Le calcul du temps de travail des sapeurs-pompiers repose sur un certain nombre de paramètres dont la combinaison rend le système opaque et donc, difficilement compréhensible. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’un sapeur-pompier se soit posé la question de savoir quel était le statut de sa pause déjeuner en mettant en cause la légalité d’une note de service de son administration qui la considérait comme un temps d’inactivité.

L’arrêt commenté a le mérite de répondre juridiquement à cette interrogation et d’apporter en la matière une clarification essentielle en précisant la notion de « travail effectif » pour les sapeurs- pompiers effectuant des gardes de 24 heures (1).

Le décompte du temps de travail des sapeurs-pompiers est fonction de l’aménagement horaire choisi par les SDIS.

Si le régime du temps de travail décidé par l’administration est le régime de droit commun, alors les sapeurs-pompiers sont soumis aux décrets du 25 août 2000 et du 12 juillet 2001 qui régissent l’aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Dans ce cas, le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1607 heures maximum, les heures travaillées au-delà de ce plafond devant être rémunérées comme heures supplémentaires.

En revanche, dans l’hypothèse où l’administration d’un SDIS, pour des raisons opérationnelles, décide d’organiser le temps de travail des sapeurs-pompiers, de façon dérogatoire, en fixant le temps de présence des sapeurs-pompiers à 24 heures consécutives, alors, le conseil d’administration du SDIS est tenu de fixer une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail qui ne peut excéder 1128 heures sur une période de six mois. Les SDIS, pour organiser ce système de gardes de 24 heures, mettent en œuvre pour ce faire les dispositions de l’article 3 modifié du décret du 31 décembre 2001.

Pourquoi introduire cette notion de durée équivalente et ne pas comptabiliser l’intégralité des heures effectuées pendant la garde de 24 heures d’un sapeur-pompier ? Tout simplement parce qu’il a été observé que pendant une garde, l’intensité du travail est très variable. Même si le sapeur-pompier est présent chez son employeur, le SDIS, pendant toute la durée de la garde, il rencontre des temps d’inaction qui justifient que les 24 heures de garde ne fassent pas l’objet d’un traitement uniforme dans leur décompte. Il est ainsi distingué des temps de simple présence et des temps de travail effectif.

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 13 février 2024 devait précisément répondre à la question de savoir ce que comprenait comme tâches le travail effectif réalisé par un sapeur-pompier pendant une garde de 24 heures.

L’administration du SDIS concernée défendait l’idée simple selon laquelle le temps de garde d’une période de 24 heures se divisait en deux temps : le temps de l’action consacré aux activités opérationnelles et le temps de simple présence considéré comme un temps d’inaction et ne pouvant donc être comptabilisé comme du travail effectif.

De ce point de vue, la pause déjeuner était rangée par la note de service comme un temps d’inaction non pris en compte au titre du travail effectif.

Cette analyse de l’administration va être réfutée par la cour qui rappelle pertinemment que la définition du travail effectif ne peut faire l’objet d’une appréciation discrétionnaire, mais doit se référer aux textes qui la définissent, en l’occurrence, l’article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers qui dispose expressément que les pauses destinées à la prise des repas font partie intégrante du temps de travail effectif.

Dans le cadre des gardes de 24 heures, la durée de se travail effectif est d’ailleurs limitée puisque l’article 3 du décret du 31 décembre 2001 modifié la limite à 8 heures.

La portée de cet arrêt est déterminante pour la vie professionnelle des sapeurs-pompiers puisque l’inclusion des pauses déjeuner dans la comptabilisation du travail effectif va alléger d’autant le temps résiduel sur les 8 heures pour effectuer les activités opérationnelles.

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On relèvera encore que l’article 1er du décret du 31 décembre 2001 range dans la catégorie du temps de travail effectif l’habillage et le déshabillage du sapeur-pompier. Ces moments particuliers doivent être également décomptés du temps réservé aux activités opérationnelles sur la période des 8 heures de travail effectif.

Il est possible que les effets de cette jurisprudence, qui annule une note de service prenant mal en compte la notion extensive du temps de travail effectif en y incluant des périodes considérées à tort comme inactives, conduisent les SDIS à une réflexion conduisant soit à abandonner le système des gardes de 24 heures en considération de leurs inconvénients, soit à augmenter leurs effectifs pour faire face aux activités opérationnelles et d’intervention.

Jean-Yves TRENNEC.

1 CAA Paris, 13 février 2024 req. n° 221550. https://urlr.me/bCxX4