Par un arrêt du 21 avril 2020 (19-86.467), la Cour de cassation limite l'obligation de désigner la personne physique conductrice du véhicule prévue par l’ article L. 121-6 du Code de la route aux seules personnes morales et ne s'applique pas aux entrepreneurs individuels, notamment ceux inscrits au répertoire SIRET.

Ainsi, si vous exercez en qualité d'entrepreneur individuel (avocat, médecin, artisan...) et que vous avez reçu un avis de contravention pour non désignation du conducteur, je ne peux que vous conseiller de contester cette infraction.

Je peux vous assister dans cette démarche.

 

La solution bien qu’évidente aura le mérite de freiner l’inflation des poursuites pour cette contravention en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

Pour rappel, l'article L. 121-6 du Code de la route énonce :

« Lorsqu'une infraction constatée selon les modalités prévues à l'article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l'envoi ou de la remise de l'avis de contravention, à l'autorité mentionnée sur cet avis, l'identité et l'adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol, d'une usurpation de plaque d'immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.

Le fait de contrevenir au présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »

Les petites entreprises ont été très touchées par cette infraction.

En effet, beaucoup de gérants de petites sociétés unipersonnelles n’ont pas indiqué à l’administration qui était le conducteur du véhicule de leur société et se sont retrouvés avec plusieurs avis d’amende représentant des sommes importantes à régler sur des périodes rapprochées.

Saisie de plusieurs contestations, la Cour de cassation a eu une approche bienvaillante de cette contravention à l'égard de l'adminisation en validant aussi la poursuite des sociétés c pour la contravention commise par son représentant légal.

La Cour a aussi validé la possibilité pour l’administration d'établir l’avis de contravention, soit au nom de la personne morale, soit au nom de son représentant légal.

Ainsi pour que l’avis de contravention soit valide, il suffit que le représentant légal de la société ait été informé de l’obligation de désigner le conducteur du véhicule dans les quarante-cinq jours de l’envoi de l’avis de contravention d’excès de vitesse.

Peut-être grisé par ses succès, l’administration a tenté de franchir une nouvelle étape en poursuivant les professionnels ne désignant pas le conducteur du véhicule et ce, même si les professionnels exerçaient en leur nom personnel...

Dans son arrêt du 21 avril 2020, la Cour de cassation a heureusement énoncé que l’obligation de désignation ne s’applique pas pour les entrepreneurs individuels :

« 9. Pour dire l’infraction de non-transmission de l’identité et de l’adresse du conducteur par le responsable légal de la personne détenant le véhicule non constituée et se déclarer non saisi, le tribunal énonce, notamment, que pour qu’un acte soit une infraction pénale, un texte législatif ou réglementaire doit le prévoir.

10. Le juge ajoute que la foi due aux procès-verbaux en vertu de l’article 537 du code de procédure pénale ne s’attache qu’aux constatations matérielles qui y figurent et non aux déductions qui en sont tirées par leurs auteurs, les agents verbalisateurs devant rapporter les constatations de nature à caractériser l’infraction qu’ils relèvent.

11. Il souligne que l’obligation de désignation résultant de l’article L. 121-6 du code de la route pèse sur le représentant d’une personne morale, laquelle est une entité qui dispose de la personnalité juridique.

12. Il relève que l’officier du ministère public, à qui incombe la preuve de l’infraction, ne produit pas de copie du certificat d’immatriculation, ni de relevé K-bis justifiant que l’entreprise est effectivement une personne morale inscrite au registre du commerce et des sociétés, ni d’autres documents, s’en tenant à l’immatriculation du véhicule avec un numéro SIRET pour en déduire qu’il s’agit bien d’une personne morale, et à une recherche Infogreffe dans lequel il est précisé que M. V... exerce en tant qu’entrepreneur individuel.

13. Il précise que l’immatriculation d’un véhicule avec le numéro SIRET de l’entrepreneur ne confère pas, pour ce seul motif, à son propriétaire ou détenteur la qualité de personne morale, de sorte que son dirigeant ne peut être poursuivi. Il conclut que l’infraction n’est pas constituée.

14. En se déterminant ainsi, et dès lors que d’une part, la force probante conférée par l’article 537 du code de procédure pénale aux procès-verbaux ne s’attache qu’à leurs constatations matérielles, d’autre part, l’entreprise prévenue n’étant pas une personne morale, son dirigeant ne pouvait par conséquent être poursuivi, le tribunal a justifié sa décision. »

 

Maître Jérémy MAINGUY

Avocat au Barreau de l'AVEYRON (Rodez)

Spécialiste en droit immobilier

Autres domaines habituels d'intervention : droit civil général, droit pénal, droit de la famille et la réparation des dommages corporels.

Lien vers les arrêts cités : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/530_21_44763.html

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_8743/2018_8744/decembre_9074/2915_11_40965.html

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_8743/2018_8744/decembre_9074/2919_11_40961.html