La bataille des restaurateurs contre l’assureur AXA (de sa dénomination complète : la société AXA France IARD) prend de l’ampleur.

Tous les Tribunaux de commerce de France et de Navarre vont certainement devoir trancher la question de la garantie de la société AXA au titre de son contrat d’assurance multirisque professionnelles et notamment de l’efficacité de la fameuse clause d’exclusion stipulée dans les conditions particulières de ce contrat d’assurance au titre de la garantie perte d’exploitation suite à fermeture administrative :

« SONT EXCLUES

-          LES PERTES D’EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L’OBJET, SUR LE MEME TERRITTOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L’ETABLISSEMENT ASSURE, D’UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE ».

Cette clause a vocation à limiter l’étendue de la garantie de la société AXA France IARD au titre de la perte d’exploitation suite à fermeture administrative libellée comme suit dans le contrat  d’assurance :

« Perte d’exploitation suite a fermeture administrative :

    La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

    1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même ;

    2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication ».

 

I/ Sur les décisions récentes déclarant nulle la clause d’exclusion en l’absence de mention en caractère apparent par la clause d'exclusion de garantie

Ce moyen est fondé sur l’article L. 112-4 du Code des assurances, lequel énonce:

 « (…) Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. »

Ainsi, les clauses d’exclusion doivent se détacher du reste du texte (par leur couleur, la taille des caractères…) afin d’attirer spécialement l’attention de l’assuré.

Elles doivent « sauter aux yeux ».

  • M. Picard et A. Besson, Les assurances terrestres, t. 1, Le contrat d’assurance, LGDJ, 1982, n° 55

Ainsi, le Tribunal de commerce d’ANNECY a condamné la société AXA France IARD à indemniser un restaurateur de ses pertes d’exploitation au motif que « la typographie de cette clause est identique à celle de la clause d’extension, donc qu’elle ne satisfait pas aux prescriptions de l’article L. 112-4 du Code des assurances ».

  • Tribunal de commerce d’ANNECY, 22 décembre 2020, n°2020R00066

Le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE a aussi adopté la même position.

  • Tribunal de commerce de LA ROCHELLE, 9 avril 2021, n°2021000

Dans cette hypothèse, la clause d’exclusion de garantie doit être déclarée nulle et ne peut être donc être opposée à l’assuré restaurateur.

 

II/ Sur la violation de l’article L. 113-1 du Code des assurances par la clause d’exclusion de garantie

L’article L. 113-1 du Code des assurances dispose que :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. »

De nombreuses décisions récentes ont retenu que la clause d’exclusion litigieuse ne pouvait pas être considérée comme formelle et limitée car elle se réfère à des critères imprécis et à des hypothèses non limitativement énumérées ou identifiables par l’assuré.

  • Tribunal de commerce de MARSEILLE, 15 octobre 2020, n°2020F00894
  • Tribunal de commerce de LA ROCHELLE, 9 avril 2021, n°2021000
  • Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE, 6 mai 2021, n°2021J00010
  • Tribunal de commerce de VERSAILLES, 3° chambre, 7 mai 2021, n°2021F00147

Dans cette hypothèse, la clause d’exclusion de garantie doit être réputée non écrite et ne peut être opposée à l’assuré restaurateur.

 

III/ Sur la violation de l’article 1170 du Code civil par la clause d’exclusion de garantie

L’article 1170 du Code civil énonce :

« Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite »

De très nombreuses juridictions ont retenu que la clause d’exclusion litigieuse devait être réputée non écrite car vidée de sa substance.

En effet, l’exclusion de la garantie, dans l’hypothèse où un autre établissement dans le même département est affecté par une épidémie, est contradictoire avec la définition communément admise d’une épidémie, laquelle est l’« apparition et propagation d’une maladie contagieuse qui atteint en même temps, dans une région donnée, un grand nombre d’individus et, par métonymie, cette maladie elle-même » (Dictionnaire de l’académie française).

  • Tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE, 30 novembre 2020, n°2020 007326
  • Tribunal de commerce de PERPIGNAN, 12 janvier 2021, n°2020J289
  • Tribunal de commerce de BESANCON, 10 février 2021, n°2020 002331
  • Tribunal de commerce de PARIS, 4° ch., 18 février 2021, n°2020033800
  • Cour d'appel, Aix-en-Provence, 1re et 4e chambres réunies, 25 Février 2021 – n° 20/10357
  • Tribunal de commerce de PARIS, 6° chambre, 8 avril 2021, n°20210000045
  • Tribunal de commerce de MONTPELLIER, Pôle Civil section 3, 15 avril 2021, n°21/00434
  • Tribunal de commerce de PARIS du 6 mai 2021 – 6° chambre – 2020058739, 20200587729 et 2020058735 (trois jugements)
  • Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE, 6 mai 2021, n°2021J00010
  • Tribunal de commerce de VERSAILLES, 3° chambre, 7 mai 2021, n°2021F00147
  • Cour d'appel, Aix-en-Provence, 1re et 3e chambres réunies, 20 mai 2021 – n° 20/13305 – 20/08317 (deux arrêts)

A l’heure actuelle, la Cour de cassation n’a pas encore tranché sur cette clause si bien que l’aléa judiciaire persiste et ce, d’autant que plusieurs décisions ont fait application de la clause.

Cependant, la contestation de la position de la société AXA France IARD ne paraît pas vaine à l’heure actuelle.

Cet article n'engage que son auteur.

Maître Jérémy MAINGUY

Avocat au Barreau de l'AVEYRON

Spécialiste en droit immobilier

Contact : jmainguy.avocat@gmail.com - 07 49 40 40 07