La réforme du Code de procédure civile introduite par le décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, applicable depuis le 1er septembre 2024, a considérablement renforcé les exigences formelles relatives à la procédure d’appel civil. Parmi ces nouvelles exigences figure l’obligation impérative de préciser dans le dispositif des premières conclusions les chefs du jugement critiqués, sous peine de caducité immédiate de l’appel.

Faisons le point sur ce piège procédural, éclairé par la jurisprudence récente des Cours d’appel.

I – Une exigence nouvelle issue de la réforme

Les nouvelles dispositions des articles 908, 915-2 et 954 du Code de procédure civile imposent désormais une rigueur accrue dans la rédaction des conclusions d’appel. L’article 954 du CPC précise clairement :

« Les conclusions comprennent distinctement un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués. »

À défaut de respecter cette obligation formelle, l’appel encourt une sanction très lourde : la caducité de la déclaration d'appel, dès lors que les conclusions signifiées dans le délai fixé par l'article 908 du CPC ne respectent pas strictement les prescriptions de l'article 954.

II – Une règle formelle stricte : pas de régularisation possible hors délai

Cette rigueur est renforcée par l’article 915-2 du CPC, selon lequel :

« L'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus […] les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel. La Cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent. »

Cette possibilité de régularisation est limitée à un délai strict de trois mois suivant la déclaration d’appel (article 908 CPC). Au-delà, aucune régularisation n’est possible, et la caducité de l’appel est automatiquement prononcée.

Plusieurs décisions récentes confirment cette sévérité :

1 – Cour d’appel de Montpellier (2e chambre civile, 27 mars 2025, RG n°24/04675)

La Cour de Montpellier affirme avec fermeté :

« Si la déclaration d’appel comprend une énumération des chefs du jugement critiqués ainsi que l’objet de l’appel […], les nouvelles dispositions visent à circonscrire au dispositif des premières conclusions l’étendue de la saisine de la Cour […]. Ainsi, la Cour n’est pas saisie des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel et non repris dans le dispositif des premières conclusions. Ces premières conclusions, dépourvues d’effet dévolutif […], ne peuvent déterminer l’objet du litige. Il en résulte qu’en l’absence de premières conclusions énonçant les chefs du dispositif du jugement critiqués, la déclaration d’appel est caduque. »

Ce rappel illustre clairement que seule la précision dans le dispositif des conclusions est décisive.

2 – Cour d’appel de Nîmes (4e chambre commerciale, 23 mai 2025, RG n°24/04015)

La Cour de Nîmes précise à son tour :

« L’appelante a conclu le 11 mars 2025 sans solliciter dans son dispositif l’infirmation du jugement déféré et sans préciser les chefs de jugement critiqués. Elle a rectifié le dispositif le 17 mars 2025, au-delà du délai prescrit par l’article 906-2 du CPC. Il s’ensuit que son appel est caduque. »

Ce cas démontre l’impossibilité absolue de rectifier hors délai une omission dans le dispositif.

3 – Cour d’appel de Dijon (3e chambre civile, 12 juin 2025, RG n°24/01439)

La Cour de Dijon apporte une précision importante, rappelant l’interdépendance des articles 908 et 954 :

« Les conclusions d’appelants notifiées le 17 février 2025 se bornent à solliciter la réformation sans détailler les chefs de jugement critiqués. Dès lors, ces conclusions ne respectant pas les conditions de l’article 954 CPC ne peuvent être considérées conformes à l’article 908 CPC. En conséquence, il convient de constater la caducité de la déclaration d’appel. »

Cet arrêt met en évidence le lien étroit entre la rigueur formelle du dispositif des conclusions et le respect du délai pour conclure.

III – Pourquoi cette exigence mérite-t-elle votre attention ?

Cette jurisprudence rappelle clairement aux avocats et aux justiciables que le formalisme procédural en appel ne tolère aucun relâchement. L’absence ou l’imprécision dans la rédaction du dispositif des conclusions entraîne désormais systématiquement la caducité de l’appel. Cette sanction prive irrémédiablement l’appelant d'un examen au fond par la Cour d’appel, sans possibilité de recours.

Face à ce risque majeur, il est impératif que praticiens et justiciables adaptent immédiatement leurs pratiques rédactionnelles aux nouvelles règles issues de la réforme, dans l'attente d’une éventuelle prise de position de la Cour de cassation.

IV – Conseils pratiques pour éviter la caducité

Face à cette rigueur confirmée, voici quelques recommandations indispensables :

  • Précisez clairement et explicitement, dès le dispositif des premières conclusions d’appel, les chefs précis du jugement critiqués.

  • Respectez impérativement le délai de trois mois suivant la déclaration d’appel fixé par l’article 908 CPC.

  • N’assimilez jamais cette exigence à une simple formalité : le respect de ces prescriptions conditionne la validité même de votre appel.

Conclusion

La réforme récente du Code de procédure civile et les arrêts convergents des Cours d’appel (Montpellier, Nîmes et Dijon) démontrent sans ambiguïté que la mention précise et rigoureuse des chefs critiqués dans le dispositif des premières conclusions d’appel est désormais essentielle. Négliger cette exigence, c’est risquer la caducité automatique de votre appel, sans débat au fond.

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Cet article ne se substitue pas à une consultation juridique personnalisée, indispensable pour déterminer la meilleure stratégie à adopter dans chaque dossier.

Maître Jérémy MAINGUY Avocat au Barreau de l’Aveyron 2, rue Pasteur – 12000 RODEZ Tél : 05 65 68 60 65 Email : jeremy.mainguy@agn-avocats.fr