L’article L. 1132-1 du Code du travail édicte sur la base du principe de non-discrimination, qu’aucun travailleur ne peut être licencié sur la base d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison par exemple de ses convictions religieuses ou de son apparence physique.

 

La discrimination directe s’entend de celle qui est directement fondée soit sur la religion du salarié, soit sur son apparence physique, soit sur son sexe etc.

Quant à la discrimination indirecte, c’est celle qui découle d’un règlement intérieur, d’une note de service, ou d’une pratique au sein d’une entreprise. En somme, il s’agit d’une discrimination indirecte dans la mesure où elle s’opère via un « support » (écrit ou informel).

 

L’article L. 1132-4 du Code du travail ajoute que si une mesure discriminatoire est avérée et établie, la sanction est la nullité de l’acte pris par l’employeur à l’égard du salarié.

 

Par un arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-23.743, FS-P+B+R+I), la Cour de cassation rappelle les fondamentaux déjà posés dans l’arrêt du 22 novembre 2017 (Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 13-19.855  : JurisData n° 2017-023284) : des différences de traitement telles que des restrictions à la liberté religieuse peuvent être mises en place par l’employeur, à la condition qu’elle répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et sous réserve que l’objectif de ces restrictions soit légitime et l’exigence proportionnée. Parmi les objectifs légitimes, il y a par exemple la sécurité du personnel et des clients de l’entreprise, afin de prévenir un danger objectif.

 

Dans l’arrêt du 8 juillet 2020, un employé d’une société œuvrant dans le domaine de la sécurité a été licencié pour faute grave, l’employeur lui ayant reproché le port d’une barbe taillée d’une manière volontairement signifiante sur les plans religieux et politique.

L’employeur n’ayant en l’espèce pas fait figurer dans le règlement intérieur ni dans une note de service, de clause de neutralité tendant à interdire ou limiter le port visible de tout signe religieux ou politique sur les lieux de travail, la chambre sociale de la Cour de cassation considère qu’il y a une discrimination directe et une différence de traitement non autorisée dans la mesure où l’employeur n’a pas su justifier valablement de risques de sécurité caractérisés, liés au port de la barbe par l’employé lors de l’exécution de son contrat de travail. La notion d’ « exigence professionnelle essentielle et déterminante » n’est donc pas remplie en l’espèce.

 

Deux enseignements sont à tirer de cette jurisprudence :

Du côté du salarié, il faut savoir que la protection de ceux-ci est assurée dès lors qu’est établie devant la juridiction prud’homale une discrimination directe fondée sur des éléments tels que la religion, l’apparence physique, l’orientation sexuelle etc, et non justifiée par une exigence professionnelle légitime. La liste des motifs de discrimination établie par l’article L. 1132-1 du Code du travail est très étendue, confortant d’autant plus cette protection. Le cas d’une discrimination indirecte est également attaquable, mais le salarié devra alors plutôt mettre l’accent sur le manque de légitimité de l’objectif poursuivi par la différence de traitement et sur la disproportion des moyens mis en œuvre pour l’atteindre.

 

Du côté de l’employeur, celui-ci aurait tout intérêt à se prémunir en insérant une disposition textuelle de type « clause de neutralité » dans le règlement intérieur, et en prenant garde à ce que la restriction imposée ait un objectif légitime (par exemple la sécurité du personnel et des clients de l’entreprise) et ait des modalités de mise en œuvre proportionnées à l’objectif poursuivi.

 

Jerry BEHAJA

Docteur en droit et Enseignant-chercheur

Avocat au Barreau de Paris

www.avocatbehaja.fr