Il est des situations où un salarié qui détient une position hiérarchique plus élevée dans l'entreprise exerce des pressions sur un salarié se trouvant dans une position hiérarchique moindre. Quand bien même le premier ne détient pas en soi la qualité d'employeur, il n'en revêt pas moins l'habit de supérieur hiérarchique, même indirect.
Ces situations proches du harcèlement n'ont cependant pas nécessairement à être qualifiées ou qualifiables comme tel, pour pouvoir aller sur le terrain du licenciement disciplinaire pour faute grave. Il suffit pour cela que le comportement inapproprié du salarié en position hiérarchiquement supérieure ait porté atteinte à la sécurité ou à la santé de l'autre salarié. La notion de santé inclut bien évidemment la santé psychique.
Cette solution est étayée par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 26 mars 2025 (Soc. 26 mars 2025, F-B, n° 23-17.544) : dans cette affaire, un directeur des partenariats et des relations institutionnelles a exercé des pressions sur une collaboratrice, en vue d'entretenir ou de poursuivre une relation de nature personnelle avec cette dernière. Le mal-être et la souffrance psychique de la collaboratrice ayant été rapportés par le médecin du travail à l'attention de l'employeur, sans compter d'autres éléments de preuve, ce dernier a donc licencié le salarié en cause pour motif disciplinaire, plus précisément en se fondant sur un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail. Cette obligation est celle posée par l'article L.4122-1 du Code du travail, à savoir que chaque travailleur (notamment ayant un poste à responsabilités : un superviseur, un manager, un directeur…) a l'obligation de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues sur le lieu de travail.
Dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire que la lettre de licenciement fasse état de harcèlement proprement dit, le comportement inapproprié constitutif d'un manquement à l'obligation de prendre soin de la santé de sa collègue au/de travail suffit à justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave.
Du côté de l'employeur, ce dernier a tout intérêt à prendre les mesures nécessaires (telles que licenciement) dès lors qu'il est informé de tels faits. Autrement, il se mettrait lui-même en tort au regard de son obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés et de son obligation de prévenir toute situation qui pourrait nuire à la santé (physique et psychique) de ces derniers. En effet, n'oublions pas que l'alinéa final de l'article L.4122-1 du Code du travail rappelle que le fait qu'un salarié manque à son obligation de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues n'exonère nullement l'employeur sur le plan du principe de sa responsabilité.
L'obligation de vigilance de l'employeur est donc ici pleinement réaffirmée.
Jerry BEHAJA
Docteur en droit et Chercheur
Avocat au Barreau de Paris
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