L’affaire Vincent LAMBERT aura pointé du doigt le non aboutissement de la règlementation sur la fin de vie. Elle n’a cependant pas permis d’aborder véritablement les réformes impérieuses en cette matière.
Quand peut-on arrêter la vie ? Comment arrête-t-on la vie ? Qui peut décider cet arrêt ?
La difficulté de légiférer dans cette matière tient au caractère tabou et confessionnel de la mort. Cette situation a souvent conduit à la confiscation de ce moment douloureux. La fin de vie doit appartenir au libre arbitre de chaque individu, sans qu’autrui s’autorise à définir ce qui est mieux pour l’autre.
Il est important de règlementer dans le sens de la liberté de choisir.
La loi Léonetti de 2005 complétée par la loi du 2 février 2016 dite Loi Claeys Léonetti, a le mérite de répondre à ces questions essentielles. Elle laisse encore, cependant, quelques incertitudes.
Quand peut-on envisager la fin de vie ?
L’article L 1110-5-1 du code de la santé publique (CSP) dispose que les actes de prévention, d’investigation, de soins et de traitement ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable, lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.
Le même article précise que la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés…...
Ainsi l’arrêt des traitements ou des soins concerne le malade incurable, pour lequel les actes médicaux constitueraient alors une obstination déraisonnable et inutile, ou la personne qui se trouve maintenue artificiellement en vie uniquement par une assistance.
Le processus de fin de vie
L’article L1110-5-1 du CSP dispose que suite à l’arrêt des soins et des traitements, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.
L’article L 1110-10 du CSP indique que les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.
Mais l’article L 1110-5-2 du CSP va plus loin que le simple droit à l’arrêt des traitements. Il instaure, en plus, un droit à la sédation profonde, en d’autres termes un droit à mourir. Pour cela, l’individu doit être atteint d'une affection grave et incurable, avoir un pronostic vital engagé à court terme et présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou une souffrance insupportable dans le cadre de l’arrêt des traitements prévu à l’article L 1110-5-1 du CSP ;
La mise en œuvre de la fin de vie peut intervenir également à son domicile.
Mais qu’en est-il pour les personnes souffrant de maladie dégénérative, incurable, dont la douleur physique n’est pas insupportable mais dont l’absence de confort engendre une souffrance qui au quotidien conduit au dégoût de la vie.
Faute de solution en France, ces personnes doivent s’organiser à l’étranger, loin de leurs proches et de la dignité que le cadre législatif présent voudrait pourtant leurs offrir. Il y a là un vide certain dans l’arsenal juridique.
Qui peut décider ?
C’est bien entendu la volonté du malade qui prime si celui-ci est en état de pouvoir faire connaître sa décision.
Chacun peut également anticiper ces questions dans l’hypothèse où il se trouverait dans un état d’inconscience.
L’article L 1111-11 du CSP permet de rédiger des directives anticipées, pour exprimer sa volonté concernant les questions de la fin de vie, à savoir la poursuite ou non des soins. Cette directive est modifiable et révocable. Elle est enregistrée dans un fichier national.
Toutefois cette directive peut être écartée, si elle est inappropriée à la situation médicale, par un collège de médecins.
L’article L 1111-6 du CSP permet également de désigner une personne de confiance (un parent, un proche ou même le médecin traitant) qui prendra la décision le moment venu. L’avantage de cette possibilité est de prendre une décision adaptée à la situation médicale. L’inconvénient est de faire peser sur une personne le poids d’une décision lourde et de laisser la place à un doute quant à la véritable volonté du malade.
La véritable difficulté nait lorsque le malade est inconscient et qu’il n’a pas anticipé la prise de décision concernant sa fin de vie. Cette décision doit alors être prise par la famille et les proches.
Que faire lorsque les volontés intrafamiliales sont contradictoires et que les uns luttent pour un droit à la vie même artificielle et que les autres se battent pour un droit de mourir dans la dignité.
Au-delà du débat dans lequel s’invitent des courants de pensées de toute sorte, il est légitime de retenir que la fin de vie appartient avant tout au malade, seul, qui inconscient, verra sa volonté rapportée par ses proches.
En effet qui mieux que le conjoint, les enfants ou les parents pourront, rapporter la décision qu’aurait prise le malade inconscient.
Il est possible alors de compléter la loi Claeys Léonetti en hiérarchisant les personnes proches qui pourraient s’exprimer au lieu et place de la personne inconsciente, comme le propose le député FALORNI, pour limiter les risques de conflit.
Toutefois la loi ne peut tout prévoir et il restera des situations non résolues même par le meilleur des textes. Il conviendra alors de saisir le juge qui fera son office et tranchera les désaccords en l’absence de consensus.
Jean-François CHAPPE Avocat
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