Lors de son audition par la Commission des Affaires économiques de l'Assemblée Nationale, le mercredi 29 avril, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé que les indépendants qui détiennent une épargne-retraite, dits « fonds Madelin », pourraient la débloquer pour pouvoir faire face à la baisse de leurs revenus dans le cadre de la crise sanitaire liée au Coronavirus.

Il s’agit, pour l’instant, d’une annonce. Pour entrer en vigueur, cette mesure devra être transposée dans la loi même si le circuit législatif et réglementaire est particulièrement rapide depuis le début de la crise.

Concernant l’opportunité de cette réforme pour les titulaires de « retraites Madelin », il convient bien entendu d’être prudent. Comme le rappelait lui-même le Ministre le 16 avril dans une interview (BFM Business), il s’agit d’une épargne mise en place par l’entrepreneur pour sa retraire. S’il la récupère aujourd’hui, il grève ses futurs revenus de retraité. Par ailleurs, il semblerait que les fonds Madelin sont placés en actions et que le marché n’est pas nécessairement favorable à un retrait en ce moment.

Toutefois, la crise étant profonde, il est certain que beaucoup de commerçants, artisans ou professionnels libéraux verront comme une nécessité la possibilité de débloquer ces fonds dès que les textes auront été adaptés.

Il est donc intéressant de regarder les effets fiscaux de ces déblocages. La fiscalité a, d’ailleurs, souvent été un aspect déterminant de la mise en place de ces contrats (déduction des cotisations Madelin de l’assiette de l’impôt).

A. RAPPEL DES REGLES ACTUELLES

Actuellement, le déblocage anticipé des contrats Madelin n’est prévu que dans cinq cas (article L 132-23 du Code des assurances et article L 223-22 du Code de la mutualité) :

-  expiration des droits de l'assuré aux allocations d'assurance chômage (dans certaines conditions) ;

-  cessation d'activité non salariée de l'assuré à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire en application des dispositions du livre VI du Code de commerce (L 610-1 et suivant du Code de Commerce) ou toute situation justifiant ce rachat selon le président du Tribunal de commerce auprès duquel est instituée une procédure de conciliation telle que visée à l'article L 611-4 du Code de commerce, qui en effectue la demande avec l'accord de l'assuré ;

-  invalidité de l'assuré correspondant à son classement dans les deuxième ou troisième catégories prévues à l'article L 341-4 du CSS ;

-  décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;

-  situation de surendettement de l'assuré définie à l'article L 711-1 du Code de la consommation, sur demande adressée à l'assureur, soit par le président de la commission de surendettement des particuliers, soit par le juge lorsque le déblocage des droits individuels résultant de ces contrats paraît nécessaire à l'apurement du passif de l'intéressé.

La doctrine (BOI-RSA-PENS-20-10, 5 mars 2014, § 190 et s.) précise que les prestations de retraite versées sous forme de capital en exercice des facultés de rachat prévues aux troisième à septième alinéas de l’article L. 132-23 du code des assurances et qui sont imposables à l’impôt sur le revenu selon les règles des pensions et retraites sont exonérées d’impôt sur le revenu en application du b quinquies du 5 de l’article 158 du CGI.

Ainsi, les déblocages anticipés, qui répondent à l’une des cinq conditions précitées, sont exonérés d’impôt sur le revenu.

En revanche, ils restent soumis aux contributions sociales[1].

B. VERS L’AJOUT D’UN NOUVEAU CAS DE DEBLOCAGE ?

Pour bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu, le législateur pourrait, de manière assez simple, ajouter une nouvelle possibilité de déblocage à l’article L 132-23 du Code des assurances.

Toutefois, pour développer l’intérêt de cette réforme, il serait, à mon sens, pertinent d’ajouter au dispositif une mesure spécifique d’exonération des contributions sociales. En effet, le coût de ces contributions, ajouté aux éventuelles pertes sur le capital débloqué, pourrait être assez pénible à vivre pour des entrepreneurs déjà en situation de fragilité.

 

 

 

 

 

 

 


[1] Les contributions sociales sont les suivantes :

- la cotisation d’assurance maladie au taux de 1 % (article D 242-8 du Code de la sécurité sociale) ;

- la contribution sociale généralisée (CSG) est prélevée au taux de 8,3 %, de 6,6 % ou de 3,8 % en fonction de la situation fiscale ;

- la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) est prélevée au taux de 0,5 % ;

- la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) est prélevée au taux de 0,3 %.