Le 07 septembre 2023 (RG n° 22/02646), la Cour d'appel d'AMIENS a décidé que "




I. RAPPEL DES FAITS

Suivant acte notarié, un couple acquiert une maison d'habitation. Ces derniers se plaignant de désordres apparus depuis la vente, assignent les vendeurs et obtiennent la désignation d'un expert judiciaire pour déterminer si les désordres étaient ou non cachés.

En effet, les vices reproches étaient les suivants :

  • l'absence d'enduit sur deux murs de façade de la maison, à l'origine d'infiltrations et de moisissures
  • il manque des solins sur la charpente, ce qui fragilise la toiture
  • la couverture en bac acier en bon état apparent a été posée au dessus d'une ancienne couverture en plaques fibre-ciment (pouvant contenir des fibres d'amiante
  • le système de production d'eau chaude est assuré par un ballon électrique placé à l'extérieur du domicile et sans protection contre le gel
  • la chaudière présente une fuite qui n'était pas décelable car masquée par un panneau vertical masquant la zone sous la chaudière.
  • la piscine fuirait
  • le système d'extraction de l'air dans la salle de bains est défaillant



II. PROCEDURE

A. JUGEMENT INTRANSIGEANT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS

Par jugement en date du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Soissons a condamné les vendeurs à payer aux acheteurs les sommes suivantes :

  • 561,07 euros au titre de la réparation de l'extracteur d'air ;
  • 1171,50 euros au titre de la reprise du ballon d'eau chaude ;
  • 231,14 euros au titre de la réparation de la chaudière ;
  • 21 382,16 euros au titre des travaux de reprise de la fuite sur la piscine ;
  • 3 500 euros au titre des frais d'avocat
  • les frais d'huissier et d'expertise.

Les vendeurs interjettent appel.

 

B. POSITION PLUS FAVORABLE DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS

1. Absence de vices cachés sur la quasi-intégralité des désordres reprochés

Les juges d'appel énoncent deux règles, bien connues :

  • "tout acheteur normalement diligent se doit d'examiner le clos et le couvert de l'immeuble qu'il entend acquérir."
  • "Le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même"

De fait, en premier lieu, si les façades de la maison n'étaient pas toutes recouvertes d'enduit, ce désordre n'était pas caché, car l'absence d'enduit est décelable au premier regard que l'on porte sur les murs concernés.

En deuxième lieu, si l'absence de solin est susceptible de fragiliser la toiture, elle était décelable par les acheteurs, car elle affecte les parties visibles.

En troisième lieu, l'expert judiciaire n'ayant pas constaté que les plaques fibre-ciment sous la couverture en bac acier renfermaient de l'amiante, il ne peut y avoir vice caché.

En quatrième lieu, si le ballon électrique a été installé à l'extérieur de la maison, sur la façade arrière non visible et non accessible, pour autant la présence dudit ballon était décelable au premier regard que l'on porte sur le mur arrière...

En dernier lieu, la maison a été vendue, équipée d'une piscine construite en 1976 ! si l'expert n'a pas constaté de fuites et considérait que celles-ci seraient dues à un défaut d'entretien du système hydraulique obligeant à compléter régulièrement la volume d'eau, les juges d'appel refusent de les considérer comme un vice caché dans le système hydraulique étant donné que la piscine est installée depuis 40 ans !

 

2. Vices cachés sur la chaudière et l'extracteur d'air

Il résulte du rapport d'expertise que la chaudière présente une fuite qui était cachée par un panneau vertical cachant la zone sous la chaudière et les vendeurs ont reconnu son existence à l'occasion d'échanges de SMS avec les acquéreurs.

De même, l'expert avait relevé la défaillance de l'extracteur d'air. Ces deux dcésordres constituent des vices cachés dès lors qu'ils empêchent le fonctionnement normal des matériels et sont susceptibles de priver l'immeuble de chauffage et d'aération.

De fait, les vendeurs sont condamnés à rembourser les acquéreurs à hauteur de 561,07 euros et de 231,14€ pour ces réparations.

 

3. Conséquences

Les juges d'appel infirment le jugement dans son intégralité, sauf en ce qui concerne le paiement des sommes de 561,07 euros au titre de la réparation de l'extracteur d'air et de 231,14 euros au titre de la réparation de la chaudière.

Moralité : 792,21€ d'indemnisation... sachant que l'expertise reste à la charge des acquéreurs, à l'instar d'une grande partie des frais d'avocat....  




III. QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. L'article 1642 du même code précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. Enfin en vertu de l'article 1643 du même code le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.  

Sur le caractère caché des vices lors d'un achat, l'acheteur profane doit se montrer normalement diligent et prudent, sans pour autant être tenu d'avoir recours à l'expertise de techniciens pour apprécier l'état du bien vendu.

Mais si un désordre pouvait être vu au premier coup d'oeil dès lors qu'il était accessible, il n'y a pas vice caché, mais inattention de l'acheteur. C'est pourquoi le Code civil considère un vice comme apparent, si l'acheteur avait la possibilité de s'en convaincre lui-même, dans toute son ampleur et ses conséquences.

Dans la présente affaire, les juges d'appel ont pu paraître sévère, mais il revient à l'acquéreur d'analyser le clos et le couvert du bien, c'est-à-dire de s'assurer de son étanchéité extérieure et de la solidité de sa couverture dès lors que l'accès aux combles est possible.

De même s'agissant de la piscine, il était évident que cette dernière était "dans son jus" et ne pouvait être comme neuve, si bien que les acquéreurs auraient dû se montrer un peu plus vigilant lors de leur achat.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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