J’ai écouté hier Monsieur Roux de Bézieux, dirigeant du MEDEF, auditionné, qui disait que les chefs d’entreprise auraient préféré, s’agissant du projet de retraite selon un système à points, trois régimes : un pour le public, un pour les salariés du privé et un pour les indépendants.

Il faisait observer combien la situation des indépendants était particulière, diverses et qu’il aurait été plus sage de commencer par des notions de convergence.

La réforme des retraites était une promesse du candidat Macron, mais sa réalisation actuelle a divergé selon les influences de la partie droite du gouvernement semble-t-il.

Tous les barreaux de France se sont mis en grève devant une situation posant une réelle difficulté puisque la charge financière prévue allait passer de 14 à 28 % et la pension de base allait baisser.

Des compensations sont promises mais la difficulté est la suivante : l’augmentation de charges est une certitude et les compensations, temporaires, peuvent être modifiées à tout moment par une loi selon l’humeur et les besoins financiers du gouvernement.

S’agissant des salariés, une partie de la charge est payée par eux et une partie est payée par l’entreprise.

Le professionnel libéral, lui paie tout sur son chiffre d’affaires, et cela correspond donc à une augmentation sèche de ses charges.

Les systèmes autonomes de retraite des professions libérales sont bénéficiaires et la démographie est bonne.

Il n’y avait donc nullement urgence.

Il a été observé cependant que les cotisations encaissées étaient supérieures aux sommes versées et c’est peut-être pourquoi le pouvoir cherche, au-delà des réserves, à récupérer cette manne financière.

En tout cas, ce qui est prévu va inexorablement générer des cessations d’activité.

Et la question se pose en effet de savoir qui veut la mort des professions libérales ?

Je pense ici aux médecins, aux infirmiers, kinésithérapeutes, aux comptables, aux experts-comptables, aux notaires, aux pharmaciens, aux avocats et l’inventaire à la Prévert n’est certainement pas fini.

Que l’on s’entende : je pense à ceux dont on voit la plaque en déambulant dans les rues, c’est-à-dire des structures professionnelles libérales non transmutées en sociétés commerciales et assurant un lien social de proximité.

Il y a cet égard une incompréhension venant de la pensée du secteur public. Mais aussi, que l’on trouve présentes dans les soutiens de cette réforme, de personnes qui ne raisonnent qu’en termes de mouvements économiques, d’adaptation etc. et qui considèrent donc qu’une certaine forme d’exercice est désuète.

Certains économistes qui ont attaqué la rente font un peu demi-tour en considérant qu’il y a justement une utilité sociétale à cette typologie de professions et d’exercice, car tout ne peut pas être plateformes et grandes entreprises.

La réalité financière de beaucoup de professions libérales s’est affaissée dans la mesure où le nombre de professionnels a augmenté puisqu’il fallait bien caser les étudiants poursuivant leurs études.

Les nantis d’autrefois ont pour l’essentiel disparu et subsistent donc des professionnels qui doivent assurer l’excellence professionnelle, la perspective économique, la gestion financière, la prospection.

À cet égard les évolutions numériques, les mises en réseau, l’intelligence artificielle seront probablement une chance qui permettront à des petites structures de s’adapter et de continuer à offrir un outil professionnel performant en conservant cet apport du lien social.

Mais il n’en reste pas moins vrai que ce sont des structures fragiles.

Ainsi, chez les avocats, l’augmentation de 40 % en 10 ans de la population professionnelle nécessite du temps pour être absorbée.

Et c’est vrai qu’elle génère des cessations d’activité et que l’on voit souvent avec tristesse dans les journaux d’annonces légales tel et tel confrère souvent cinquantenaire qui est tombé.

Lui qui n’était pas un mauvais professionnel, car les bons aujourd’hui aussi peuvent tomber, mais qui, peut-être, n’a pas résisté à la brutalité des évolutions.

Ce qui est annoncé pour les professions libérales n’a pas été négocié en pratique ; je veux dire en cela que l’application pratique de la réforme n’a pas été étudiée et que les concepteurs en sont restés aux généralités, c’est-à-dire qu’ils ont pris les choses à l’envers.

 

Donc, si je prends un avocat à faibles revenus, j’observerai que c’est lui qui a la charge de l’aide juridictionnelle indemnisée dans des conditions honteuses, parce que l’État profite de la sincérité et du dévouement des jeunes.

J’observerai de même que c’est lui qui assure la défense pénale et, en province, de grands déplacements pour une rentabilité douteuse.

C’est lui donc qui tend la main au faible.

Je ne crois pas un instant que l’augmentation de charge sera compensée et personne n’y croit vraiment.

Peut-être est-ce dû aussi au fait que l’actuel ministre de la justice ne défend pas les auxiliaires de justice.

Soyons donc clairs, les avocats dont je parle sont déjà au SMIC et l’augmentation de charges à venir est insupportable et les tuera.

Après, il y a donc cette question : faut-il tuer les professions libérales ?

Existe-t-il une pensée pour considérer que ce type d’exercice appartient aux temps anciens et qu’il faut donc fonctionnariser les avocats des pauvres et laisser le reste du droit aux firmes financières ?

Si cela est, que cela soit dit.

Mais si cela n’est pas, c’est-à-dire que la mesure prise n’a pas été étudiée dans ses conséquences pratiques en matière de désertification des centres-villes par exemple ou de déserts judiciaires, c’est une catastrophe pour l’avenir.

Bien sûr le professionnel libéral ne peut s’extraire de la réalité économique et c’est vrai que la question se pose de la viabilité de l’exercice professionnel de beaucoup.

Mais faut-il donner le coup de grâce ?

164 barreaux en grève, cela ne s’est jamais vu et il ne faut pas croire que cela relève seulement d’un refus d’adaptation, ce serait prétention folle de celui qui pense cela.

C’est une alerte sur le lien social.

Sera-t-elle entendue ?