Nous savons que la crise sanitaire liée au COVID-19 pourrait être suivie d’une grave crise économique. Il est donc à craindre que beaucoup d’entreprises, de tous les secteurs, traversent difficilement les prochains mois et, ce, malgré les aides et soutiens accordés par l’Etat.

Parmi ces entreprises, certaines avaient, avant la crise, des dettes fiscales parfois importantes.

Pour pouvoir se maintenir, elles pourraient s’appuyer sur le dispositif légal relatif aux entreprises en difficulté. Pour apprécier les procédures qui peuvent être mises en œuvre, la date de cessation des paiements est une notion fondamentale.

Rappelons qu’il existe des procédures qui permettent de venir au secours des entreprises avant la cessation des paiements : procédure de sauvegarde, de conciliation ou encore de mandat ad hoc.

Si la cessation des paiements est intervenue, les possibilités de l’entreprise se réduisent car elle doit impérativement déclarer cette situation auprès du tribunal dans les 45 jours (article L 653-8 alinéa 3 du Code de Commerce), sauf si l'entreprise demande, pendant ce délai, l'ouverture d'une procédure de conciliation. La survenue de la cessation des paiements oblige, dans les 45 jours, l'entreprise en difficulté à déposer une déclaration aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de conciliation.

Soulignons que l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 adapte temporairement le droit des entreprises en difficultés sur plusieurs points. Notamment, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la fin de l'état d’urgence sanitaire, l'état de cessation des paiements sera apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020. Dès lors, l’entreprise, même fortement affectée par la situation économique, pourra bénéficier des procédures comme la sauvegarde ou la conciliation si sa situation au 12 mars 2020 le lui permettait. Le délai de 45 jours précité est également décalé.

La cessation des paiements est définie par l’article L 631-1 du Code de Commerce comme « l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible… ».

L'actif disponible n'inclut qu'une partie des éléments figurant à l'actif du bilan, à savoir :

-  l'actif liquide (sommes en caisse, soldes créditeurs provisoires des comptes bancaires à vue, effets de commerce à vue…) ;

- l'actif réalisable immédiatement (effets de commerce escomptables, valeurs mobilières cotées rapidement réalisables…).

Le passif exigible n'inclut que la partie des éléments du passif du bilan visant les dettes, notamment fiscales, dont le paiement est requis immédiatement. Le passif exigible vise donc, par principe, les dettes de l'entreprise, quelle que soit leur nature civile ou commerciale, dès lors qu'elles sont :

-    certaines (dont l'existence actuelle est incontestable),

-    liquides (dont la valeur est déterminée ou déterminable),

-    et exigibles (dont le terme est échu).

Si l’entreprise a une dette fiscale certaine (établie par un avis de mise en recouvrement notamment) doit-on considérer que cette dette alourdit le passif exigible ?

On peut répondre que cette dette n’intègre pas obligatoirement le passif exigible, ce qui peut être fondamental pour les choix qui s’ouvrent à l’entrepreneur, dans l’hypothèse où elle est contestée.

La contestation est, en général, matérialisée par une réclamation contentieuse assortie d'une demande de sursis de paiement. Elle doit suivre les règles de la procédure fiscale habituelle (Cass. Com 11 avril 2018 n°16-23.019 F-PBI,) pour être efficacement retenue dans le cadre de l’appréciation de la cessation de paiement.

Cette suspension de l'exigibilité de l'impôt lié à la demande de sursis de paiement dure jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (article 277 du LPF). La créance est alors exclue du passif exigible (Cass. com. 1er décembre 2009 n° 08-12.054).

On remarquera qu’une créance fiscale peut être considérée comme exigible même si elle faisait l'objet d'une contestation devant le juge administratif dès lors que le débiteur n'a pas obtenu un sursis au paiement (Cass. com. 12 janvier 2010 n°08-70.147 ; Cass. com. 7 mars 2006 n°04-19.254).

Conclusion

En cas de difficultés financières, l’entreprise ayant des dettes fiscales devra à la fois être attentive aux critères de la cessation des paiements et aux délais de réclamation dans le cadre de la procédure fiscale.

C’est, sous réserve de cette vigilance, qu’elle pourra, le cas échéant, préserver ses possibilités d’accès à des procédures préventives.