La prescription se définit comme un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

Le délai de prescription est réduit à 2 années pour les actions dérivant d’un contrat d’assurance (article L.114-1 du code des assurances), de sorte que les assurés se voient régulièrement opposés une prescription par leur compagnie d’assurances dès lors qu’ils n’ont pas pris garde à en interrompre le cours.

 

I – CHAMP D'APPLICATION DE LA PRESCRIPTION DE DEUX ANNEES

Elle s’impose au souscripteur du contrat d’assurance, mais aussi au tiers subrogé ou au tiers bénéficiaire de l’assurance qui sollicite la mise en jeu de la garantie. Une exception notable concerne le tiers victime en assurance de responsabilité (Cass. 1re civ., 7 oct. 1992 : RGAT 1992, p. 834).

Toutes les actions découlant du contrat d’assurance sont soumises à la prescription biennale, y compris lorsque l’existence même du contrat est contestée (Cass. 1re civ., 31 mai 1988 : RGAT 1988, p. 476). 

L'action en nullité fondée sur l'article L. 113-8 du Code des assurances est de même soumise à la prescription biennale. L'action sera donc prescrite lorsqu'elle est engagée plus de 2 ans après les faits attestant de la fausse déclaration de risques (Cass. 1re civ., 28 oct. 1975 : D. 1977, jurispr. p. 157).

La solution est différente lorsque l’assureur invoque la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle par voie d’exception, afin de faire échec à la demande d’indemnisation de l’assuré. En effet, la Cour de cassation juge que le droit de se prévaloir de la nullité n'est pas soumis à la prescription biennale (Cass. 3e civ., 28 janv. 2009, n° 07-21.818 : JurisData n° 2009-046755) : il est imprescriptible. Ce principe permet aux assureurs de faire obstacle à toute demande d'exécution d'un contrat atteint de nullité, pourvu qu'il n'ait pas encore fait l'objet d'un commencement d'exécution. 

Ainsi, un assureur qui, après avoir versé à l'assuré des indemnités mensuelles prévues en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident, cesse les versements, ne peut opposer à l'assuré qui l'assigne en paiement l'exception de nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle de risque car le contrat a reçu un commencement d'exécution (Cass. 2e civ., 19 oct. 2006, n° 05-17.599 : JurisData n° 2006-035400).

 

II – REGIME DE LA PRESCRIPTION EN DROIT DES ASSURANCES

L'article L.114-1 du Code des assurances fixe le point de départ du délai de prescription au jour de l'événement qui donne naissance à l'action, c’est-à-dire en principe au jour de la réalisation du sinistre. Mais ce principe fait l'objet d'aménagements destinés à différer le point de départ du délai de prescription.

A – Le point de départ du délai de prescription

L'article L. 114-1, 2° du Code des assurances dispose que le délai de prescription ne court “en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là”

L'action en responsabilité engagée par l'assuré contre l'assureur en raison d'un manquement à ses obligations se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l'assuré a eu connaissance de ce manquement et du préjudice en étant résulté pour lui (Cass. 2e civ., 27 avr. 2017, n° 16-16.517 : JurisData n° 2017-008020).

En se référant au sinistre, le texte vise aussi bien la connaissance du fait générateur du dommage que celle des conséquences futures dommageables d'un événement connu de l'assuré. La fixation du point de départ du délai de prescription est soumise au pouvoir d’appréciation du juge du fond.

Suivant les dispositions de l’article L114-3, « quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier”.

La Loi n'opère aucune distinction selon la nature du recours du tiers contre l'assuré : 

  • Une action en référé est une action en justice au sens de l'article L. 114-1, alinéa 3, pourvu qu'elle vise la responsabilité de l'assuré. 
  • Une assignation en référé en vue de la désignation d'un expert fait courir le délai de prescription de l'action de l'assuré contre son assureur de responsabilité.

 

B – Interruption de la prescription

L'article L. 114-2 du Code des assurances dispose : “La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité”.

Au titre des causes ordinaires d'interruption de la prescription, l'article 2241 du Code civil désigne la citation en justice, même en référé. Le maintien de cette solution semble toutefois remis en cause par une décision récente de la Cour de cassation qui paraît consacrer l'effet exclusivement suspensif du référé expertise sur le fondement de l'article 2239 du Code civil (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-19.792).

L'article 2244 du même code vise toute mesure conservatoire prise en application du Code de procédure civile ou un acte d'exécution forcée. Toute assignation en justice est interruptive de la prescription biennale, même si elle est portée devant un juge incompétent ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure (C. civ., art. 2241).

