Le préfet peut-il légalement refuser de délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ? Il s’agit là d’une question qui a été posée au juge administratif de Nantes dans une affaire qui mérite de retenir l’attention, étant donné qu’un tel cas de figure peut se reproduire dans une autre préfecture française.

En l’espèce, l’intéressé que l’on appellera M. Samir a déposé une demande de titre de séjour en sa qualité de parent d’enfant français. Quelques années plus tôt, M. Samir s’était vu délivrer une obligation de quitter le territoire, mais il avait fait le choix de ne pas s’y soumettre. M. Samir s’était donc maintenu sur le territoire français de façon irrégulière. Peu de temps après, et alors qu’il était « sans papier » en France, M. Samir a fait la connaissance d’une jeune femme de nationalité française avec laquelle il a fini par avoir un enfant. Désormais papa d’un enfant français, M. Samir s’est rendu à la préfecture pour effectuer une nouvelle demande de titre de séjour.

I) Les arguments du Préfet

Le Préfet qui a reçu le dossier complet de demande de titre de séjour présenté par M. Samir, a refusé de délivrer à ce dernier un récépissé de demande de titre de séjour pour deux raisons :

Premièrement, selon le Préfet, le refus serait justifié par le fait qu’il s’agissait en réalité d’une seconde demande de titre de séjour après qu’une obligation de quitter le territoire français ait été délivrée à M. Samir qui ne l’a pas exécuté.

Deuxièmement, et toujours selon le Préfet, le refus de délivrance du récépissé à M. Samir se justifiait également par le fait que la préfecture avait quatre (4) mois pour statuer sur une demande de titre de séjour. Ainsi, d’après le Préfet, avant l’expiration de ce délai de 4 mois, aucun récépissé de demande de titre de séjour ne pouvait être délivré à M. Samir.

Contestant le bien-fondé de ce refus, M. Samir a saisi le tribunal administratif de Nantes pour savoir si le préfet a le droit de refuser de délivrer un récépissé de demande de titre de séjour.

II) La réponse du tribunal

Pour répondre à cette question, le tribunal administratif de Nantes a commencé par rappeler les dispositions de l’article R. 311-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Selon les dispositions de cet article :

« Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l’intéressé sur le territoire pour la durée qu’il précise. ». 

A) Un élément nouveau comme condition d’une nouvelle demande de titre de séjour

Une fois ce rappel effectué, le Tribunal a considéré qu’il résulte de ces dispositions que l’étranger qui sollicite, pour la première fois ou à titre de renouvellement, une carte de séjour a le droit, s’il a déposé un dossier complet, d’obtenir un récépissé de sa demande qui vaut autorisation provisoire de séjour et autorisation de travail dans le cas où la demande concerne un titre de séjour permettant l’exercice d’une activité professionnelle. Lorsqu’un étranger a fait l’objet d’une décision de refus de titre de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire qu’il n’a pas exécutée, cette circonstance s’oppose à ce qu’un nouveau récépissé lui soit délivré, sauf si des éléments nouveaux conduisent l’autorité préfectorale à l’autoriser à former une nouvelle demande.

Une fois cette règle posée, le Tribunal est revenu sur les faits pour s’intéresser au premier moyen soulevé par la préfecture. Il a ainsi considéré que si le préfet de la Loire-Atlantique fait valoir que M. Samir a déjà formé précédemment une demande de titre de séjour « vie privée et familiale », sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui a donné lieu, le 7 mars 2019, à un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français non exécuté, la naissance de l’enfant français de M. Samir, intervenue le 6 novembre 2019, constitue un élément nouveau de nature à autoriser M. Samir à former une nouvelle demande en qualité de parent d’enfant français. 

Ainsi, le tribunal administratif de Nantes a considéré qu’en l’espèce, M. Samir était en droit d’effectuer une nouvelle demande de titre de séjour dans la mesure où la naissance d’un enfant constitue un élément nouveau de nature à autoriser cette nouvelle demande.

Après avoir statué sur le droit de M. Samir à former une nouvelle demande auprès de la préfecture, le tribunal s’est penché sur le second moyen de la Préfecture.

B) Un dossier complet implique la délivrance d’un récépissé

En ce qui concerne le second moyen soulevé par la préfecture, le tribunal administratif de Nantes a considéré que si l’autorité préfectorale dispose d’un délai de quatre mois pour statuer sur une demande de titre de séjour, la délivrance d’un récépissé de demande de titre de séjour est de plein droit dès le dépôt d’un dossier complet et non à l’issue de ce délai de quatre mois, la délivrance du récépissé ne préjugeant pas de la décision qui sera prise par l’autorité administrative sur la demande de titre.

En conclusion…

En somme, dès lors que M. Samir avait le droit de former une nouvelle demande et qu’il a déposé un dossier complet, le Préfet devait lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour.