommes remboursées au bailleur (droit de bail, taxe d'enlèvement des ordures ménagères...) (BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 n° 60, 27 novembre 2012).

Les frais occasionnés par l'achat de la résidence principale ne sont pas déductibles, notamment le paiement immédiat et intégral du prix de revient au titre de l'année d'acquisition ou sous forme d'amortissement.

De même ne sont pas déductibles les dépenses qui ont pour objet la reconstruction d'une partie de l'habitation ou son agrandissement, même si celui-ci était expressément motivé par le besoin de disposer d'un local professionnel.

Cependant, les intérêts d'un emprunt contracté pour ces opérations demeurent déductibles s'il est justifié qu'elles sont engagées par nécessité professionnelle (BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 n° 70, 27 novembre 2012).

La quote-part des dépenses communes à l'habitation principale qui est déductible au titre du local professionnel est calculée en fonction du rapport existant entre la superficie du seul local professionnel et la superficie totale de l'immeuble à usage mixte.

Le pourcentage ainsi déterminé est applicable à chaque catégorie de frais (BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 n° 90, 27 novembre 2012).

Lorsqu'il apparaît que le local professionnel fait également l'objet d'une utilisation familiale, seul un pourcentage des dépenses correspondant au local professionnel est déductible. Cette fraction s'évalue en fonction des circonstances de fait (BOI-RSA-BASE-30-50-30-30 n° 100, 27 novembre 2012).

Electricité/eau

Une quote-part de ces frais peut être déduite.

Néanmoins, faute de précision sur la ventilation de l'usage professionnel et privé de son domicile, le contribuable n'est pas en droit de déduire les dépenses qu'il allègue (CE 10-6-1992 n° 80518, 9e et 7e s.-s., Imbach).

 

Conclusion

 

La déclaration des revenus 2020 (en 2021) donnera lieu à des arbitrages nouveaux qui, espérons-le, n’auront que le goût d’un mauvais souvenir.