Au titre des modes d’interruption spécifiques au droit des assurances, on distingue :

  1. La désignation d’un expert dans les rapports entre l’assurance et l’assuré. Ainsi, les préalables à l'expertise, parmi lesquels figure la proposition faite à l'assuré par l'assureur de choisir un expert, ne sont pas interruptifs de prescription (Cass. 1re civ., 2 déc. 2003 : RGDA 2004, p. 53, obs. A. Favre-Rochex). Mais toute désignation a un effet interruptif de prescription (Cass. 1re civ., 4 mars 1997 : Resp. civ. et assur. 1997) La généralité de la formule utilisée par la Cour de cassation permet d'admettre l'interruption de prescription en présence d'une désignation amiable ou judiciaire, et d'une désignation par le seul assureur (Cass. 2e civ., 10 nov. 2005, n° 04-17.324), ou par le seul assuré (Cass. 1re civ., 30 mars 1994 : Resp. civ. et assur. 1994, comm. 227). 
  2. L’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception : l'article L. 114-2 du Code des assurances dispose que “l'interruption de la prescription peut […] résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité”.

Les tribunaux font de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception une formalité substantielle (Cass. 1re civ., 13 nov. 1990 : RGAT 1991, p. 67, note R. Maurice) :

  • Dès lors, une lettre simple n'a pas d'effet interruptif,
  • L'effet interruptif est absent alors même que le destinataire du courrier en a accusé réception,
  • L'envoi d'une lettre recommandée sans accusé de réception est également dépourvu d'effet interruptif, quand bien même « la partie à laquelle elle est envoyée reconnaîtrait l'avoir reçue ».

Contrairement à la suspension qui n'arrête que temporairement le cours de la prescription, l'interruption supprime le temps déjà écoulé depuis le point de départ du délai de prescription. Un nouveau délai de 2 ans commence à courir quelle que soit la durée de prescription déjà écoulée.

L'assuré devra donc veiller à interrompre à nouveau la prescription, notamment par l'envoi à l'assureur d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception » (Cass. 2e civ., 21 oct. 2010, n° 10-15.319 : JurisData n° 2010-019541).

En cas d'interruption de la prescription consécutive à une action en justice, l'effet interruptif est prolongé jusqu'à ce que le litige trouve sa solution (Cass. 2e civ., 19 juin 2008, n° 07-15.343). Aussi, la durée de l'interruption provoquée par l'assignation est identique à la durée de l'instance. 

L'interruption de la prescription est donc prolongée tant que la décision rendue n'est pas définitive, c'est-à-dire pendant toute la durée du délai d'appel et, si un appel est interjeté, pendant toute la durée du procès en appel (Cass. 1re civ., 16 févr. 1994 : Bull. civ. I, n° 70). Ces principes sont applicables aussi bien en présence d'une action au fond qu'en présence d'une action en référé (Cass. 1re civ., 12 févr. 1991 : RGAT 1991, p. 337, note J. Landel). Dès lors, l'effet interruptif de l'assignation en référé s'achève par le prononcé de l'ordonnance et non à l'expiration du délai pour interjeter appel de celle-ci et non au jour du dépôt du rapport de l’expert. 

 

C – Suspension de la Prescription

L'article 2230 du Code civil dispose que “la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru”.

À l'inverse de l'interruption qui anéantit le temps déjà écoulé depuis le point de départ du délai de prescription, la suspension arrête donc temporairement le cours d'une prescription. Lorsque la cause de la suspension disparaît, la prescription reprend son cours, en tenant compte du délai qui a couru avant la suspension. 

L’article 2239 du code civil prévoit la suspension de la prescription lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Il est précisé que “le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée”. 

Malgré les dispositions de l'article L. 114-2 du Code des assurances qui maintiennent la désignation de l'expert dans la catégorie des modes d'interruption de la prescription biennale, la Cour de cassation a récemment jugé que « les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3 du Code des assurances ne font pas obstacle à l'application de l'article 2239 du Code civil ; qu'il s'ensuit que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du Code civil est applicable aux actions dérivant d'un contrat d'assurance » (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-19.792 : JurisData n° 2016-00935).

Même si les assurés conçoivent généralement mal que la prescription continue à courir alors que des pourparlers ou des négociations s'engagent avec l'assureur, la Cour de cassation a écarté tout effet suspensif et interruptif aux pourparlers et négociations entre assureur et assuré (Cass. 1re civ., 24 janv. 1995 : RGAT 1995, p. 50, note J. Kullmann. – Cass. 1re civ., 13 nov. 1996 : JCP G 1997, II, 22917, note B. Beignier ; RGDA 1997, p. 140, obs. F. Vincent).

Un refus de garantie opposé « en l'état » à l'assuré n'est pas suspensif d'une prescription qui peut être à tout moment interrompue par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception (Cass. 1re civ., 13 nov. 1991 : RGAT 1992, p. 82, note H. Margeat).

 

Ainsi, compte du risque que représente pour un assuré la prescription de son action, il est recommandé « par sécurité » de veiller à interrompre régulièrement le cours de la prescription en cas d’une instruction d’un sinistre s’éternisant, par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, précisant le sinistre en cause dont il est demandé l’indemnisation.

 

Jean-Loïc TIXIER-VIGNANCOUR

Avocat en droit des assurances

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