Le jugement commenté (1) rappelle que le non renouvellement d’un contrat administratif à durée déterminée ne peut être justifié que par des motifs se rattachant à l’intérêt du service.

Dans cette affaire particulière, une aide-soignante travaillant dans un hôpital public avait bénéficié de contrats à durée déterminée successifs.

Toutefois, son dernier contrat n’avait pas fait l’objet d’une décision de renouvellement sans pour autant que la direction de l’hôpital en indiquât le motif.

Considérant que l’impossibilité de poursuivre son activité procédait d’une décision illégale, l’agent porta son différend devant la juridiction administrative.

Pour lui donner gain de cause le tribunal a adopté un raisonnement, faisant d’abord appel, sans le dire explicitement, aux principes généraux du droit (I) puis, ensuite, en indiquant ses sources, à certaines règles du procès administratif (II).

Ces deux points méritent commentaire.

 

I                Le tribunal prend en considération l’argument invoqué par la requérante et selon lequel le motif décisif ayant motivé le non renouvellement de son contrat avait résidé dans son état de grossesse.

Ce motif ne pouvait qu’être censuré car il constitue la violation d’un principe général du droit bien établi.

On rappellera que les principes généraux du droit sont, selon la formule de René Chapus, des normes infra législatives et supra décrétales que le juge administratif découvre dans l’état du droit et de la société.

La juridiction administrative a depuis longtemps fait appel aux principes généraux du droit pour protéger les agents publics et encadrer leurs relations de travail.

Ainsi, l’interdiction de licencier un agent en état de grossesse, principe dont le tribunal administratif de Melun a fait application, résulte d’un principe général du droit consacré en 1973 par l’Assemblée du Conseil d’Etat (2).

Dans la même ligne de jurisprudence, le Conseil d’Etat a consacré le principe général du droit selon lequel tout salarié avait droit à un minimum de rémunération qui ne saurait être inférieure au salaire minimum de croissance (3). Le droit pour un salarié d’obtenir le remboursement de ses frais professionnels résulte également d’un principe général du droit (4).

Dans le même registre, a également été consacré le principe selon lequel à travail égal le salaire perçu devait être le même (5). 

Les principes généraux du droit se présentent ainsi comme une ressource juridique utile dans lequel le juge administratif n’hésite pas à puiser lorsque lui font défaut d’autres normes d’encadrement comme les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou les principes particulièrement nécessaires à notre temps lesquels ont valeur constitutionnelle.  

II              Si pour annuler la décision de non renouvellement du contrat, le tribunal a retenu l’argument de la requérante relatif à son état de grossesse, c’est que ce moyen n’avait pas été réfuté par le centre hospitalier dans le cours de l’instruction du dossier.

Au point 3, le tribunal fait référence aux dispositions de l’article R.612-6 du code de justice administrative qui permettent de faire jouer cette règle.

L’instruction d’un dossier devant un tribunal administratif ne pouvant se prolonger au-delà d’un délai raisonnable, le code à instaurer des dates limites de production des écritures et des pièces. Une règle générale impose ainsi à toutes les parties, à défaut de clôture d’instruction, de produire les derniers mémoires trois jours francs avant la date de l’audience publique. Une règle spéciale impose aussi la production d’un mémoire dans un délai de quinze jours lorsque l’une des parties au procès administratif reçoit une mise en demeure. Comme l’indique le texte de l’article R.612-6 précité, la négligence à produire ce mémoire avant la clôture d’instruction est sanctionnée par le fait que le tribunal va accorder un entier crédit à la relation des faits qui est proposée par la partie adverse.

Dans notre cas particulier, le point 9 du jugement illustre cette règle : 

« Mme X soutient, sans être contredite par le défendeur qui est réputé avoir acquiescé aux faits (…) que le motif principal de non renouvellement de son contrat est liée à son état de grossesse (…) »    

L’épilogue de cette affaire se conclura évidemment par l’annulation du refus de renouvellement de contrat et la condamnation de l’employeur à des dommages et intérêts.  La circonstance que l’employeur ait été un hôpital public ayant constitué incontestablement une situation aggravante.

Jean-Yves TRENNEC

 

Notes :

 

1               Tribunal administratif de Melun, 4 mars 2020 req. n°1701359 https://cutt.ly/CtNZZ2A

2               CE. Ass. 8 juin 1973 Dame Peynet req. n° 80832.

3               CE. Sect. 23 avril 1982, ville de Toulouse, req. n°36851.

4               CE. 27 juin 2014, société ERDF, req.n°368867.

5               CE. 8 juillet 1998, Adam, req. n°191812.